Batman v Superman Dawn of Justice

L’affrontement titanesque des deux superhéros historiques de DC Comics. Un choc des titans marqué par l’arrivée d’un nouveau Batman. Avec des CG breakdowns signés MPC.

Marvel a peut-être les superhéros les plus « cool » comme Iron Man ou Spider-Man, mais DC Comics détient les deux premiers superhéros de l’histoire du genre : Superman a été créé en 1938 et Batman en 1939, presque un quart de siècle avant l’arrivée du premier héros Marvel. Ces deux figures historiques du genre sont aujourd’hui opposées dans un film au budget estimé à 250 millions de dollars minimum. Cheville ouvrière de ce projet très ambitieux, Zack Snyder prolonge ici la mise en place de l’univers DC Comics au cinéma, trois ans après Man of Steel.

Pour les effets visuels, Zack Snyder a une nouvelle fois fait confiance à John « DJ » Des Jardins, l’homme qui supervise tous ses films depuis Watchmen (2009) après s’être fait la main sur d’autres histoires de superhéros comme Les Quatre Fantastiques et X-Men III.

Batman vs Superman comporte environ 1250 plans à effets visuels, ce qui est étonnamment modeste compte tenu de l’envergure du projet. Un film comme Deadpool en comporte plus de 1500 alors que son budget était… quatre fois plus petit. “J’ai fait appel aux mêmes prestataires que pour Man of Steel, soit Weta Digital, MPC, Double Negative et Scanline principalement,” raconte Des Jardins. “Je connais leurs forces et nous travaillons très bien ensemble. Le film s’est tourné entre mai et décembre 2014, ce qui nous a laissé onze mois de postproduction. En réalité, les effets visuels sont bouclés depuis déjà novembre 2015. Comme Zack a monté le film au fur et à mesure du tournage, il a pu nous donner très tôt des maquettes de scènes pour commencer à travailler. Nous avons pu lui soumettre très vite les premiers effets visuels tests au lieu d’attendre des mois comme cela se fait souvent. Ça nous a permis d’avoir plus de temps pour les finitions et les modifications.”

On refait la scène : destruction de Metropolis
Bien que Man of Steel précède directement les événements dépeints dans Batman vs Superman, les deux films s’avèrent très différents. Man of Steel est un vrai film de science-fiction, avec notamment une première partie sur une autre planète, puis l’arrivée d’extraterrestres sur Terre avec leur technologie très avancée. À l’inverse, Batman vs Superman est nettement moins fantastique, plus terre-à-terre. Aux côtés de Superman, les principaux protagonistes du film sont Bruce Wayne et Lex Luthor, des êtres humains ordinaires, sans super pouvoir.

La dernière partie de Man of Steel mettait en scène le combat monumental entre Superman et Zod, un affrontement aérien où une bonne partie de Metropolis était détruite. Dans Batman vs Superman, c’est la même séquence qui ouvre le film, excepté que le point de vue est différent. “Dans le film précédent, le combat était montré depuis les airs, à la hauteur de Superman et de Zod,” explique Des Jardins. “Dans le nouveau, on revoit les mêmes événements, mais du point de vue de Bruce Wayne qui se trouve dans la rue. C’était un défi totalement inédit : refaire la même scène, mais vu d’un autre endroit, deux ans après ! Double Negative a réalisé des simulations dynamiques très poussées pour montrer la désintégration des façades sous l’effet de la vision laser de Zod, l’effondrement des immeubles et le nuage de poussière qui envahit la ville. Zack voulait un réalisme absolu dans ces scènes. Il fallait qu’on ressente ce que les victimes ressentaient depuis le sol, cette impuissance face aux destructions aveugles provoquées par des « dieux » qui se battaient dans le ciel. L’émotion que cela suscitait permettait de justifier les événements qui allaient suivre.”

Double Negative a réalisé la totalité des effets visuels de la séquence, depuis la création de l’environnement jusqu’à l’animation des personnages. Puis, Scanline a pris la relève pour les effets concernant Metropolis dans le reste du film. De son côté, MPC s’est concentré sur l’action et les personnages dans Gotham City, tandis que Weta Digital s’est occupé de toute la séquence sur Krypton – ce qu’ils avaient déjà fait dans le film précédent.

