Captain America Civil War

Troisième aventure du superhéros Marvel et un quasi record pour les effets visuels !

Officiellement, il s’agit de la nouvelle aventure de Captain America sur grand écran, mais officieusement, le film est considéré comme un Avengers 2.5. Il est vrai que la plupart des personnages de Avengers : L’ère d’Ultron ont rempilé dans cette histoire, et que de plus, le film présente deux nouveaux superhéros : Black Panther et Spider-Man (réinventé pour l’occasion). Étant donné que tous les personnages principaux sont des superhéros, le projet a vite atteint des sommets en termes de plans VFX : quasiment 2800 plans font intervenir des effets visuels d’une manière ou d’une autre. Dans le genre, seul Avengers L’ère d’Ultron a fait « mieux » avec plus de 3000 plans VFX.

Pour chapeauter ce projet monumental, Marvel Studios a fait appel à un habitué de la maison, Dan DeLeeuw, qui avait déjà supervisé Iron Man 3 et Captain America 2. Pas moins de 14 sociétés différentes ont été nécessaires pour venir à bout de ces effets visuels. Le principal prestataire a été Industrial Light and Magic avec 650 plans (ILM et Marvel Studios sont tous les deux des filiales de l’empire Disney). Les autres effets d’importance ont été répartis entre Method Studios, Cinesite et Double Negative, tandis que les effets secondaires étaient confiés à Trixter, Lola, Luma, Rise, Animal Logic, etc.

Pour accélérer le processus, chaque équipe a pu récupérer les données qui avaient été créées pour les films précédents de Marvel. “Le studio dispose d’une équipe qui archive tout film par film : géométries, shaders, décors, etc.” explique DeLeeuw. “C’est très bien organisé. Par exemple, quand on attaque un nouveau projet, ces personnages sont déjà modélisés pour la prévisualisation : on peut attaquer directement l’animation sans attendre. Autre avantage de cet univers intégré Marvel, on peut se référer à tel ou tel plan pour expliquer ce que l’on veut à un prestataire. Par exemple, chez Marvel, on considère que le plan « ultime » d’Iron Man en train de marcher, c’est celui où il fait exploser le char d’assaut dans le premier film Iron Man. C’est la même chose pour Captain qui envoie son bouclier, ou bien Hawkeye qui tire une flèche. Au fil des épisodes, chaque personnage a développé des poses « iconiques » qu’on reproduit de film en film. On envoie l’extrait à l’équipe en charge de l’animation et on dit : ‘Voilà ce qu’on veut.’ Ça permet d’éviter tout malentendu.”

Optimisation des personnages
En toute logique, lorsqu’un personnage était déjà apparu dans un film précédent, Dan DeLeeuw confiait sa réalisation au même studio VFX. Par exemple, sur Captain America Civil War, ILM a de nouveau réalisé les effets d’Ant-Man en reprenant la même méthodologie : les effets de miniaturisation étaient basés sur le même principe de vrais décors capturés en macrophotographie pour créer l’illusion d’un personnage minuscule. De son côté, Lola VFX a créé Vision pour la deuxième fois consécutive : les graphistes de Lola ont effacé toutes les ombres du maquillage de Paul Bettany afin de lisser la structure du visage, puis gommé les pores de la peau pour obtenir une surface au rendu artificiel.

En ce qui concerne Iron Man, Dan DeLeeuw a repris la technique qui avait été mise au point sur les films précédents. Sur le plateau, Robert Downey Jr. ne portait que le torse de l’armure, et encore, uniquement en tant que référence lumière. Pour le reste, l’acteur portait des vêtements ordinaires équipés de trackers fixés à l’aide de bandes velcro. “Robert était filmé par des caméras témoins placées sur les côtés de l’action, ce qui nous permettait ensuite de trianguler sa position pour caler dans l’image l’armure animée en 3D. Le torse était remplacé par la version numérique. L’intérêt de l’animation 3D, c’est qu’on peut avoir les proportions que l’on veut. Ainsi, le casque d’Iron Man en 3D peut avoir la même taille que la tête de Robert Downey Jr dans le plan original, ce qui nous donne une vraie silhouette de superhéros, avec ce corps massif surmonté d’une tête proportionnellement plus petite. Un effet impossible à obtenir dans la réalité.”

