Tron: l'Héritage

Pour cette très attendue suite de Tron, Disney n’a pas lésiné sur le design et les VFX.

Tron : l’Héritage n’est pas un nouvel Avatar (dommage pour Disney), mais le travail colossal effectué sur le design et les VFX vaut le voyage ! Et Disney et le studio Digital Domain ont su se montrer généreux en images : nous vous présentons ici avec cet article pas moins de 82 images réparties en 3 galeries-portfolios : images du film, travail de concept et design, making-of des VFX. Plus, en bas de page, un superbe (et long) making-of vidéo de Tron: l'Héritage par Digital Domain!

Synopsis : Kevin Flynn, génial créateur de jeu vidéo et héros de Tron, a disparu depuis 1989 au désespoir de son fils Sam Flynn. 20 ans plus tard, un mystérieux signal incite Sam Flynn à revisiter l’atelier de son père où il se téléporte par inadvertance dans la Grille, le monde de Tron. Il y retrouve son père mais aussi le double maléfique de celui-ci : Clu, un programme conçu par Kevin Flynn pour perfectionner la Grille et qui, non content de la dominer, veut se téléporter dans le monde réel pour l’asservir.

Le premier Tron en 1982 avait marqué les esprits, autant par le recours à l’image de synthèse (révolutionnaire à l’époque) que par la vision d’un univers virtuel qui existerait à l’intérieur d’un jeu vidéo dans un ordinateur. Pour envisager la suite, Disney et Steven Lisberger, réalisateur de Tron et passé producteur sur Tron : l’Héritage, voulaient profiter des avancées technologiques en restant fidèles à l’esprit du premier Tron. Joseph Kosinski, architecte de formation et enseignant en infographie, a persuadé la production de réaliser un film-test en images de synthèse et de le tester sur le public du festival de science-fiction Comic Con en 2008. Le succès remporté par ce court, qui montrait une version actualisée des motos-lumière et des combats de disques lumineux, a décidé Disney à lancer la production avec Joseph Kosinski qui réalise ainsi son premier long métrage.

Le design de Tron : l’Héritage
Dans Tron, les lignes simples et géométriques du monde virtuel étaient autant une nécessité imposée par les limites technologiques qu’un choix artistique. Dans Tron : l’Héritage, Joseph Kosinski reprend cette esthétique tout en la sophistiquant, en introduisant lignes obliques et courbes. Une vingtaine de designers ont participé au design de ce second Tron, dont le célèbre Neville Page pour casques et costumes.
Pour les véhicules, voitures et motos-lumières, particulièrement réussis, la production a fait appel au designer allemand Daniel Simon, issu des bureaux d'études de Volkswagen et Lamborghini et passé indépendant depuis.

 La Grille, le monde à l’intérieur de l’ordinateur, est un monde résolument futuriste, sombre, menaçant (on pense à Matrix, Blade Runner entre autres), traversé de lignes lumineuses qui l’éclairent et aussi établissent une similitude avec un circuit électronique. La tour oblique de 300m de haut et l’arène gigantesque où se déroulent combats de disques et courses de motos lumineuses incarnent ce côté oppressant. Les habitants de la Grille (les programmes) sont eux aussi habillés d’une combinaison noire (à quelques exceptions près) rehaussée de lignes lumineuses, y compris le disque qu’ils portent dans le dos et qui leur sert à la fois de mémoire et d’arme de combat.
Par contraste, la maison-refuge de Kevin Flynn dans la Grille bénéficie d’un décor réel, tout en blanc sur fonds de roche noire, superbe, et reflète l’esprit zen qu’a développé Kevin Flynn pendant ces longues années d’exil : un minimum de mobilier de style néo-victorien contraste avec des surfaces modernes blanches et des parois rocheuses noires rappelant que la maison est située dans l’Outland, la zone en –dehors de la cité. Une réalisation totalement dans l’esprit de notre époque.
Au total, Tron: l’Héritage utilise environ 60 décors, dont 15 entièrement construits et plusieurs mixant décors réels et virtuels.
Tout ce travail de design a ensuite été transposé en trois dimensions par Digital Domain, responsable des principaux effets visuels du film (environ 900 sur 1600 plans avec VFX). La modélisation des différents environnements doit refléter les choix graphiques de Joseph Kosinski et son équipe. Ainsi, tous les bâtiments et les paysages du monde virtuel sont bâtis à partir d’angles de 30, 60 et 90 degrés uniquement. Même si elle n’est pas réellement détectable à l’écran, cette limitation permet de varier suffisamment les formes, tout en générant un effet de répétition visuelle qui souligne la nature informatique – et non organique – des environnements.

