PIXAR, la légende continue

Ils sont les rois du long métrage d'animation , ils ont détrôné Disney,. Mais ils sont aussi les rois du court métrage, et leur dernière oeuvre « One Man Band » est une pure merveille. Making-of, raisonnement créatif, méthodes de production: l'équipe en charge de ce court nous en dévoile tout.

Steve Jobs se serait écrié en le visionnant pour la première fois : « Ce film démontre exactement pourquoi les court-métrages sont si importants créativement pour Pixar ». Et le studio a une longue tradition dans ce domaine: « Luxo », la petite lampe animée qui est devenue le symbole de la société, « Geri's game », récompensé par un Oscar et primé à Imagina 1999, « For the Birds », autant de petits chefs d'oeuvre à (re)découvrir sur le site de Pixar. Le petit dernier, « One Man band » est du niveau de ses prédécesseurs. « One Man Band », c'est l'homme-orchestre en anglais. Ici, il y en a deux qui rivalisent pour obtenir l'attention (et la pièce d'argent) d'une petite fille. Une rivalité qui va crescendo jusqu'à ce que la petite fille reprenne les choses en main. Ce film est un résumé des qualités qui ont fait le renom de Pixar : un scénario simple et crédible, un mélange subtil d'humour et de sentiments, et enfin une maîtrise technique impeccable au service de l'histoire. Il sera bien sûr montré dans les prochains festivals et en salles avec le prochain long métrage « Cars » à l'été 2006. Nous avons eu la chance d' interviewer pour vous Osnat Shurer, producteur, ainsi que Mark Andrews et Andy Jimenez, coscénaristes et coréalisateurs de ce court. Mark et Andy travaillent en équipe depuis « Iron Giant », un long métrage d'animation de Brad Bird (studios Warner) de bonne facture mais qui fut un flop au box-office. Depuis, toute l'équipe a rejoint Pixar, où Brad Bird a pris sa revanche en écrivant et réalisant « the Incredibles ». Et Mark et Andy font maintenant leur début comme réalisateurs avec « One man band ».

Quel intérêt a Pixar à produire des courts métrages?

Osnat Shurer, producteur exécutif:
Certainement pas par intérêt commercial: ce genre de films ne rapporte rien. Mais cela conforte l'image créative du studio, permet de former de nouveaux réalisateurs et de tester de nouvelles technologies. Cette dernière raison est pourtant absente pour « One man band », bien que nous ayons fait face à de nouveaux défis. Il y a ici beaucoup de surfaces qui interagissent mais ne doivent pas se recouper, comme les instruments des hommes-orchestre ou encore le sol de la place où se passe toute l'action, avec des displacement maps qui modifient la géométrie du sol et rend difficile un placement précis des objets ou des pieds des personnages.

Comment avez-vous trouvé cette histoire?

Mark Andrews and Andy Jimenez:
A partir de rien, mais avec beaucoup de travail (rires)! Au début, les deux hommes-orchestre n'étaient pas rivaux, et il y avait foule autour d'eux. Mais nous avons trouvé que la compétition entre eux, pas la coopération, était un bon ressort comique. Et que l'histoire devenait plus expressive si la foule se réduisait à un seul élément: la petite fille. Nous avons l'habitude de faire des storyboards très détaillés, ce qui n'est pas dans les traditions de Pixar, et nous avons donc passé trois mois (sur neuf au total) là-dessus, mais cela nous a fait gagner beaucoup de temps sur la fin.

Pouvez-vous rappeler à nos lecteurs comment fonctionne la « chaîne de production » à Pixar?

Osnat Shurer:
Le Story Department définit les personnages, leur look, et dessine des scènes pour la prévisualisation. Tout cela est fait par ordinateur (des Mac évidemment, chez Pixar seuls les serveurs sont sous Linux), pour avoir une continuité de design d'un opérateur à l'autre. Et l'Art department réalise des sculptures des personnages pour en valider le look et servir de base aux modèles 3D. Après, on rentre dans notre « pipeline » de production. Le layout définit les caméras avec leurs angles et donc crée des plans : 93 en tout pour les quelques minutes de« One Man Band » . Les modeleurs fabriquent objets, personnages et décors (jusqu'à 108 décors différents dans un long métrage comme « The Incredibles »). La même équipe s'occupe généralement du rigging des personnages (cad d'en définir les squelettes sur lesquels s'appuie l'animation, ndlr). L'étape suivante, l'animation, est déterminante: les personnages prennent vie, le film devient réel. Le shading, cad la définition du mode de rendu et des textures, est une des tâches les plus délicates car cela conditionne le look général du film. Le master lighting et special effects complète les scènes avec de l'éclairage (là aussi, c'est très important) et des simulations d'effets. Ici, la robe de la petite fille est faite par un simulateur de tissus, et vous devez attendre le rendu pour voir ce que cela donne: ce n'est pas aussi interactif que le reste. Puis vient le rendu, qui est fait à Pixar avec Renderman, notre logiciel développé « maison ». Enfin, quelques ajustements de colorimétrie, et on arrive au « directors' cut »: la version finale du film.

Sur quels points en particulier s'est focalisé votre attention pour « One Man Band »?

Mark Andrews et Andy Jimenez: Ce film repose sur la musique, aussi avons-nous travaillé en amont la bande musicale avec le compositeur Michael Giacchino (le même que pour « The Incredibles »). Michael nous a proposé rapidement 2 thèmes musicaux, qui s'appuient l'un sur l'autre puis se rejoignent en un seul thème. Et nous avons enregistré la musique (avec un orchestre de 38 musiciens) avant de commencer l'animation. Cette ambiance sonore reproduit bien sûr le côté « live »des 2 hommes-orchestre, avec l'un plutôt caractérisé par les tambours et les cuivres, l'autre par des instruments à cordes. Physiquement, le look des deux personnages est aussi contrasté, l'un étant plutôt costaud et l'autre tout en longueur. Leur rigging est compliqué: ces deux modèles sont formés de plusieurs parties (les instruments de musique notamment) qui doivent bouger différemment mais évidemment sans qu'il y ait d'intersection. Chaque instrument a été designé indépendamment, et du point de vue mécanique aussi, pour justifier leurs mouvements quand on en joue. La ville qui forme le décor derrière la place est plus simple: seuls les deux premiers rangs de maisons sont modélisés, le reste est du « matte painting ». Et nous avons modélisé juste 4 maisons (avec 4 faces chacune pour qu'il y ait un avant et un arrière) et 4 toits: en permutant et réarrangeant ces éléments, on fait toute une ville... Les effets ont été travaillés pour donner un aspect vieilli et pas plastique à la ville: lumières, légère brume, poussière, etc. De façon générale, nous avons soigné les détails pour renforcer le look général du film. Par exemple, la robe de la petite fille, de couleur mauve apparemment unie, est faite de fils rouges et bleus.

Aviez-vous une équipe dédiée pour ce film, ou avez-vous juste travaillé avec qui était disponible?

Osnat Shurer :
Non, une équipe était affectée à ce projet pour pouvoir respecter les délais, mais elle peut être réquisitionnée par le studio en cas de besoin: quand un long métrage comme « The Incredibles » prend du retard, c'est « tout le monde sur le pont » pour recoller au planning! 30 personnes au total ont travaillé sur ce film, dont 6 pendant 12 semaines pour l'animation.

Merci à vous pour vos explications. Le mot de la fin pour nos lecteurs?

Mark Andrews et Andy Jimenez: « You never finish a film, you just release it » (on ne finit jamais un film, on le met juste en circulation)!

Paul Schmitt, juin 2005

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