Gardiens de la Galaxie 2

Retour en beauté dans l’univers déjanté de Star-Lord, Groot et Rocket, avec le nombre impressionnant de 2400 effets visuels !

Succès surprise de l’année 2014, Les Gardiens de la Galaxie ont déjoué tous les pronostics qui prévoyaient le premier échec des studios Marvel : acteurs inconnus, personnages inconnus, un raton-laveur qui parle, un genre (la SF) qui n’avait jamais fonctionné en dehors des labels Star Wars et Star Trek… Nul n’avait prévu que le réalisateur James Gunn livrerait un film aussi drôle et aussi décalé. Le public a tout de suite craqué pour ces personnages atypiques, cette bande originale démentielle, et les gags à répétition. En prime, pas moins de deux nominations à l’Oscar : pour les maquillages et les effets visuels.

Autant dire que la barre était placée très haut pour cette suite, à nouveau dirigée par Gunn, mais qui voit cette fois les effets visuels chapeautés par Christopher Townsend, un habitué des plus grosses productions Marvel (Captain America, Iron Man 3, Avengers 2). Et justement, Les Gardiens de la galaxie Vol. 2 s’est avéré être l’un des plus gros projets de l’histoire du studio : “Le film comporte 2400 plans à effets visuels !” raconte Townsend. “Avengers : L’Ère d’Ultron en comptait un peu plus, mais Les Gardiens est beaucoup plus varié et plus complexe. Par exemple, la majeure partie des environnements a été créée par ordinateur, et ces environnements étaient tous très élaborés – les planètes du film sont encore plus délirantes que celles du film précédent ! Les effets ont été réalisés par Framestore, Weta Digital, Method Studios, Trixter, Animal Logic, et Scanline, ainsi que Lola VFX pour des effets de rajeunissement.”

Quatre studios pour créer les personnages
Comme sur le film précédent, le défi principal concernait la création de Rocket (le raton-laveur) et de Groot (l’être végétal), deux personnages principaux entièrement générés en animation 3D. Sur le premier opus, ils avaient été créés conjointement par Framestore et MPC. Cette fois, pas moins de quatre prestataires se sont partagés les plans de ces personnages : Framestore, Weta, Method et Trixter. Du jamais vu dans le genre ! “C’était indispensable pour les délais,” explique Townsend. “Il était impossible à un seul studio de réaliser tous ces plans d’animation dans le temps imparti, ni même à deux studios. Framestore s’est occupé de préparer toutes les données (géométrie, rig, shaders, etc.), puis de les transmettre aux autres studios. Bien entendu, cette approche comportait des risques énormes au niveau de la continuité. Avec quatre équipes d’animateurs, quatre pipelines logiciels, quatre manières de travailler, il semblait impossible d’obtenir un Rocket et un Groot qui soient homogènes d’un bout à l’autre du film. Il fallait que le Rocket de Framestore ait exactement les mêmes maniérismes, la même démarche, les mêmes postures que celui de Method ou de Weta…”

La continuité de l’animation a donc été le souci principal de Townsend et de la production. Le superviseur a dû mettre au point une nouvelle manière de travailler : “Tout au long du processus, j’ai sélectionné des plans terminés que je trouvais significatifs et je les ai faits passer aux autres. Ils fournissaient des références très utiles. Par exemple, je découvrais un plan où la fourrure était particulièrement réussie, et je disais aux autres : ‘Voici l’objectif à atteindre, c’est ce rendu-là que nous voulons’. Ou bien, j’attirais l’attention sur l’animation des yeux de Rocket dans un plan ou bien sur la manière dont une liane de Groot se tordait, et je leur demandais de s’en inspirer. Ça fonctionnait également en sens contraire, c’est-à-dire que quand un studio essayait quelque chose et que ça ne marchait pas, je l’envoyais aussi aux autres studios : ‘Là, les yeux ont l’air d’être en verre’ ou bien ‘Là, la fourrure ressemble à un animal empaillé’, etc. De cette manière, chacun apprenait des erreurs des autres et tout le monde avançait plus vite.”

