Star Wars 7 Le réveil de la Force - Part 1

Succès historique au box-office, le film de J.J. Abrams réinvente la saga pour une nouvelle génération.

Ce n’est plus un succès, c’est un raz-de-marée. En moins de trois semaines, Le réveil de la Force a dépassé la recette totale du recordman Avatar en Amérique du Nord ! Il est d’ores et déjà assuré de finir parmi les trois plus grosses recettes mondiales de tous les temps. Un triomphe absolu qui consacre les choix artistiques de J.J. Abrams, cinéaste qui avait déjà réussi à relancer la vieillissante saga Star Trek.

La clé de ce succès a été le choix d’effectuer un véritable retour aux sources, c’est-à-dire de revenir au style de la trilogie originale des années 70 et 80, celle qui a la faveur de l’immense majorité des fans. J.J. Abrams voulait retrouver le même feeling, offrir une vraie continuité stylistique avec ces trois films fondateurs du mythe Star Wars. Cela s’est traduit par plusieurs décisions techniques majeures. La première a été de filmer sur pellicule et non pas en numérique. Abrams, contrairement à George Lucas, est un inconditionnel du film 35mm et de son rendu très particulier. Les deux derniers Star Wars en date, L’Attaque des clones et La revanche des Sith, ont été tous les deux filmés en numérique, ce qui a contribué à renforcer le côté artificiel du tournage sur fond bleu. Abrams voulait au contraire revenir à la chaleur des images des premiers films.

Le cinéaste est allé jusqu’à commander à Panavision lafabrication d’objectifs « rétro » basés sur le rendu des objectifs des années 70, mais avec la technologie des années 2010 pour en éviter les défauts (déformations aux bords). Le directeur de la photographie Dan Mindel a même commandé deux jeux d’objectifs différents à Panavision : un jeu pour filmer la Résistance avec un rendu doux, chaleureux ; et un second pour rendre plus froidement les scènes avec le Premier Ordre. Plus deux lentilles originellement conçues pour The Dark Knight de Christopher Nolan pour filmer les scènes en 70mm pour la version IMAX.

Tout miser sur le réel
Autre décision majeure, le cinéaste a choisi de tourner presque uniquement en décors réels, qu’ils soient naturels ou construits en studio : “Je savais qu’il y avait près de 2000 plans à effets visuels dans ce Star Wars 7, des plans avec des éléments créés par ordinateur, c’est-à-dire sans existence tangible. Pour compenser le poids du numérique, il fallait des images ancrées dans la réalité. Lorsque les effets visuels sont intégrés dans un décor réel, ils doivent élever leur niveau de réalisme à ce qui se trouve dans l’image. C’est moins vrai lorsque tout l’environnement est créé par ordinateur. Ça m’a frappé en revoyant la trilogie originale. Quand vous voyez les deux soleils de Tatooine se coucher devant Luke, vous savez que c’est un effet visuel, mais la magie fonctionne parce que c’est un vrai être humain face à un vrai paysage sous un vrai ciel. Votre esprit reconnaît la réalité de l’image et accepte plus facilement la présence du deuxième soleil. C’est aussi pour ça qu’on accepte si aisément les paysages glacés de Hoth ou la forêt de la lune d’Endor – parce que l’environnement est réel, tangible. C’est ce sentiment de réalité que je voulais retrouver dans Star Wars 7: Le réveil de la Force.” On est bien loin de l’esprit de la deuxième trilogie, avec son usage systématique du fond bleu en lieu et place de décors.

Ce souci de naturel a entraîné la mise au point d’un dispositif de tournage inédit pour les plans du cockpit du Faucon Millénaire. Le décor a été filmé en extérieur, aux studios de Pinewood près de Londres. Le cockpit était baigné par la lumière du vrai soleil, avec une intensité impossible à reproduire à partir d’un éclairage de studio. Le décor était monté sur un axe motorisé qui reproduisait les manœuvres de l’engin dans l’espace ou en rase-mottes. Résultat, une lumière parfaitement raccord avec l’environnement.

