Chimpanzés

Sympathiques, mais difficiles à filmer en pleine forêt vierge : Alastair Fothergill et son équipe nous détaillent leurs astuces de tournage.

Après Un jour sur Terre (2007), Alastair Fothergill s’est attelé avec l’aide du label Disneynature, basé à Paris et dirigé par Jean-François Camilleri, à une entreprise qui s’est révélée de longue haleine : filmer des chimpanzés chez eux dans le parc national de Taï en Côte d’Ivoire.  Il a fallu trois ans (2008 à 2011) pour rassembler assez d’images et raconter l’histoire du jeune Oscar, qui va perdre sa mère Isha lors d’affrontements avec une bande chimpanzé rivale et sera adopté – fait rarissime – par Freddy, le mâle dominant chef de son clan.

La forêt vierge est un environnement difficile confirme Mark Linfielkd, coréalisateur de Chimpanzés : la densité de la canopée bloquait le soleil, l’équipe a eu du mal à tenir le rythme des chimpanzés, naturellement agiles malgré l’enchevêtrement de la végétation de la jungle, l’humidité nuit au matériel comme aux hommes. Le directeur de la photographie Martyn Colbeck renchérit : « La fourrure sombre des chimpanzés absorbe la lumière comme un trou noir, puis lorsque le soleil apparaît, il y a trop de contraste et les images ont l’air surexposées. Je dirais que je n’ai pas pu filmer 90 pour cent de ce que j’ai vu, et si j’obtenais un plan potable par jour, alors j’étais relativement  content. »

Ces contraintes ont guidé leur choix de matériel vers la caméra Panasonic AJ-HPX3700 P2 HD VariCam, en particulier parce ce qu’elle a un capteur 2/3 et que les optiques correspondantes sont plus légères que celles des 35mm habituelles : cette portabilité accrue facilite les déplacements pour suivre les chimpanzés dans la jungle.

Autre difficulté récurrente du tournage : le contraste entre la fourrure noire des chimpanzés et un coin de ciel surexposé en arrière-plan. Martyn Colbeck a contourné la difficulté en prolongeant le tournage de ces plans tout en variant la sensibilité de la caméra, de façon à obtenir enfin un arrière-plan non « brûlé ». L’image est ensuite compositée en postproduction, l’arrière-plan en luminosité acceptable remplaçant l’endroit surexposé dans l’image tournée des chimpanzés.

Filmer au téléobjectif depuis le sol avec peu de lumière entraine aussi une faible profondeur de champ, d’où une mise au point délicate à gérer car le spectateur doit voir clairement les yeux des chimpanzés. Solution adoptée: utiliser un viseur noir et blanc cathodique, plus précis qu’un écran LCD couleur pour régler la distance, surtout quand le chimpanzé bouge rapidement.

Mark Linfield souligne enfin la facilité d’usage d’une caméra numérique : stockage, visionnage quotidien des plans tournés, etc. Et, cerise sur le gâteau, la capacité de monter directement à partir des fichiers natifs dans Final Cut Pro, pour un gain de temps et d’argent, mais aussi une meilleure colorimétrie, comparable selon Mark Linfield à celle d’un tournage en 35mm.

Paul Schmitt, février 2013