Iron Man

Le chevalier des temps modernes fait ses débuts sur grand écran. Surprise, c’est l’un des meilleurs films de superhéros jamais réalisés, et aussi un festival d’effets spéciaux parfaitement réussis.


Ce n’est pas le plus célèbre, ni le plus beau, ni le plus fort, mais pourtant, depuis 45 ans, Iron Man demeure l’un des superhéros les plus populaires des éditions Marvel. Cet « Homme de Fer », c’est Tony Stark, génie de la mécanique, fabricant d’armes cynique et impitoyable, qui se retrouve un jour pris en otage par un groupe terroriste. Gravement blessé, il ne survit que grâce à un stimulateur cardiaque de fortune. Ses geôliers l’obligent à construire une arme de destruction massive, mais il en profite pour se fabriquer une armure grâce à laquelle il parvient à s’évader. Stark revient profondément transformé de cette captivité et décide d’utiliser la technologie à sa disposition pour se créer une identité secrète, celle du justicier Iron Man.
Contrairement à la plupart des héros Marvel (Spider-Man, Hulk, les X-Men, etc.), Iron Man ne possède aucun pouvoir particulier, si ce n’est une intelligence supérieure et des ressources financières inépuisables, ce qui lui permet de mettre au point des « jouets » particulièrement sophistiqués. Tout comme Batman (son rival des éditions D.C. Comics), Tony Stark est un milliardaire qui endosse un costume/armure pour combattre le Mal de façon anonyme. C’est la technologie qui fait de lui un superhéros ; c’est aussi elle qui le rend faillible. Lorsque les batteries de son armure sont épuisées, le fier héros n’est plus rien qu’une coquille vide… Une particularité sur laquelle les scénaristes n’ont pas manqué de jouer pour créer des situations de suspense.
Le film Iron Man marque la première production des tout jeunes studios Marvel. Le célèbre éditeur de bandes dessinées ne voulait plus se contenter d’encaisser les droits de licence sur ses superhéros, tandis que les studios de cinéma empochaient des centaines de millions de dollars en entrées cinéma, DVD, etc. Marvel a donc décidé de fonder sa propre unité de production et de financer entièrement les futures adaptations de ses comics. Iron Man est le premier de cette nouvelle vague, L’Incroyable Hulk le suivra dès le 23 juillet prochain. Pour un coup d’essai, c’est un coup de maître : le film a réalisé un démarrage foudroyant au box-office dans tous les pays où il est sorti !
Aux commandes de cette superproduction, on trouve Jon Favreau, honnête artisan hollywoodien (Zathura, Elfe) qui est ici passé à la vitesse supérieure. Il faut croire que le personnage l’a inspiré, tout comme il a enthousiasmé l’équipe technique chargé de le visualiser en trois dimensions. Pixelcreation a rencontré John Nelson, superviseur des effets visuels et responsable de cette transposition de la page à l’écran.

Pixelcreation : Quel a été votre rôle sur ce film ?
John Nelson : J’ai supervisé tous les effets visuels, je les ai répartis entre différents prestataires et j’ai suivi leur réalisation. Lorsque nous avons commencé à travailler sur le projet, en juillet 2006, j’ai demandé à plusieurs sociétés de réaliser un test mettant en scène un Iron Man 3D. J’avais déjà supervisé I, Robot et je connaissais donc les problèmes que pose ce type de personnage en termes d’éclairage et de rendu des surfaces métalliques. J’ai visionné une douzaine de tests différents et c’est celui d’ILM qui m’a le plus convaincu. Il y avait à la fois une image parfaitement photoréaliste et une vraie qualité d’animation, les deux facteurs qui comptaient le plus pour moi. ILM a donc réalisé les versions 2 et 3 de l’armure, appelées Mark II et Mark III, tandis que Embassy a créé la Mark I.

