Valerian et la Cite des mille planètes

Un blockbuster français porté par des effets visuels « hénaurmissimes » principalement signés Weta et ILM.

Avec Valérian, Luc Besson signe le film français le plus ambitieux jamais réalisé. Avec près de 2500 plans à effets visuels, il s’agit de l’un des plus gros longs-métrages de tous les temps dans le genre, tous pays confondus. À titre de comparaison, Star Wars : Le réveil de la force ne comporte « que » 2100 plans VFX. EuropaCorp plus fort que Lucasfilm ! Pour coordonner ce projet colossal, le réalisateur a fait appel à la productrice VFX Sophie Leclerc, une Française qui avait déjà chapeauté Lucy, et au superviseur Scott Stokdyk, un Américain oscarisé pour Spider-Man 2. Ensemble, ils ont réparti les plans entre six studios différents : Weta Digital (1317 plans), ILM (572), Rodeo FX (363), ainsi que les Français de Mikros Image (120), Mac Guff Ligne (31) et Digital Factory (41). ILM et Rodeo avaient déjà travaillé sur Lucy.

Le travail préparatoire a démarré au début 2015, lorsque Luc Besson a commencé le processus de design, la conception des storyboards et la prévisualisation 3D. “En parallèle, Luc a mis à la tâche les élèves de son école de la Cité du Cinéma, qui forme des réalisateurs et des scénaristes,” raconte Sophie Leclerc. “Il les a mis à contribution pour réaliser une sorte de « brouillon » de plusieurs scènes très complexes du film. Ces prévisualisations en prises de vues réelles sont devenues un outil de travail parfait pour comprendre la vision de Luc, et un outil de communication pour tous les départements. Tout cela a permis de faire des estimations budgétaires beaucoup plus précises.”

La motion capture en priorité
Compte tenu du travail remarquable accompli par Weta sur les Planète des Singes, le studio néozélandais était le candidat idéal pour gérer les créatures du film. Afin de donner un maximum de temps aux animateurs, les scènes en motion capture ont été filmées chez Weta trois mois avant le début des prises de vues réelles. Les artistes ont donc pu attaquer la réalisation de ces scènes – qui étaient en full 3D – tout de suite, avant même qu’un seul plan ait été tourné avec les acteurs. Il en a été de même pour ILM et Rodeo qui ont pu commencer à construire les éléments des effets visuels plusieurs mois avant le début du tournage. Celui-ci a démarré en janvier 2016. Les prises de vues se sont terminées en juin 2016 et les derniers effets visuels ont été livrés début avril 2017.

Comme toujours sur ce type de projet, le plus gros défi artistique a consisté à maintenir un look unique d’un prestataire à l’autre. “Les images devaient parfaitement se compléter entre les prises de vues réelles et les effets numériques,” précise Stokdyk. “Dans ce but, j’ai créé une collection d’images qui provenaient des prises de vues sur le plateau et qui étaient de bons exemples des choix créatifs de Luc avec le chef déco et le directeur de la photo. Toutes ces images ont été fournies aux prestataires afin qu’ils puissent toujours consulter les références du « look » du film. Chaque environnement a été évalué en fonction de ce qui pouvait être construit sur le plateau. Pour les intérieurs plus restreints, comme celui du vaisseau Intruder, il a été possible de construire un décor avec les hublots ouverts sur un fond bleu. Quand le concept ne pouvait pas tenir sur un plateau de tournage, alors les images de synthèse s’imposaient. Même dans ce cas, nous avons toujours essayé de construire une portion de décor réel pour avoir quelque chose de tangible dans l’image, et aussi pour que la lumière se reflète correctement sur les acteurs.”

Des mondes à la complexité inédite
Les environnements de ce Valérian sont d’une richesse impressionnante, et peut-être même sans équivalent dans le genre. Mais cette extrême complexité a obligé les prestataires à travailler de façon différente. Ces mondes sont tellement denses que les studios VFX ont dû créer une version spécifique pour chaque angle de caméra. Ils ne pouvaient tout simplement pas réaliser ces environnements en une seule géométrie globale sans atteindre des temps de rendu ingérables. De plus, ces architectures sont tellement détaillées que la plupart des géométries ne pouvaient pas être partagées entre plusieurs prestataires. Cela a parfois obligé l’équipe à scinder ces environnements en plusieurs couches afin de pouvoir les répartir entre deux studios ou plus.

Parmi ces décors, l’un s’avère encore plus complexe que les autres, celui du Big Market. Le site est un centre commercial virtuel que les héros visitent tandis qu’ils se trouvent en réalité sur une planète désertique. “Le concept est très compliqué, avec les deux mondes qui s’interpénètrent,” commente Stokdyk. “La logique des règles entre les deux environnements est assez complexe. Il y a beaucoup de va-et-vient entre le monde du désert et celui du centre commercial. C’était très important pour nous de s’assurer que les deux mondes paraissent très différents, et que nous tournions correctement tous les éléments nécessaires aux effets visuels. Nous avons filmé des « touristes » sur fond bleu pour ensuite les répartir entre les deux mondes, mais beaucoup d’aliens, en images de synthèse et en maquillage, existent seulement dans le monde du centre commercial. Pour le monde du désert, un maximum de plans a été filmé dans des décors, mais pour l’autre monde, nous avons surtout travaillé en 3D car le centre commercial devait avoir une apparence beaucoup plus fantastique.”

Un festival d’animation 3D
Si Valérian impressionne par ses environnements, il surprend aussi par l’originalité des extraterrestres. Toute la gamme des effets spéciaux a été utilisée pour réaliser ces aliens et créatures. Pour certains, il s’agit de simples maquillages ; pour d’autres, le maquillage a été augmenté par ordinateur. Le but était de retoucher les visages pour donner plus de vie aux extraterrestres – Weta s’en est occupé. Ainsi, les tentacules « réels » ont été remplacés par une version 3D, ou bien des clignements d’yeux ont été ajoutés sur certains aliens.

“Et quand nous savions que nous allions remplacer les acteurs, nous utilisions huit caméras témoins fournies par Weta, avec des opérateurs qui couvraient tous les angles de référence,” explique Stokdyk. “Pour les plans en motion capture, les acteurs portaient des costumes spécifiques et jouaient la scène sur un plateau dédié à la motion capture. Luc a monté les scènes à partir des rushes originaux avec les acteurs. Ensuite, ILM ou WETA ont utilisé les données capturées comme point de départ pour l’animation. La motion capture est toujours une combinaison de technique et de décisions artistiques de la part des animateurs. Nous avons laissé une grande liberté aux prestataires dans leur choix de méthodologie et d’animation.”

Pour la scène du combat à l’épée entre Valérian et des aliens dans un temple, les cascadeurs portaient des tenues de motion capture spécialement rembourrées à certains endroits afin que leurs mouvements soient restreints et pour que leurs proportions correspondent au look des extraterrestres. Dane DeHaan a été filmé en train de se battre avec ces acteurs, et ensuite Weta les a remplacés par des créatures animées en 3D.

Au terme de deux ans de travail, l’équipe n’avait plus qu’un seul souhait : que le film remporte assez de succès pour qu’une deuxième aventure voie le jour et que tout le monde replonge dans l’univers extravagant de Valérian…

Alain BIELIK, Juillet 2017
(Commentaires visuels: Paul Schmitt)
Spécialiste des effets spéciaux, Alain Bielik est le fondateur et rédacteur en chef de la revue S.F.X, bimestriel de référence publié depuis 26 ans. Il collabore également à plusieurs publications américaines, notamment sur Internet.


Galerie à voir sur le même sujet:

> Valérian et Laureline, la BD