X-Men Apocalypse

Le sixième volet de la saga est aussi le plus riche en effets visuels. Entre mutants et destructions XXL, MPC a signé les scènes les plus spectaculaires.

Pour la troisième fois en l’espace de trois mois, des superhéros s’affrontent sur grand écran. Après Batman v Superman, après Captain America et Iron Man dans Civil War, c’est au tour des mutants X-Men de se battre face à un nouveau « super-méchant », le bien nommé Apocalypse. À la supervision des effets visuels, on retrouve le vétéran John Dykstra qui avait déjà travaillé sur X-Men : Le Commencement(2011), ainsi que sur deux Spider-Man et le tout premier Star Wars. Dykstra a commencé par monter une équipe VFX interne à la production afin de gérer les plans sans grosses difficultés techniques. Ensuite, les effets les plus ambitieux ont été répartis entre quatre prestataires principaux : MPC, Digital Domain, Rising Sun Pictures et Hydraulx.

Chez MPC, le projet a été supervisé par Anders Langlands, qui avait déjà chapeauté le X-Men précédent, X-Men Days of Future Past. “MPC a été de loin le plus gros prestataire sur le film, avec plus de 1000 plans à notre actif, ” précise Langlands. “Nous nous sommes occupés de trois des principaux mutants, Nightcrawler/Diablo, Angel et Psylocke, mais surtout des effets de destruction, lesquels étaient monumentaux. Il y avait d’une part la scène où Apocalypse détruit Le Caire, et d’autre part, celle où Magnéto arrache par la pensée tout objet métallique autour de lui, ce qui entraîne l’effondrement des ponts et des immeubles. Jamais je n’avais encore travaillé à cette échelle. C’est bien simple, ce film a été le plus gros projet en termes de simulations et de destructions de l’histoire de MPC !”

Cataclysmes XXL
Avant de réaliser ces destructions, il a fallu créer ces villes, à commencer par Le Caire où se déroule une partie de l’action. La capitale égyptienne a été reconstituée en full 3D telle qu’elle était en 1983. MPC a d’abord étudié la ville pour chercher les motifs qui se répétaient dans l’architecture, puis une série de bâtiments a été modélisée à partir de ces constantes, de même que les structures les plus reconnaissables. Ces géométries ont alors été texturées afin de pouvoir être éclairées dans un rendu 3D. À partir de ces éléments, l’équipe a construit un quartier de 12 blocs basés sur le tracé des rues récupéré dans Google Maps. Le mobilier urbain a été ajouté, les arbres, les plantes, etc., puis cet ensemble a été « cloné » des dizaines de fois, avec des modifications pour ne pas que les répétitions soient trop visibles, jusqu’à obtenir le panorama de la ville entière.

“La représentation du Caire comporte plus de 150.000 bâtiments en 3D !” souligne Langlands. “Lorsque l’action était filmée au niveau de la rue, il fallait avoir plus de détails que dans les plans d’ensemble. Aussi, les bâtiments visibles ont été retouchés pour passer en très haute résolution, et nous avons ajouté tout l’intérieur, avec les pièces et le mobilier, pour produire un effet plus réaliste lors de l’effondrement. De la même manière, le mobilier urbain a été affiné, la végétation aussi, et les piétons et véhicules passés en haute résolution.”

La même approche sélective a été utilisée pour la scène où Magneto déclenche des tempêtes magnétiques dévastatrices. Voitures, machines, armatures d’immeuble, débris, etc., tout ce qui est métallique est aspiré par ces gigantesques champs magnétique. “Plutôt que d’ajouter des ondes de force ou autre, nous avons eu l’idée de visualiser les champs par le mouvement des débris eux-mêmes,” commente Langlands. “Ceux-ci sont aspirés vers certains endroits, et avec le dégagement de poussière, cela forme une sorte de vortex. Il a fallu modéliser ces débris un par un, puis les intégrer dans des simulations de fluides réalisées dans Houdini. Il y avait des dizaines et des dizaines de couches d’images superposées, c’était d’une complexité incroyable. Pour certains plans, les temps de rendu cumulés atteignaient quelque chose comme 500 heures par image !” La modélisation et l’animation ont été réalisées dans Maya, les effets dans Maya, Houdini et Flowline, le lighting dans Katana, le rendu dans RenderMan, et enfin, le compositing dans Nuke.