Pixelcreation : Combien y a-t-il de plans à effets visuels dans le film ?
John Nelson : Le montage final comporte un peu moins de 800 plans, mais nous en avons réalisé plus de 1100. Le réalisateur Jon Favreau a décidé de resserrer le film au montage et de n’utiliser les effets spéciaux que lorsqu’ils étaient indispensables à l’histoire. Il n’y a aucun plan de pure « esbroufe », aucune image tape-à-l’œil. Les effets visuels sont là pour faire avancer l’histoire et servir les personnages. C’était très important pour Jon. Il faut savoir qu’au départ, il éprouvait une véritable aversion pour les images de synthèse. Il en voulait le moins possible dans son film. Il a fallu le convaincre et lui démontrer qu’on pouvait obtenir avec la 3D une armure qu’il ne pourrait pas différencier du modèle réel. Jon a beaucoup insisté sur le fait qu’il ne s’agissait pas d’un « film à effets spéciaux ». Les gens devaient sortir de la salle en se souvenant des personnages et de l’histoire, et non pas des seuls effets visuels.

Pixelcreation : De quelle façon cela s’est-il traduit dans votre approche ?
John Nelson : D’abord, nous avons filmé un maximum d’éléments réels pour les plans à effets visuels. Par exemple, dans la scène de chasse aérienne entre Iron Man et des F/22, les prises de vues originales montraient deux avions de chasse plus anciens, mais bien réels, que nous avons ensuite remplacé par les F/22 réalisés en 3D. De même, quand on voit Iron Man voler, le ciel est bien réel, et les plans ont souvent été filmés à l’aide d’un avion qui représentait le personnage et que le caméraman, placé dans un autre avion, pouvait cadrer et suivre. Cela donnait des images beaucoup plus réalistes que si l’environnement entier avait été généré par ordinateur : ce type de plans donne toujours l’impression d’être artificiel. Pour les scènes au sol, nous avons tenté de filmer au maximum les différents costumes que portait l’acteur Robert Downey Jr. Lorsque cela n’était pas suffisant, je cherchais à employer une solution purement 2D. Puis, si ça ne fonctionnait toujours pas, j’essayais de voir si on pouvait utiliser une projection 2D sur un modèle 3D, et en dernier recours, on employait le full 3D.

Pixelcreation : Dans le film, Iron Man est donc parfois l’acteur dans un costume, et parfois une animation purement 3D…
John Nelson : Oui, et quelquefois les deux en même  temps ! Je m’explique. Robert porte l’armure réelle dans de nombreux plans, mais ce costume limitait considérablement ses mouvements. Aussi, pour faciliter les prises de vues, nous avons décidé de filmer un costume partiel : dans les trois quarts des plans, ce que vous voyez à l’écran, c’est en fait Robert Downey Jr. « vêtu » d’une armure entièrement générée en 3D par ILM. Dès le départ, j’ai analysé les storyboards avec l’équipe chargée de fabriquer le costume, et plan par plan, nous avons déterminé ce qui pouvait être fait avec l’armure réelle, ce qui pouvait éventuellement fonctionner avec cette armure, mais à vérifier au moment du tournage, et ce qui ne pouvait marcher qu’avec une animation 3D.

Pixelcreation : Pourquoi avoir remplacé l’armure réelle dans les trois quarts des plans ? Puisque vous l’aviez déjà sous la main, cela n’aurait rien coûté de la filmer, alors que l’animation 3D…
John Nelson : Parce que pour Jon Favreau, le jeu d’acteur de Robert était plus important que le fait qu’il porte l’armure dans les scènes. Quand vous avez un acteur de son calibre devant la caméra, vous ne voulez pas qu’il consacre la moitié de son énergie à se battre contre un costume rigide ! Ce qui comptait, c’était sa performance, les nuances qu’il apportait à son personnage. Et si le fait de retirer les bras, les jambes, voire une partie du buste le mettait plus à l’aise pour jouer une scène, on ne s’en privait pas. Une fois encore, Jon voulait mettre les personnages en avant, pas la technique, ce qui impliquait de faciliter au maximum le travail des acteurs.