Les VFX de Digital Domain : arène et combats

L’un de ces environnements est l’immense arène où se tient la course en motos lumière. Digital Domain commence par créer le stade en 3D, puis remplit les tribunes à l’aide de 500.000 figurants animés en simulation de foule dans Massive. Ce public est constitué de 70 « agents » de base, qu’on duplique ensuite habillés et agissant de manière différente. Les mouvements ont été enregistrés au préalable lors d’une séance de motion capture.
Les plans larges sur les motos-lumière sont réalisés en animation 3D, mais pour les gros plans, le réalisateur tient à ce que les acteurs puissent « contrôler » l’animation de leur personnage. Ils sont donc filmés assis sur une structure fixe en forme de moto devant un fond bleu. Un système de motion capture enregistre les mouvements de leur corps, tandis que quatre caméras numériques filment leur visage depuis des angles différents. Ces images sont ensuite combinées, traitées, puis projetées sur la tête du motard 3D, tandis que les mouvements sont transposés sur le corps. Dans ces plans, l’animation est le reflet fidèle de l’interprétation de l’acteur : voir en galerie ci-contre la CGprogression jusqu’à l’image finale.
Pendant le processus de développement visuel, l’équipe a testé des concepts de motos plus futuristes où le pilote actionnait un simple joystick, mais il manquait à ces designs la dynamique irrésistible d’un homme penché sur le guidon de son engin. Par contre, Kosinski a modifié l’une des caractéristiques les plus étonnantes des motos-lumière du film original : leur capacité à tourner à angle droit. Désormais, elles tournent en suivant une courbe, une innovation censée illustrer les progrès technologiques accomplis par les processeurs dans ce monde numérique. Tout comme les textures et la richesse de la modélisation, les simulations de mouvement ont, elles aussi, progressé…
Au final, les acteurs ne sont physiquement présents dans aucun plan de la course des motos-lumière. En revanche, ils jouent une part essentielle dans le combat aux disques de lumière. Cette compétition oppose des personnages qui s’affrontent deux par deux dans des cages de verre suspendues au centre d’une arène. Comme pour le stade, Digital Domain peuple le site de centaines de milliers de spectateurs animés dans Massive. Les acteurs sont cette fois filmés en prises de vues réelles sur fond bleu, évoluant dans un décor minimaliste qui ne comprend la plupart du temps que le sol.
Ensuite, Digital Domain intègre les acteurs dans le décor 3D, puis ajoute les reflets adéquats sur la visière du casque que portent les personnages. Un effet rendu très difficile par le fait que l’incrustation doit fonctionner en relief stéréoscopique. Dans les cas les plus complexes, les acteurs sont filmés sans casque, et celui-ci est ajouté en postproduction, calé image par image sur la tête de l’interprète.
Chaque fois que Digital Domain traite un plan qui a été tourné en « live », les graphistes effectuent un gros travail de renforcement des lumières réelles. Les motifs lumineux sur les costumes ou sur les disques deviennent alors bien plus présents, et acquièrent leur pulsation caractéristique.

