Mikros Image - Benoît Maujean

Benoît Maujean, directeur de la Recherche et Développement chez Mikros image

Pixelcreation.fr : Benoît Maujean, quel est votre parcours professionnel ?
Benoît Maujean :
Je suis arrivé à Mikros en 1987, après une école d’ingénieur en informatique/électronique. J’ai vu une publicité pour la société Mikros qui cherchait alors un directeur technique. J’ai rencontré Gilbert Kiner et Maurice Prost, mais j’étais trop jeune pour cette fonction et ils m’ont proposé un poste d’assistant monteur-truquiste. J’ai accepté car je voulais apprendre le métier "dans la soute". Par la suite, je suis devenu monteur truquiste et ingénieur de la vision. En 95, nous avons monté un département de stations de travail basés sur des Mac grand public équipés de cartes vidéo entré/sortie et de logiciels comme AfterEffects et Premiere. Au départ nous avons réalisé des maquettes puis des productions institutionnelles, des pubs et des génériques. Ensuite, ce département a fusionné avec le département 3D. En 99, nous avons ouvert un département RetD dont je suis responsable.

Quels sont les développements réalisés par votre département ?
Nous avons d’abord travaillé sur la mise au point de plug-ins pour AfterEffects. Ensuite, Gilles Gaillard a développé le département cinéma numérique et mis en place un traitement de la chaîne colorée très précis entre le scan, l’étalonnage et le report. Avec nos partenaires belges, nous avons alors mis au point une application de traitement de la couleur pour la calibration des moniteurs (avec affichage adapté à la vidéo ou au film), ainsi qu’une application d’étalonnage basée sur la puissance de calcul en temps réel des cartes graphiques (à la différence du logiciel Colossus, devenu par la suite Lustre, basé lui sur le CPU). Cette application est déployée sur deux stations en interne.
En 2002, nous avons développé une solution pour centraliser toutes les informations du suivi de la fabrication d’un film : Mikado. C’est une solution capable de gérer : les descriptions des plans, la liste des tâches, l’affectation des équipes, ainsi que les fonctions de validation, d’annotation, avec des vignettes visibles dans un navigateur Internet. Aujourd’hui, nous en sommes en version 3 de ce logiciel.
La R&D permet aussi de répondre de manière créative aux attentes extrêmes de nos clients. Il s’agira par exemple de créer une foule de lemmings dans un long-métrage et pour ce faire nous avons créé notre propre générateur et animateur de foule en 3D, et notre propre shader de poils photo-réalistes. L’autre mission importante du département est d’améliorer les infrastructures des équipements de la maison. Dans ce cas, le projet type c’est Sebastian.

En quoi consiste ce projet Sebastian ?
Premier constat : une société comme Mikros ne peut pas continuer à augmenter de manière exponentielle ses ressources de calcul et de stockage. Quand je suis arrivé à Mikros, on comptait en centaines de Go, aujourd’hui nous en sommes à 50 To. En fonction des demandes des clients il faut augmenter cette puissance de calcul, mais c’est assez difficile à anticiper. D’autre part, nos mètres carrés sont limités, et tout cela consomme beaucoup d’électricité parce qu’il faut climatiser. L’offre des Datacenters est aujourd’hui très compétitive et l’énergie consommée est « écologiquement » plus raisonnable. Je pense à l’exemple de Sony Imageworks située à Los Angeles qui a installé son centre de calcul au Nouveau Mexique, où il est alimenté au moyen de l’énergie solaire, avec une connexion haut débit entre les deux sites. Ce que nous souhaitons, c’est déployer nos applications sur des ressources de calcul externes et les contrôler à distance grâce à des outils dédiés. Le projet Sebastian répond à cet objectif : stockage externe ajusté sur la demande et développement des outils de gestion. Cela nécessite également de mettre en place des tuyaux entre ces centres de calcul et nos bâtiments. (NDLR : sur le contexte institutionnel et les partenaires du projet Sebastian, lire l’encadré).

Quel est le rôle exact de Mikros dans ce projet Sebastian ?
Mikros est chef de projet et d’ailleurs nous avons engagé une personne qui va assurer l’encadrement technique à temps complet. De plus, nous espérons réaliser une synergie entre le projet Sebastian et l’autre grand projet qui s’appelle HD3D et qui regroupe une dizaine de prestataires français qui se sont réunis pour développer tout ce qui est asset-management, formats d’échange, calibration.