VFX : une organisation par séquence plutôt que par personnage
Cette séparation des tâches est très différente de ce qui se fait d’habitude sur les films faisant intervenir des personnages animés en 3D. “D’ordinaire, chaque prestataire prend en charge un ou deux personnages et s’en occupe dans tous les plans. Cela permet d’avoir une parfaite continuité visuelle sur l’animation et le rendu : les plans sont créés par une seule équipe avec un seul pipeline software. Le problème avec les films de superhéros comme celui-ci ou les Avengers, par exemple, c’est que les personnages se mélangent de plus en plus. Ils sont à plusieurs dans la plupart des scènes, chacun avec les effets visuels qui leur sont propres. Il devient donc impossible de travailler avec « un personnage par studio VFX ». Pour cette raison, j’ai décidé de découper le film non pas par séquence, ni par personnage, mais par environnement : Metropolis, Gotham City et Krypton. Tous les effets visuels survenant dans chaque environnement ont été confiés à un studio particulier. Les personnages sont donc réalisés par différents studios au fur et à mesure que l’histoire avance. Bien sûr, cette approche exige un suivi qualité très poussé pour s’assurer, par exemple, que la cape de Superman bouge exactement de la même façon dans tous les plans, quel que soit le studio qui l’a animée.”

Superman avait justement été créé de manière très convaincante dans Man of Steel. Pour les scènes de vol de Batman vs Superman, l’équipe a utilisé différentes techniques en fonction de la taille du personnage dans l’image. Selon les plans, Superman est entièrement animé en 3D, ou bien son corps est créé par ordinateur et combiné avec la tête de l’acteur Henry Cavill, ou encore, il s’agit du vrai Cavill suspendu à des câbles sur fond vert. Seule constante dans tous ces effets, la cape est toujours animée par ordinateur : elle n’est réelle que lorsque Superman est au sol.

Pour Superman, Batman, et Wonder Woman, nous avons créé des doublures numériques très détaillées,” précise Des Jardins. “Nous les utilisions systématiquement dans les scènes d’action, mais en prenant soin, chaque fois que c’était possible, de démarrer ou de finir sur le véritable interprète. Cela permet d’ancrer l’action dans la réalité. Par exemple, on voit un personnage se faire projeter sur un mur – c’est une animation 3D – mais quand il se redresse, c’est l’acteur, et quand il repart à l’attaque, c’est de nouveau une animation. Souvent, nous effectuions la transition pendant le plan, sans couper.”

Bientôt la parité?

La grande nouveauté du film, c’est Wonder Woman, personnage historique de DC Comics qui fait ici sa première vraie apparition au cinéma. L’enjeu était crucial car la superhéroïne va avoir son premier film en solo l’an prochain. Batman vs Superman sert en réalité de tremplin au personnage. “Gal Gadot lui donne vie de manière remarquable. Vous savez, vous pouvez créer les effets visuels les plus élaborés autour d’un personnage, mais au final, c’est l’acteur qui seul va les « vendre ». Si l’on croit que Wonder Woman peut générer une onde de choc en frappant ses bracelets de force, c’est parce que Gal est totalement convaincante dans son attitude…”

Autre nouveauté de taille, l’apparition de Doomsday, « méchant » historique qui a l’insigne honneur d’être le seul à avoir tué Superman dans une B.D. devenue culte. Comme ce personnage apparaît dans deux environnements différents, MPC et Weta se sont partagés sa création. Pendant les prises de vues, le personnage était interprété par un acteur revêtu d’une tenue de performance capture complète, y compris un casque vidéo pour la capture faciale. Son interprétation a ensuite servi de base à l’animation du personnage.

À peine Batman vs Superman terminé, John DJ Des Jardins n’a pas eu le temps de souffler : il est déjà à pied d’œuvre sur Justice League, le film de Zack Snyder qui rassemblera tous les superhéros DC Comics…

ALAIN BIELIK,  mars 2016
(Commentaires visuels : Paul Schmitt)
Spécialiste des effets spéciaux, Alain Bielik est le fondateur et rédacteur en chef de la revue S.F.X, bimestriel de référence publié depuis 25 ans. Il collabore également à plusieurs publications américaines, notamment sur Internet.