Diablo, Angel et Psylocke
En comparaison, les effets visuels des mutants ont exigé une approche beaucoup plus subtile. Nightcrawler (Diablo, en français) est le plus important des mutants : il possède la capacité de se téléporter instantanément d’un endroit à l’autre. Dans ces scènes, l’acteur Kodi Smit-McPhee a été filmé successivement aux deux endroits, puis les deux prises étaient reliées en un seul plan, et les effets d’animation ajoutés autour de lui.

Le plan le plus complexe survient lors du combat entre Diablo et Angel dans une cage électrifiée. “Dans cette scène, la caméra suit Diablo tandis qu’il se téléporte partout dans la cage pour trouver une issue,” explique Langlands. “À cette occasion, nous avons utilisé un système de motion control pour filmer l’action. Kodi a été filmé en train de jouer quelques secondes dans chacune des positions, ensuite toutes ces prises ont été assemblées en un seul plan pour montrer Diablo disparaissant et apparaissant d’une position à l’autre en continu, sans coupure, alors que la caméra se déplace dans le décor. Ensuite, nous avons ajouté des simulations de fluide pour créer les volutes de « fumée » qui apparaissent à chaque téléportation. Ces effets ont été complétés par une animation 3D au niveau de la queue. Il a fallu des semaines de retouches et de bidouillages pour que l’action soit parfaitement fluide.”

L’adversaire de Diablo a nécessité lui aussi son lot d’effets visuels complexes. Angel, comme son nom l’indique, possède tous les attributs physiques d’un ange, à savoir une immense paire d’ailes blanches. Celles-ci ont été réalisées en animation 3D à partir du style et du look qui avaient été validés pour le film précédent. Au cours de l’histoire, Angel passe du côté obscur et rejoint les rangs d’Apocalypse. Celui-ci lui remplace ses ailes organiques par des ailes métalliques, nettement plus puissantes et dangereuses. “Comme les deux paires d’ailes n’avaient pas la même configuration, les ailes mécaniques ne pouvaient pas se fixer sur le dos d’Angel de la même façon que la version organique,” raconte Langlands. “Il a donc été décidé de montrer Apocalypse en train de réarranger les os dans le dos d’Angel afin de permettre l’implantation des nouvelles ailes. L’effet est très intense, presque gore ! Il nous a demandé trois rigs différents pour animer l’ossature dans le dos, et des semaines de travail !”

Le troisième mutant géré par MPC est Psylocke, un personnage séduisant mais capable de générer un flux d’énergie pure sous la forme d’une épée ou d’un fouet – les deux ayant la capacité de trancher le métal. “Au début du tournage, nous avons fait des tests avec un gant recouvert de LED afin d’avoir une lumière interactive sur l’actrice. Il s’est avéré que la caméra avait du mal à enregistrer cette couleur très particulière et nous avons préféré abandonner l’idée. La lumière et ses reflets ont été créés par ordinateur. Pour chaque mutant, nous disposons d’une doublure numérique très détaillée. La doublure de Psylocke a été animée pour se caler exactement sur les mouvements de l’actrice dans l’image. Ensuite, on a importé l’animation dans notre outil de lighting, puis on a ajouté les shaders et on a éclairé le tout avec la lueur de l’épée ou du fouet. Ces reflets ont été ensuite intégrés sur le vrai corps de l’actrice, de sorte que son arme semble réellement éclairer le personnage. Le même principe s’applique à son adversaire dans le plan. C’est le genre de petite chose qui prend beaucoup de temps à régler, mais qui ancre les effets visuels dans l’action. Sans cela, les VFX sembleraient « collés » dans l’image. Le plus souvent, ce sont ces petits détails qui nous permettent de rendre un effet réaliste à l’écran…”

Alain BIELIK, mai 2016
(Commentaires visuels : Paul Schmitt)
Spécialiste des effets spéciaux, Alain Bielik est le fondateur et rédacteur en chef de la revue S.F.X, bimestriel de référence publié depuis 25 ans. Il collabore également à plusieurs publications américaines, notamment sur Internet.