Bébé Groot, star du film
Le défi était d’autant plus grand qu’il s’agit-là de personnages phares qui attirent automatiquement l’attention des spectateurs. Ainsi, dès que Bébé Groot apparaît à l’écran, les autres personnages passent au second plan ! “Nous savions que nous avions quelque chose de très spécial avec ce design…” avoue Townsend. “Dès le départ, James Gunn a dit qu’il ne fallait pas accentuer le côté adorable de Groot (ndlr : qui renait comme bébé d’une brindille ayant survécu le premier Gardiens de la Galaxie). Le personnage ne devait jamais « jouer » mignon, il devait juste être lui-même, et c’est le design qui faisait le reste. Inutile d’en rajouter avec l’animation. C’est pour cela que nous lui avons attribué le comportement d’un enfant de deux ou trois ans. Par exemple, au beau milieu d’une bataille, il va observer un objet ou un insecte sans se préoccuper des explosions ! Le décalage entre son comportement innocent et la situation chaotique autour de lui suffisait à créer l’humour. En même temps, nous devions faire attention à ne pas aller trop loin dans l’anthropomorphisme. Groot n’est pas humain, c’est un être végétal, un extraterrestre. Il ne devait donc pas se comporter exactement comme un humain.”

L’animation de Bébé Groot s’est révélée être plus délicate que prévu, du fait de la nature « rigide » des surfaces : après tout, il s’agit d’un arbre… Pour contourner le problème, les animateurs se sont inspiré du travail du studio Aardman, notamment sur les courts métrages Wallace & Gromit ou Creature Comforts. “Dans ces petits films, l’animation est vraiment minimaliste, mais ils parviennent néanmoins à créer de vrais personnages : une simple inclinaison de la tête ou bien un haussement de sourcil suffit à exprimer une émotion,” souligne Townsend. “Cela prouve qu’on peut suggérer énormément de choses à partir de quelques mouvements seulement. Cette approche minimaliste a été la base de l’animation de Bébé Groot.”

Des mondes renversants
Là où le film impressionne également, c’est sur le plan des environnements. Les designers ont imaginé des mondes comme personne n’en avait encore jamais vus au cinéma. L’objectif était que chacun d’eux soit absolument unique sur le plan visuel. “Je dois dire que nous sommes allés très loin en la matière, tout en nous efforçant de rester crédibles – on ne peut pas non plus faire n’importe quoi, il faut que ces mondes fantastiques semblent vraiment réels. Nous avons tout de suite décidé de ne pas recourir à la technique qu’on utilise le plus souvent dans ce cas de figure, à savoir tourner les extérieurs en Islande, au Maroc ou dans un paysage exotique quelconque, puis ajouter des montagnes étranges à l’horizon ou bien deux lunes dans le ciel… Tout cela avait déjà été fait et refait, et ce n’était pas assez « extra » terrestre pour nous.

Certains de ces environnements sont absolument gigantesques. Ils font intervenir des milliers d’éléments, entre les géométries, les shaders, les simulations, les animations, etc. Certains mondes s’inspiraient de la culture « pop art » ou bien du design flashy des couvertures d’albums pop/rock des années 70. Pour rendre cela crédible, on ajoutait là-dedans des éléments plus réalistes issus des œuvres de la Renaissance ou bien des peintures de Maxwell Parrish, afin que les spectateurs retrouvent des repères familiers. La planète la plus élaborée est sans doute celle qui se présente sous la forme d’un monde souterrain : cet environnement est conçu comme un immense modèle mathématique où l’on retrouve des figures fractales de Mandelbrot, le tout mixé en mode organique. Weta Digital a calculé que le décor de ce monde souterrain était l’environnement 3D le plus gros et le plus lourd de leur histoire ! Et c’est tout le même le studio qui a créé le monde d’Avatar !”

Alain  BIELIK, avril 2017
(Commentaires visuels: Paul Schmitt)
Spécialiste des effets spéciaux, Alain Bielik est le fondateur et rédacteur en chef de la revue S.F.X, bimestriel de référence publié depuis 25 ans. Il collabore également à plusieurs publications américaines, notamment sur Internet.