Moi Moche et Méchant 2

Trois ans après, les irrésistibles minions reviennent pour de nouvelles aventures sous la houlette de Illumination Mac Guff, le studio d’animation issu du rachat par Universal de la branche animation long-métrage de Mac Guff. À l’arrivée, c’est une nouvelle réussite avec l’un des films les plus drôles du genre.

Les Minions sont de retour, ces petits bonhommes tout jaunes avec leurs yeux immenses, leur salopette d’enfant et leur charabia incompréhensible. Derrière eux, des animateurs et des graphistes français regroupés au sein de Illumination Mac Guff, studio parisien auquel on doit déjà le premierMoi, Moche et Méchant, ainsi que Le Lorax. Pixelcreation a rencontré Bruno Chauffard, superviseur de l’infographie, qui avait déjà chapeauté le premier film (voir notre première interview pour Moi Moche et Méchant):

Pixelcreation : Comment avez-vous abordé ce projet ?
Bruno Chauffard : C’était assez différent du film original. Avec le premier Moi Moche et Méchant, nous avons « appris » à réaliser un film d'animation à l'américaine. Cette expérience s'est approfondie avec Le Lorax, et quand nous avons attaqué Moi Moche et Méchant 2, nous avions ces deux films derrière nous. Les chefs de département ont beaucoup gagné en maturité d’un projet à l’autre, et sur le plan technique, nous sommes mieux rôdés. Cette maîtrise technique et logistique nous a permis de nous concentrer sur l'aspect artistique, sur le visuel du film et sur les images. De fait, nous avons consacré le même temps aux décors et aux personnages, mais le film est beaucoup plus poussé sur le plan graphique.

Pixelcreation : Vous êtes passé au rendu en illumination globale ?
Bruno Chauffard : Oui, c'est le grand changement par rapport au premier film. Comme toujours, nous avons travaillé en multilayer. Chaque image était décomposée en plusieurs couches qui pouvaient être calculées indépendamment des autres : il y avait des layers pour les personnages, un autre pour le décor, d’autres pour les effets visuels (fumée, poussière, etc.), encore un pour les cheveux, etc. L'ensemble était ensuite finalisé au compositing. L'avantage de cette approche, c'est qu'en cas de problème ou d’ajustement sur un élément, nous pouvons recalculer celui-ci sans toucher au reste de l’image.

Pixelcreation : Y a-t-il eu beaucoup de changement en cours de production ?
Bruno Chauffard : Oui. Sur le premier film, nous avions découvert à quel point les Américains continuent de travailler le scénario jusqu’au bout : de nouvelles scènes sont ajoutées, d'autres modifiées, les dialogues sont changés, etc. Cela implique une extrême flexibilité de notre part afin de répondre à toutes ces demandes le plus vite possible. L’ensemble des départements est touché par ces mises à jour, en commençant par le montage et le département artistique, qui sont les deux unités qui nous alimentent pour la fabrication des plans, puis cela va jusqu’au lighting et au compositing.

Nos temps de calcul ayant augmenté avec l’utilisation de l’illumination globale, nous avons été extrêmement vigilants sur la qualité des scènes envoyées dans la ferme de rendu, sur le nombre d’itérations pour une même couche, et sur l’optimisation des plans. Cela nous a permis de bénéficier de temps de calcul raisonnables pour pouvoir renvoyer les modifications narratives souhaitées. D’une manière générale, nous avions des temps de calcul moyens de 30 minutes environ par image et par couche sur des octocores. C’est une moyenne, certains éléments pouvaient demander nettement plus : le décor exigeait de 60 à 90 minutes, alors qu’un personnage était calculé en 45 minutes et les cheveux en 30 minutes. Il y avait aussi des layers d’éléments beaucoup plus rapides qui faisaient baisser la moyenne.

