The Maze Runner

Un thriller futuriste où des adolescents sont confrontés à un immense dédale peuplé de créatures de cauchemar, les Griffeurs.

NDLR: voir en bas de page la vidéo de Method Studios montrant les VFX breakdowns de Le Labyrinthe

Le labyrinthe du titre, c’est une prison à ciel ouvert dans laquelle un adolescent se réveille sans aucun souvenir de son passé, en compagnie d’autres jeunes gens tout aussi perdus que lui. Autour d’eux, un immense labyrinthe dont personne n’est jamais revenu vivant… Une intrigue à mi-chemin entre Sa Majesté des mouches de William Golding, la saga Hunger Games et la célèbre série télévisée Lost - Les disparus !

Et avec un tel décor, normal que ce long-métrage fasse la part belle aux effets visuels. Le Labyrinthe comporte 380 plans d’environnements numériques et pas moins de 150 plans d’animation 3D de créatures. Il s’agit du projet le plus ambitieux de l’histoire de Method Studios (White House Down), le principal prestataire.

L’effet majeur était la création du labyrinthe proprement dit. Sur le plateau, les parois étaient représentées par des murs de cinq mètres de haut. Method Studios les a prolongés jusqu’à 30 mètres en postproduction, puis ajouté les ombres correspondantes sur le sol. Suivant les plans, il s’agissait de matte-paintings 2D ½ (le plus souvent possible, pour économiser la ferme de rendu) ou bien de vraies géométries 3D. Ces dernières s’avéraient indispensables dès que les parois se mettaient en branle ou bien que la caméra survolait le site en vue aérienne.

L’aspect le plus complexe du décor est le lierre qui couvre une bonne partie des murs. Faute de pouvoir modéliser ces millions de feuilles à la main, Method a développé un script dans Houdini qui permettait de gérer de façon procédurale la croissance des plantes. L’artiste commençait par tracer sur le décor l’emplacement de la tige centrale en suivant les fissures dans le béton virtuel. Ensuite, Houdini lançait la croissance de la plante 3D qui « poussait » toute seule sur le tracé indiqué. Grâce à un autre script, le nombre de feuilles par tige était paramétré à l’avance, tout comme l’épaisseur des tiges latérales et leur quantité.
En jouant sur les différents paramètres, l’équipe a réussi à obtenir une végétation au réalisme étonnant. Grâce à une simulation dynamique, les feuilles oscillaient doucement sous l’effet de la brise. Cerise sur le gâteau, un dernier paramètre a été intégré dans le programme : le lierre devait être attiré par le soleil et éviter les endroits les plus à l’ombre. La trajectoire de l’astre a donc été intégrée dans l’environnement afin que le lierre adapte sa croissance en conséquence.

Au cours d’une séquence clé, des parois du labyrinthe commencent à s’effondrer autour des héros. Pour réaliser ces plans, Method a eu recours à des simulations de corps rigides dans Houdini avec un rendu dans V-Ray. Les simulations dynamiques ont permis de déchiqueter les murs et de les faire s’écrouler avec réalisme. Ces images ont ensuite été complétées par plusieurs couches de simulations de fluides : volutes de poussière, projections de sable… Pour le calcul de la poussière, Method a préféré effectuer le rendu dans Mantra plutôt que dans V-Ray.

Les Griffeurs : biomécanique de cauchemar
La création du labyrinthe a constitué un beau défi artistique, mais rien que Method n’ait pas déjà géré par le passé. En revanche, il n’en a pas été de même pour les Griffeurs, des créatures de cauchemar qui hantent les allées du labyrinthe à la recherche de fugitifs. Elles se présentent sous la forme d’une sorte de limace géante perchée sur huit pattes mécaniques extensibles et dotée d’une gueule béante hérissée de dents, sans oublier une queue de scorpion démesurée. Un incroyable mélange de technologie et d’organique où le cœur alimente les vérins hydrauliques, tandis que les poumons actionnent les pistons pneumatiques.