Pixelcreation : Comment ILM s’y est-il pris pour ajouter l’armure 3D sur le corps de l'acteur Robert Downey ?
John Nelson : Ils ont utilisé une version simplifiée du système iMoCap qu’ils avaient mis au point pour Pirates des Caraïbes 2. Robert portait un justaucorps recouvert de trackers qui permettaient ensuite à l’équipe de visualiser ses mouvements de façon précise, et d’appliquer ceux-ci sur le costume virtuel. C’était une sorte de Motion Capture vidéo dans laquelle les mouvements étaient animés à la main et non pas importés de façon automatique. Bien entendu, il fallait que l’animation du costume soit absolument synchrone avec les mouvements de Robert. S’il y avait eu le décalage le plus infime, l’armure aurait semblé « flotter » autour de lui. Dans certains plans, le défi était encore plus grand puisqu’il fallait ajouter les bras et les jambes 3D sur Robert, lequel portait seulement la partie centrale du costume réel… Je vous laisse imaginer la complexité du tracking et la difficulté pour obtenir sur la 3D des surfaces identiques à celles de l’armure réelle. D’un autre côté, la présence d’une partie d’armure réelle dans le plan constituait une référence précieuse pour l’équipe. Ils avaient sous les yeux le résultat exact auquel ils devaient parvenir en termes d’éclairage, de reflets, d’ombres, de rendu, etc. C’était très utile pour tout le monde.

Pixelcreation : D’ailleurs, le look ultra poli de l’armure Mark III a dû poser des problèmes considérables à ILM…
John Nelson : Oui, nous avons envoyé des pièces de l’armure à une firme russe qui dispose d’un scanner à très haute résolution capable de mesurer la façon dont la lumière se réfléchit sur un objet. Il s’est avéré que l’armure était si brillante que le scanner n’a pas pu fonctionner ! Pour restituer la richesse du matériau, ILM a utilisé les dernières techniques en matière de simulation de surfaces métalliques rigides. L’éclairage était basé sur des photos haute résolution du décor qui reproduisaient autour de l’armure 3D les conditions réelles de lumière. ILM a même développé un système pour que la lumière se réfléchisse d’une surface à l’autre, ce qui exige des temps de calcul monstrueux.

Pixelcreation : Vous avez eu la chance qu’ils viennent juste de finir Transformers, un projet qui présentait le même type de défi…
John Nelson : C’est vrai qu’Iron Man a pu bénéficier de leur expérience en la matière, mais d’une manière générale, les techniques mises en œuvre – éclairage à base de photos, occlusion ambiante, etc. – sont également maîtrisées par d’autres studios. Ainsi, nous avions utilisé la même technologie chez Digital Domain pour les personnages virtuels de I Robot il y a trois ans. Ce qui m’a attiré chez ILM, plus que leur expertise technique, c’est en fait leur équipe d’animation. Je voulais absolument travailler avec Hal Hickel, le directeur de l’animation des Pirates des Caraïbes. C’est à lui qu’on doit un personnage comme Davy Jones.

Pixelcreation : Justement, comment avez-vous approché l’animation d’Iron Man ?
John Nelson : Nous sommes partis du fait qu’il s’agit d’un homme engoncé dans une armure de 450 kilos montée sur réacteurs… Déjà, cela situe tout de suite le personnage par rapport à un Superman ou à un Spider-Man. C’est une machine qui lui donne le pouvoir de voler. Il faut qu’il ait constamment une poussée suffisante pour rester en l’air. Cette donnée essentielle a guidé l’animation : Iron Man est en fait un missile humain ! L’un des aspects les plus intéressants – et les plus délicats – de ce projet était que l’animation devait traduire l’apprentissage progressif du vol par Tony Stark. Au fil des différents costumes, puis scène par scène, et enfin, plan par plan, on devait littéralement le voir apprendre à voler et à maîtriser sa machine.

Pixelcreation : L’animation devait être assez difficile à mettre au point étant donné qu’il n’existe pas de référence dans la nature dont vous pouviez vous inspirer…
John Nelson : Détrompez-vous ! Nous avons découvert l’existence d’un Finlandais surnommé « Rocket Bird » qui saute en parachute et qui se dirige dans le ciel à l’aide de bottes à réaction1. Comme Iron Man ! Comme quoi, la science que nous décrivons dans le film n’est pas si éloignée de la réalité…
ALAIN BIELIK  mai 2008

Alain Bielik est le fondateur et rédacteur en chef de la revue d’effets spéciaux S.F.X, bimestriel de référence publié depuis 1991. Il collabore également à plusieurs publications américaines, notamment sur Internet.

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Autres films avec VFX du studio ILM :

>> Chroniques de Spiderwick

>> Pirates des Caraïbes 3

>> Transformers

>> Mission Impossible 3

>> Jurassic Park III