Pixelcreation : Comment avez-vous géré les effets visuels ?
Bruno Chauffard : Nous les avons cette fois exportés dans notre logiciel de rendu maison MGLR. Ils ont été calculés avec la lumière du film, alors que sur les films précédents, ils étaient calculés en couches séparées dans les divers logiciels de simulation. Cette fois, en les calculant dans MGLR, cela donnait un résultat plus fin et plus cohérent. C'est particulièrement visible dans la scène du restaurant, lorsque Lucy vaporise un gaz afin de détecter les faisceaux laser. L'intégration des effets visuels dans le décor est bien meilleure que ce qu'on avait fait par le passé. Cette amélioration technique a également bénéficié à la scène du volcan.

Pixelcreation : Quel a été le principal défi technique du film ?
Bruno Chauffard : Sans doute les foules de Minions violets, les « mauvais » Minions. Il y en avait des centaines, ils se transformaient de violet en jaune, sans oublier les effets visuels sur la gelée qui les transforme en gentil Minions.

Pour gérer cette masse de travail, il a fallu que trois départements travaillent en parallèle : le rigging, le pipeline, et la recherche & développement. Ces scènes nous ont amenés à mettre en place un nouveau système à base de caches Alembic. Il s’agit d’un format qui permet de transporter rapidement de grosses masses de données. Nous avons intégré notre propre système de cache dans Maya et nous l’avons implémenté dans MGLR. Concrètement, cela nous permet de travailler par caches et de multiplier les personnages de manière beaucoup plus efficace.

Pixelcreation : Comment les Minions sont-ils animés dans ces scènes de foule ?
Bruno Chauffard : Nous n’avons pas utilisé de logiciel de gestion de foule en animation comportementale, tout a été réalisé en key frame. La raison, c'est que ces scènes comportent énormément d'animations secondaires. Les réalisateurs voulaient qu'il y ait toujours des petites saynètes à l'arrière-plan, des gags qu'on ne repère qu'à la deuxième ou troisième vision. L’animation des foules n’est jamais automatisée dans le film. Par exemple, dans la scène de la salle de repos des Minions, vous pouvez découvrir plein de petites histoires parmi les personnages d'arrière-plan : un Minion en train de dessiner une moustache sur un Minion endormi, un autre qui parle à un extincteur jaune parce qu’il croit que c’est un Minion, etc. (ndlr: voir le visuel ci-dessous)

Pour ces scènes, on commence par créer des cycles d’animation, puis on les duplique pour obtenir la foule. Une fois que les Minions sont en cache, on peut les sélectionner individuellement pour les repasser en « acteur » et modifier le cycle.

Etape par étape, la scène est progressivement enrichie de nouveaux détails d’animation. Pour les cheveux de tous ces minions d’arrière-plan, nous avons repris le même principe que pour les arbres de la forêt duLorax. Cela nous a permis de passer énormément de cheveux car, étant donné que notre logiciel est un ray-tracer, nous nous serions retrouvés avec une quantité excessive de polygones. C’était un raccourci technique intéressant.

Pixelcreation : Combien de minions différents y a-t-il ?
Bruno Chauffard : Il y en a six : deux avec un seul œil et quatre avec deux yeux. On multiplie ensuite les variations à l’aide des cheveux. Les personnages ont été animés dans Maya par une équipe de cinquante animateurs, plus une dizaine d’autres pour les scènes de foule. Ils étaient dirigés par Bruno Dequier et Pierre Leduc.

Le processus d’animation s’est étalé sur 12  mois environ. Au total, nous étions 250 personnes sur le projet, avec un pic à 320. Grâce à l'expérience acquise sur les deux films précédents, nous avons pu axer notre effort sur ce qui se voit à l'écran. Les itérations techniques du premier film sont devenues ici des itérations artistiques. Je dois dire que je suis très content du résultat et très fier des personnes avec lesquelles je travaille.


ALAIN BIELIK, juin 2013
(Commentaires visuels : Paul Schmitt)
Spécialiste des effets spéciaux, Alain Bielik est le fondateur et rédacteur en chef de la revue S.F.X, bimestriel de référence publié depuis 21 ans. Il collabore également à plusieurs publications américaines, notamment sur Internet.


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