Les pattes sont purement mécaniques et rigides, alors que le corps est mou sur la face inférieure et musculeux au sommet. Sur le dos, des orifices circulaires hideux s’ouvrent et se ferment en rythme à la manière de branchies. Le producteur Wyck Godfrey résume l’opinion générale : “Ce qui nous a tous plu chez les Griffeurs, c’est qu’il s’agit de monstres biomécaniques. Ce sont des êtres biologiques sur lesquels des scientifiques ont greffé de dangereux équipements – comme des membres articulés et des dards en acier. Ils sont vraiment très effrayants.”

Jamais Method Studios n’avait eu à créer de personnages organiques aussi complexes. De fait, la 20th Century Fox a pris un risque en misant sur eux pour l’animation 3D. Afin d’être sûr d’avoir fait le bon choix, la production a imposé un test à Method : livrer le premier plan des Griffeurs avant la fin des prises de vues. Si le résultat n’était pas satisfaisant, le studio pouvait encore confier le projet à un autre prestataire pour la postproduction. Autant dire que Method a mis toute son énergie dans ce plan « couperet »…

Les Griffeurs ont été modélisés dans ZBrush et Mudbox, puis animés dans Maya. Le rendu a été assuré dans V-Ray, et l’assemblage final (en deep compositing) dans Nuke. Le vrai défi a été l’animation. La créature allonge et rétracte ses membres selon les circonstances, comme le bras hydraulique d’un engin de chantier. Cela se traduit par une démarche très particulière qu’on ne retrouve chez aucun animal de notre monde. Une particularité qui a rendu le cycle de marche très compliqué à mettre au point. Les animateurs ont longtemps tâtonné avant de trouver un rythme et un enchaînement qui semblent naturels. L’animation en key frame a été complétée par plusieurs couches de simulations dynamiques.

Références animales
Pour modéliser le squelette interne, l’équipe s’est basée sur diverses références animales : limaces et taupes pour le corps, fourmis et mouches pour les pattes. Côté textures, des photos en macrophotographie des insectes les plus laids et les plus étranges ont fourni l’inspiration…

Sur le plateau, les créatures étaient représentées, comme le veut la tradition sur les films de ce genre, par des cascadeurs vêtus de justaucorps bleus. Compte tenu de la morphologie des Griffeurs, la Performance Capture ne pouvait pas être utilisée. Seule l’animation en key frame pouvait donner vie à ces monstres. Par contre, les cascadeurs fournissaient un repère indispensable pour les acteurs, lesquels passaient leur temps à courir pour tenter de leur échapper. Lors des scènes de combat, les comédiens « attaquaient » les Griffeurs à l’aide de lances, ce qui obligeait les cascadeurs à se protéger avec de vrais boucliers. Les contacts entre les uns et les autres ont permis au final de simuler de vraies interactions avec les créatures.

Pour tous ces plans, les acteurs se sont basés sur une prévisualisation très précise. Celle-ci était l’œuvre du réalisateur lui-même : Wes Ball est un pro de l’infographie et a dirigé sa propre société de VFX, Oddball Animation, pendant plusieurs années. La prévisualisation a été réalisée dans Modo, le logiciel de prédilection du cinéaste.

Au final, Le Labyrinthe est un panaché de tous les principaux types d’effets visuels : environnements 2D et 3D, animation de créatures, simulations dynamiques en tout genre, etc. En relevant avec succès ce défi, Method Studios est définitivement sorti du rang et a rejoint les prestataires qui comptent.

ALAIN BIELIK, octobre 2014
(Commentaires visuels : Paul Schmitt)
Spécialiste des effets spéciaux, Alain Bielik est le fondateur et rédacteur en chef de la revue S.F.X, bimestriel de référence publié depuis 23 ans. Il collabore également à plusieurs publications américaines, notamment sur Internet.