L’une des grandes nouveautés du film est l’arrivée de Black Panther, un des personnages les plus célèbres de la galaxie Marvel, et pas seulement parce qu’il a été le premier superhéros afro-américain de l’histoire. “Ce personnage n’a pas vraiment de superpouvoir, on peut le comparer à un supersoldat comme Captain America,” souligne DeLeuuw. “Black Panther dispose d’un costume qui intègre du vibranium, ce métal indestructible dont est fait le bouclier de Captain. Les réalisateurs voulaient mettre les fibres de métal en évidence et cela s’est avéré très difficile avec le costume réel. Aussi, nous avons décidé de remplacer le vrai costume par une réplique animée en 3D dans presque tous les plans. C’était le seul moyen d’obtenir à l’écran le rendu métallique du vibranium. En même temps, ça nous permettait de donner à Black Panther des proportions de superhéros – comme pour Iron Man. En réduisant la taille du casque, par exemple, ça donnait un rendu visuel bien plus séduisant qu’avec le casque réel. Nous avons beaucoup travaillé sur les shaders et les displacement maps pour obtenir une structure qui suggère un composant métallique. C’était assez délicat à mettre au point parce qu’il ne fallait pas non plus en faire une armure.”

Spider-Man, un retour attendu
Mais celui qui leur vole la vedette à tous, c’est Spider-Man. Jusqu’à l’an dernier, les droits de l’homme-araignée étaient détenus sous licence par Sony Pictures, et le studio en avait tiré cinq films. Mais Sony a décidé l’an dernier d’un partenariat avec Marvel. Après 15 ans d’absence, le superhéros revient donc dans sa maison d’origine. Pour l’occasion, il a fallu complètement le réinventer, un projet de la plus haute importance puisque ce look allait ensuite être repris dans le film en solo qui doit sortir en juillet 2017.

L’âge de l’acteur a fait une grande différence. “Tom Holland n’a que 19 ans, les autres acteurs étaient nettement plus âgés,” explique DeLeeuw. “Avoir un Spider-Man adolescent changea pas mal de choses. Cela suggère une certaine insécurité, des mouvements moins parfaits, des atterrissages perfectibles… autant de choses que nous avons intégrées dans l’animation. Ce Spider-Man là n’est pas encore le superhéros définitif que l’on connaît, mais un héros en gestation. Dans les films précédents, tout était un peu trop parfait, un peu trop gracieux, si bien qu’il y avait un côté artificiel inévitable. Nous voulions absolument faire passer le personnage à l’étape supérieure, le rendre aussi crédible dans les airs qu’Iron Man ou Falcon. Pour ce faire, nous avons filmé un cascadeur en train de se balancer avec des cordes comme Spider-Man avec sa toile. Ces images étaient très utiles pour voir comment le poids du corps passe d’un bras sur l’autre, comment les jambes réagissent, etc. Cela s’est traduit ensuite par une animation plus subtile : les mouvements de L’Araignée sont moins gracieux qu’auparavant, on sent le poids du corps sous le costume, chaque action amène une réaction… Il n’y a aucune « magie » dans la manière dont il bouge, tout est basé sur la physique.” C’est ILM qui s’est chargé du personnage, alors que toutes ses incarnations précédentes avaient été réalisées par Sony Pictures Imageworks. ILM sera aussi à la manœuvre pour le film de l’été prochain.

Comme toute production Marvel qui se respecte, le film inclut une gigantesque bataille rangée entre superhéros. L’action se déroule dans, autour et au-dessus d’un aéroport. Choisi pour servir de décor, l’aéroport de Leipzig a été scanné en détail, puis référencé par des milliers de photographies. À partir de ces données, le site a été reconstitué en 3D pour compléter le décor partiel sur lequel les acteurs avaient été filmés. Puis, l’équipe a réalisé des dizaines de simulations dynamiques pour visualiser les destructions : explosions, effondrements, pluies de débris, ondes de choc, nuages de poussière, flammes, panaches de fumée, etc.

Un combat grandiose pour un film considéré comme l’un des meilleurs des studios Marvel. Le public, lui, devrait répondre présent et faire de ce Captain America Civil War l’un des trois ou quatre plus gros succès de l’année.

Alain BIELIK, avril 2016
(Commentaires visuels : Paul Schmitt)
Spécialiste des effets spéciaux, Alain Bielik est le fondateur et rédacteur en chef de la revue S.F.X, bimestriel de référence publié depuis 25 ans. Il A également à plusieurs publications américaines, notamment sur Internet.