Ludovic Iochem : le travail de matte painter

Comment travaillez-vous vos matte paintings : outils, démarche artistique, méthode, etc?

Ludovic Iochem : « Je travaille toujours un peu de la même façon. Je commence par un matte painting très rapide, dont le but est juste de placer des éléments et une base de couleur pour commencer à en discuter, voir si l'ambiance globale, la composition, correspondent aux désirs du client. Ensuite, je travaille par couches, en apportant à chaque fois un peu plus de détails, de réalisme. Je préfère voir évoluer mon image globalement plutôt que petit bout par petit bout. De plus, cela me permet de ne pas me perdre dans des choses qui ne se verront pas à la fin. Il faut aller à l'essentiel. Pour constituer mon matte painting, je m'appuie autant que je peux sur des photos, qui seront toujours plus riches en terme de nuances, de détails, d'accidents que ce qui est créé en 3D ou en peinture. Évidemment, parfois, nous avons besoin de peindre directement, mais j'essaye de minimiser les coups de pinceaux autant que possible.
D'une façon générale, j'essaye de voir beaucoup de photos, de m'inspirer de la réalité. Peut importe si je dois revoir mon idée de départ, du moment qu'à la fin, ça marche correctement.
Au niveau des logiciels, je travaille avec Photoshop, Maya, ou XSI. Il m'arrive parfois d'utiliser des logiciels comme Vue, ou Painter. »


Principaux challenges créatifs, techniques, organisationnels ?

Ludovic Iochem : « Dans le matte painting, tout est affaire de challenge. N'oublions pas que la discipline a été créée pour remplacer ce qui ne pouvait pas être fait au moment du tournage...Aujourd'hui c'est un peu la même chose. On doit tourner un film qui se passe dans Paris, dans les années 30, forcément il y a du travail pour se transposer dans la bonne époque. L'influence que l'on a sur l'image est souvent très importante, et pourtant, le but de la démarche, est de se faire totalement oublier. Lorsque l'on fait un set extension par exemple, il s'agit de prolonger un décor dont seulement un morceau a été construit pour montrer l'ensemble de l'édifice. Il ne faut pas que le raccord se voie, quels que soient les mouvements de la caméra. Ce genre d'exercices constitue de vrais challenges, dont finalement nous serons les seuls à connaitre l'existence. »


Votre expérience la plus gratifiante dans ce métier?

Ludovic Iochem : « Je garde un excellent souvenir de mon travail sur Hellboy 2, car il m'a permis de rencontrer Guillermo del Toro, et de travailler directement avec lui sur la création de deux environnements : le camp militaire du début, et surtout la Chambre des Légions d'Or Maudites. Nous avons procédé à une succession de concept designs pour déterminer le look général de l'environnement, la disposition des œufs, l'architecture, la lumière etc...Guillermo del Toro est quelqu'un de très ouvert qui nous laisse énormément de liberté. J'ai pu proposer beaucoup de choses, apporter mes suggestions, et je suis très fier de m'être autant investi dans le design et la création de ces deux décors, surtout celui de la Chambre que l'on voit dans une longue séquence.
Je suis également très heureux de mon travail sur La Vengeance dans la peau, mais c'est surtout parce que je suis un grand fan de cette série de films. »