Jean de la Lune de Tomi Ungerer

Après Les Trois Brigands, une nouvelle adaptation de l’univers de Tomi Ungerer en animation.

Jean de la Lune est un film d’animation allemand – une rareté – mais partage une inspiration de veine française (européenne ?) et pas seulement à cause de son budget limité : animation 2D, histoire lente et empreinte de rêverie, décors superbement graphiques. Le film dégage une poésie fidèle à son inspiration, le livre Jean de la Lune écrit par Tomi Ungerer en 1966. Un Tomi Ungerer qui s'identifie volontiers à Jean de la Lune: "Jean de la Lune, c’est quand même un peu ma vie. J’ai voyagé dans le monde entier,avec la même curiosité, la même insouciance, la même liberté que Jean de la Lune... Quand j’ai débarqué à New York avec soixante dollars en poche, j’étais Jean de la Lune arrivantsur une toute nouvelle planète, moi qui venait d’Alsace… "

L’histoire est quant à elle très simple : Jean, qui habite la Lune et s‘y ennuie, débarque sur la Terre et en découvre les richesses naturelles avec ravissement. Jusqu’à ce que le dictatorial Président de la Terre décide de l’emprisonner pour mieux conquérir… la Lune. Heureusement, l’alliance d’un savant et d’enfants déjouera ce plan et permettra à Jean de repartir chez lui.

« Ce film fonctionne sur quatre axes : Jean de la Lune, le Président du Monde, le père et sa fille, et le savant Ekla des Ombres. On suit quatre rivières qui convergent de plus en plus, et une fois qu’elles se croisent, le rythme s’accélère. Vers la fin cela devient plus spectaculaire avec le lancement de la fusée. » analyse Stephan Schesch, réalisateur et producteur du film.

Stephan Schesch avait déjà produit Les Trois Brigands (2007), premier film d’animation tiré de l’œuvre de Tomi Ungerer et brûlait de continuer, derrière la caméra cette fois-ci : «Pour Les Trois Brigands, nous avions travaillé suivant le schéma classique d’une production allemande : une vingtaine d’artistes en Allemagne répartis entre Hambourg, Berlin et Stuttgart. Et le plus gros de la fabrication dans un studio des Philippines pour l’animation et la mise en couleurs.
Pour Jean de la Lune, je voulais une équipe plus centralisée, afin de mieux maîtriser l’ensemble. On a donc monté un studio à Berlin, Schesch Filmkreation, et employé soixante-dix personnes, auxquelles se sont ajoutés des artistes indépendants en Espagne, en Croatie, en Pologne, avec un peu de sous-traitance pour la colorisation en Asie. C’est en Irlande qu’ont été exécutés les huit-cent-soixante décors du film.
Tout a été dessiné à la main, même si on ne travaille plus sur papier, mais d’une açon plus efficace sur des écrans d’ordinateurs spéciaux. Toute la fabrication a été « fait-main » et nous avons décidé qu’il n’y aurait pas d’animation 3D dans ce film pour mieux respecter l’univers graphique de Tomi Ungerer. »

Les choix musicaux sont eux très variés, correspondant aux « quatre axes » du film, avec un style différent pour chacun. Jazz, ballade, mais aussi rock avec le choix inattendu dans un film pour enfants  d’In a gadda da vida, chef d’œuvre d’Iron Butterfly ! Superbe.

Sorti en salles en décembre 2012, Jean de la Lune est un pari réussi, on retrouve l’univers de Tomi Ungerer à travers le film : son graphisme expressif mais très synthétique, avec un jeu de contrastes entre un fonds sombre et des personnages colorés, son interrogation – à travers les yeux de Jean de la Lune – sur le monde qui nous entoure. Un film « élégiaque » selon Stephan Schesch lui-même.

Paul Schmitt, janvier 2013

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