Partant du même principe, Abrams a choisi de réaliser un maximum de créatures à l’aide de maquillages ou d’animatronique. Y compris des personnages qui semblaient a priori prédestinés à l’animation 3D, comme les animaux géants ou le droïde BB-8. “La beauté de notre époque en matière de cinéma, c’est qu’on a énormément d’outils à notre disposition,” précise Abrams. “Mais le fait que ces outils soient nouveaux ne signifie pas obligatoirement qu’ils soient bons ou adéquats. Il y a eu beaucoup de situations sur ce tournage où l’on a compris qu’il fallait qu’on reste « vieille école ». Le film comporte évidemment beaucoup d’animation 3D, mais il était important que les choses qu’on montre aient l’air réel, qu’il y ait une authenticité auprès du public. Qu’on ait l’impression que toutes ces aventures se déroulent véritablement devant nos yeux. Faire en sorte, par exemple, que l’espace ressemble à bien à l’espace, que la lumière extérieure soit bien celle du soleil. Si on peut tourner dans un vrai endroit plutôt que de filmer sur fond vert, c’est toujours mieux. Ce que j'adore avec la première trilogie Star Wars, c'est que tout a l'air vrai, et surtout usé. On a l'impression que cet univers existe et qu’il est vraiment utilisé par les personnages qui le peuplent.”

BB-8 : naissance d’un robot star
Ces effets « réels » sont souvent conçus pour être complétés par des effets visuels, comme lorsque les animateurs apparaissaient dans l’image et devaient être effacés à la palette graphique. C’est le cas de BB-8, le nouveau robot star du film. Dans la plupart des plans, le petit droïde est bien réel : il était animé par un marionnettiste à l’aide de deux tiges, l’une fixée sur la tête, l’autre sur la sphère. Comme BB-8 avait un très grand rôle dans l’histoire, J.J. Abrams ne voulait pas utiliser l’animation 3D qui aurait empêché une vraie interaction avec les personnages humains. BB-8 a été réalisé par ordinateur uniquement dans les plans qui étaient impossibles à obtenir avec l’animateur, soit à cause du terrain trop escarpé, soit à cause de la vitesse du droïde dans la scène.

Les sabres laser enfin lumineux
La même philosophie a prévalu pour la conception des nouveaux sabres laser. Depuis le premier film, le faisceau laser est animé en postproduction et superposé à une lame inerte manipulée par les acteurs. Mais depuis le premier film, le procédé souffre d’un défaut majeur sur le plan technique, même si cela n’a jamais gêné le public : comme les lames factices ne sont pas lumineuses, elles n’émettent aucune lumière sur leur environnement immédiat, ce qui réduit la crédibilité du faisceau laser. Ce défaut a été corrigé sur Star wars 7: Le réveil de la Force par la mise au point de lames vraiment lumineuses ! “Elles étaient tellement brillantes qu’elles éclairaient le costume et le visage des acteurs,” s’enthousiasme Abrams. “Et surtout, on a remarqué qu’elles se reflétaient dans les yeux des personnages ! Ça, on ne l’avait jamais vu jusqu’alors. C’était une amélioration merveilleuse du concept original.” En postproduction, la lame a été « recouverte » par une animation 3D pour obtenir le look traditionnel.

Un projet monstre pour ILM
Propriété des studios Disney, comme sa maison-mère Lucasfilm, ILM a été naturellement chargé de réaliser les effets visuels de ce nouveau Star Wars. Mais pour la première fois sur la saga, le studio fondé par George Lucas n’a pas signé la totalité des plans. ILM a travaillé sur 1200 plans environ, les 800 restants ont été confiés à de petits prestataires, y compris une unité montée en interne au sein de Bad Robot, la société de production de J.J. Abrams. Toutes les filiales d’ILM ont participé au projet – San Francisco, Londres, Singapour, Vancouver – avec pas moins de 700 personnes mobilisées.

Star Wars 7: Le réveil de la Force a été placé sous la responsabilité de Roger Guyett, alors que c’est John Knoll qui avait été la cheville ouvrière de la trilogie précédente. L’explication est simple : Guyett a supervisé tous les films d’Abrams à l’exception de Super 8. Logique que le cinéaste ait exigé son collaborateur attitré pour affronter le plus gros film à effets visuels de sa carrière. De son côté, Knoll s’est consolé en décrochant la supervision de Rogue One, le premier film « spin-off » de Star Wars prévu pour décembre 2016.

Pour ILM, le défi majeur a été d’utiliser la technologie dernier cri tout en s’inscrivant dans l’esprit de la première trilogie, laquelle date d’avant la révolution numérique. Un challenge sur lequel nous reviendrons dans la deuxième partie de ce dossier exceptionnel.

Alain BIELIK, Janvier 2016
(Commentaires visuels : Paul Schmitt)
Spécialiste des effets spéciaux, Alain Bielik est le fondateur et rédacteur en chef de la revue S.F.X, bimestriel de référence publié depuis 24 ans. Il collabore également à plusieurs publications américaines, notamment sur Internet.