Les VFX de Digital Domain : rajeunir Jeff Bridges
Dans Tron l’héritage, Jeff Bridges joue deux personnages : Kevin Flynn, héros du premier Tron, maintenant âgé de 60 ans (l’âge de l’acteur) et Clu, son double virtuel que Kevin Flynn a créé dans la Grille et qui, lui, n’a pas vieilli et  a toujours la trentaine. Pour Digital Domain, le gros défi du film est bien entendu la création d’une réplique photoréaliste de Jeff Bridges âgé de 35 ans pour le personnage Clu et pour les quelques scènes de début de film montrant Kevin Flynn avant sa disparition. Le projet est supervisé par le tandem Eric Barba/Steve Preeg, oscarisé pour L’Étrange Histoire de Benjamin Button. Leur expérience sur le film de David Fincher leur sera d’ailleurs infiniment précieuse. Au lieu de réaliser une version âgée d’un acteur, ils doivent créer son double rajeuni. Un défi encore plus difficile que celui posé par Benjamin Button. En effet, tout le monde sait à quoi ressemblait le jeune Jeff Bridges, alors qu’on ne connaît pas encore la tête que Brad Pitt aura dans trente ans! La marge d’erreur était beaucoup plus faible cette fois. D’autant que le résultat devait supporter la vision en relief stéréoscopique. Le moindre pore de peau allait être observé à la loupe en 3D dans tous les multiplexes, y compris sur les écrans géants des salles Imax !

Les plans de Clu sont tournés deux fois : une première prise avec une doublure de même taille et de même corpulence que Jeff Bridges jeune, et vêtu du costume du personnage ; puis une seconde prise avec Jeff Bridges équipé d’un casque caméra. Cette seconde prise permet à l’acteur d’avoir une réelle interaction avec ses partenaires, même si seul son visage sera au final utilisé pour créer Clu. Sur Benjamin Button, Brad Pitt avait été filmé seul, plusieurs mois après le tournage, sans les autres comédiens.
Le système de « eMotion Capture » utilisé pour Jeff Bridges comprend quatre microcaméras qui cadrent le visage en arc de cercle. Ces caméras infrarouges fournissent quatre angles de vue différents sur le visage de l’acteur, une variété suffisante pour que le logiciel puisse analyser en trois dimensions les changements d’expression. Afin de faciliter ce travail d’analyse, 52 points de repère sont disposés sur le visage, toujours aux mêmes endroits. Ces sources visuelles sont complétées par les images des caméras du film, mais aussi par celles de plusieurs caméras témoin.
Dès lors, Digital Domain a d’un côté le corps du personnage en situation, dans le décor, et de l’autre, l’interprétation côté visage, mais sur un acteur de 60 ans. Restait à associer les deux… Pour créer en numérique le visage de Jeff Bridges jeune, le superviseur des personnages numériques, Dan Platt, modélise à partir de photos, pixel par pixel la tête de Jeff Bridges tel qu’il était dans le film Contre Toute Attente (1984).
Une fois Jeff Bridges « rajeuni », la tête de la doublure est effacée de l’image, puis remplacée par cette doublure numérique. Celle-ci est animée par les mouvements de l’acteur filmé en « emotion capture ». À ce moment-là, les animateurs se rendent compte que certains mouvements faciaux de Jeff Bridges ont du mal à « passer » sur le visage 3D. Un décalage dû au vieillissement : le visage d’un homme de 60 ans ne bouge pas comme celui d’un homme jeune de 32 ans. Du coup, il faut adapter les mouvements en complétant l’animation à la main.

Comme pour les Na’vis d’Avatar, ou le Davy Jones de Pirates des Caraïbes, une partie significative de l’animation faciale a ainsi été réalisée selon la bonne vieille technique du « key frame ». À l’heure où la motion capture en direct semble devenir la norme, il est bon de savoir que les méthodes traditionnelles ont encore du bon, et que les animateurs ont encore un bel avenir devant eux.

Alain Bielik & Paul Schmitt, février 2011
Spécialiste des effets spéciaux, Alain Bielik est le fondateur et rédacteur en chef de la revue S.F.X, bimestriel de référence publié depuis 19 ans. Il collabore également à plusieurs publications américaines, notamment sur Internet.


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