La guerre des deux mondes

Troisième et dernier opus pour la grande saga d’animation produite et réalisée par Luc Besson : les Minimoys 3D envahissent le monde réel et s’y livrent bataille. 3D mêlée à de la prise de vues réelles : un défi technique dont le studio Buf fait son régal.

À la fin du second volet, Arthur et la vengeance de Maltazard, le diabolique Maltazard a réussi à passer dans le monde des humains, tout en bloquant Arthur dans le monde des Minimoys. Haut désormais de 2,40 mètres, il va mettre son génie du mal à contribution pour tenter de prendre le contrôle de la planète. Dans Arthur 3 : la guerre des deux mondes, Arthur et ses amis vont réussir à trouver un passage vers notre monde et mener la lutte contre leur ennemi de toujours. Le seul problème… c’est qu’ils mesurent toujours 2 mm. Mais ils trouveront un allié inattendu en la personne de Darkos, le propre fils de Maltazard.

Ici encore, c’est le studio Buf qui a assumé l’infographie et les effets 3D. Pixelcreation a rencontré pour cela Stéphane Nazé, superviseur de l’infographie sur Arthur et la vengeance de Maltazard et sur Arthur 3 :

Pixelcreation : Comment avez-vous abordé ce dernier volet de la saga ?
Stéphane Nazé : En fait, les deux films ont été considérés comme un seul projet. C’est la même équipe qui s’est occupée de l’ensemble. Yann Avenati a supervisé l’animation, Laurent Panissier les décors, Raphaël Zito le lighting et Sébastien Tricoire le mapping. De leur côté, Cyril Tchernomordik s’est occupé du set-up, et Arash Habibi des effets visuels, tandis que Olivier Cauwet a supervisé tous les effets visuels dans le monde des humains. Nous avons eu un temps de production équivalent, soit environ 18 mois par film, mais les deux volets n’ont pas été réalisés l’un après l’autre. En fait, le travail sur Arthur 3 a démarré alors que nous étions encore en pleine production sur le deuxième épisode. Pendant la majeure partie de l’année 2009, nous avons travaillé sur les deux films en même temps. L’équipe est alors montée jusqu’à 250 personnes ! Dans la pratique, il y avait en moyenne une centaine de personnes sur Arthur 3, dont  45 animateurs.

Pixelcreation : Y a-t-il eu des changements entre Arthur et la vengeance de Maltazard et Arthur 3 ?
Stéphane Nazé : Oui, nous avons effectué des changements assez radicaux d’un film à l’autre. Entre Arthur et les Minimoys  et Arthur et la vengeance de Maltazard, nous nous étions surtout concentrés sur la qualité de l’animation. Entre Arthur et la vengeance de Maltazard et Arthur 3: la guerre des deux mondes, c’est le rendu qui a été complètement revu et optimisé. Pendant la réalisation du deuxième film, nous avons basculé sur un tout nouveau moteur de rendu qui avait été développé en interne. Il apportait une série d’innovations majeures que nous n’avons pas eu le temps d’intégrer à l’époque - on ne pouvait pas changer de technologie en cours de production. Par contre, nous avons pu en profiter pleinement pour Arthur 3.

Pixelcreation : De quels types d’innovations s’agit-il ?
Stéphane Nazé : La grande différence, c’est l’utilisation de l’éclairage en HDRI (large gamme dynamique). Sur le deuxième film, cette technique était déjà disponible, mais elle était encore beaucoup trop lourde. Or, nous devions respecter des moyennes de temps de calcul par image afin de tenir les délais. Il était impossible de recalculer, par exemple, une série de plans à la dernière minute avec cette technique. Pour Arthur 3, notre équipe de développeurs a fait un travail remarquable pour optimiser le logiciel et nous permettre d’exploiter à fond l’éclairage en HDRI. C’était très important pour les plans à effets visuels où il nous fallait intégrer les personnages dans le monde réel. Leur apparence devait être beaucoup plus réaliste qu’elle ne l’était dans le monde des Minimoys. Cela a été rendu possible par la reconstitution de tous les décors réels en maps HDRI. Ils nous ont permis d’éclairer Maltazard et les autres avec un réalisme que nous n’aurions pas eu autrement.

Pixelcreation : Cette technique d’éclairage en HDRI a-t-elle également été employée sur les scènes en full 3D du monde des Minimoys ?
Stéphane Nazé : Oui, tout à fait. Nous avons cherché de quelle façon nous pourrions l’incorporer dans l’éclairage de cet univers. Comme les décors étaient bien mis en lumière, nous avons pu en déduire des maps d’éclairage, ce qui nous a donné plus de souplesse et de finesse dans nos rendus.

Pixelcreation : Comment avez-vous assuré la transition des personnages vers le monde réel ?
Stéphane Nazé : C’était sans doute notre plus gros défi sur ce film. Il fallait intégrer les personnages dans notre univers quotidien avec un réalisme tel que le spectateur ne devait même pas se poser la question. Nous étions tous assez déçus par l’apparence de Maltazard à la fin de Arthur et la vengeance de Maltazard. On trouvait qu’il ne fonctionnait pas. Nous avons donc investi beaucoup d’efforts dans les textures afin que les personnages 3D soient parfaitement intégrés dans le monde réel. Le problème, c’est que les textures originales ne pouvaient pas être agrandies à une telle échelle. Il s’agissait de passer d’une taille de 2 mm à plus de 2000 mm ! De fait, il a fallu créer une seconde série de modèles 3D, bien plus riches et détaillés, pour les personnages qui évoluent dans le monde réel. On ne pouvait même pas les utiliser pour les scènes dans le monde des Minimoys parce que là, c’était le phénomène inverse qui se produisait : le personnage était beaucoup trop détaillé par rapport à son environnement…

Pixelcreation : Comment les plans à effets visuels ont-ils été filmés ?
Stéphane Nazé : De la même façon que pour toutes les scènes d’animation depuis le premier film - en utilisant notre technique de VMC ou Video Motion Capture, qui n'est pas de la capture de mouvements comme on l'entend habituellement. Chaque personnage est interprété par un acteur qu’on filme avec plusieurs caméras témoins. Ensuite, à partir de ces images, nous calons l’animation du personnage 3D sur les mouvements de l’acteur. Pour les scènes dans le monde réel, le principe était le même : on installait entre trois et cinq caméras autour de l’action, en essayant de couvrir le plus d’angles différents (de face, de ¾, de profil, vue depuis le sol, vue en hauteur). Luc voulait absolument que toutes les scènes de Maltazard et de Darkos soient tournées avec de vrais acteurs. C’était un atout majeur pour les animateurs, mais cela impliquait un énorme travail de retouche de l’image pour effacer les interprètes…

Pixelcreation : Parlez-nous à présent des scènes avec Arthur, Séléna et Bétamèche qui ne mesurent que deux millimètres dans le monde humain…
Stéphane Nazé : Bien que l’action se déroule dans des décors réels (grenier, couloir, chambre), ces scènes ont toutes été réalisées en full 3D.. Le décor et les accessoires ont été créés à partir de photographies, lesquelles nous ont également permis de déduire les maps HDRI. C’était un défi très difficile car on passait de plans avec un vrai acteur dans la pièce réelle à des plans en full 3D dans le même décor… Il ne fallait pas qu’on voie la moindre différence entre les deux, même si le montage alternait sans arrêt prises de vue réelles et 3D. Car contrairement au monde des Minimoys, ces décors existaient réellement, de même que tous les accessoires. Le rendu devait être parfait !

Pixelcreation : Combien y a-t-il de plans à effets visuels ?
Stéphane Nazé : Plus de 700, ce qui était considérable. Cela ne se voit pas à l’écran, mais nous avons modifié les décors extérieurs dans la plupart des plans. Chaque fois qu’on voit la ville, l’image a été retouchée : bâtiments ajoutés, d’autres effacés, dégâts intégrés dans le décor, etc. C’était déjà un travail de grande ampleur. Avec 700 plans, cette partie du projet était à elle seule l’équivalent d’un gros projet à effets visuels, et là-dessus venaient s’ajouter tous les plans en full 3D. Au total, nous avons sorti près de 1800 plans pour ce film !

Alain Bielik (commentaires visuels : Paul Schmitt) - Octobre 2010
Spécialiste des effets spéciaux, Alain Bielik est le fondateur et rédacteur en chef de la revue S.F.X, bimestriel de référence publié depuis 19 ans. Il collabore également à plusieurs publications américaines, notamment sur Internet.

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