De quelle manière un projet comme Sebastian affectera-t-il l’organisation des équipes ?
Il existe chez Mikros un certain nombre de communautés : les graphistes, les monteurs, les développeurs, les spécialistes du tracking, de la rotoscopie… Nous souhaitons prolonger ces communautés grâce à Internet en leur offrant un espace de travail partagé. Il faut imaginer pouvoir être en relations professionnelles avec des personnes situées aux Etats-Unis ou au Japon ou simplement à Nantes ou Montpellier et qui préfèrent travailler chez elles. Cela peut être aussi un partenaire à Los Angeles qui souhaite travailler sur un même film. Certaines tâches peuvent très bien être réalisées à distance. Pour que le travail créatif soit possible, nous pensons mettre en place, grâce à Sebastian, des outils collaboratifs temps réel ou de la vidéoconférence en HD. Il y a un programme de recherche avec l’université de Stanford sur une application de partage en peer to peer d’écran entier en temps réel. Les professionnels du jeu sont très intéressés.
Le but pour nous est de pouvoir partager une création de contenus, par exemple, sur Maya de manière collaborative. Aujourd’hui, même si les réseaux sociaux n’ont peut-être pas encore trouvé leur véritable expression dans le monde professionnel, nous réfléchissons à cette orientation. Nous travaillons avec beaucoup d’indépendants et nous envisageons de leur offrir la possibilité de mettre leur bande-démo à disposition, de gérer des calendriers partagés de nous dire quand ils sont disponibles (sans être obligé de nous préciser avec qui ils travaillent). Le plus important est d’instaurer un climat de confiance avec ces nouveaux outils pour permettre de créer les équipes les plus adaptées. Par exemple par un système de ranking des productions effectuées (on n’est pas obligé de publier les points de vue négatifs).

Quelles sont les autres pistes de réflexion pour l’avenir ?
La question que nous devons nous poser est : que pouvons-nous proposer comme autre type de service à nos clients ? La réponse est de réaliser de la création de contenu. Une des pistes est tout ce qui touche à la réutilisation de contenus. Par exemple des objets 3D, faut-il passer son temps à refaire un ballon de foot ou la tête de Zinedine Zidane ? Autre piste : les rushes non utilisées qui peuvent tout à fait intéresser un réalisateur sur un autre projet. Citons aussi dans le domaine du Matte-painting les bases de données avec les images de forêt, de nuages, etc. Il y a là toute une économie de réutilisation d’objets média est à mettre en place. Un autre exemple est tout ce qui est lié à la télé-réalité. L’idée étant d’utiliser des extraits de ces émissions pour envoyer des « cartes postales vidéo » à ses proches, avec un petit habillage personnalisé. C’est assez simple à mettre en place sur Internet.

Projet Sebastian2 

Démarrage : Juin 2008.
Durée : 24 mois.
Coût : 7,6 M€ (4,2 M€ subventions).
Nombre de partenaires : 12
Contexte : Sebastian2 est un projet de R&D, labellisé par Cap Digital, le pôle de compétitivité des contenus numériques en Île de France. Il est financé par le Fonds de Compétitivité des Entreprises, géré par la Direction Générale des Entreprises et bénéficie du soutien des collectivités locales : 75, 94, 95 et la Région Île de France.

Objectifs : une plate-forme collaborative de production audiovisuelle grâce à la mise place de réseaux très haut débit (10 Gb/s) entre les partenaires français et américains et au développement d’outils de gestion de contenu et des ressources matérielles et humaines.
Utilisateurs : les prestataires audiovisuels dans les domaines du long-métrage, de la publicité et de l'animation.
Philosophie du projet : logiciels Open Source normalisés, outils web 2.0, interopérabilité avec les outils métiers de la post-production.

Partenaires de Sebastian2 :
- CS SI (92) : Communication et Système,Systèmes d'Information. Calcul haute performance et plateformes mutualisées
- Mikros Image (92) : porteur du projet
- eXo Platform (75) : Content management et groupware en open source
- Data Direct Networks (75) : stockage à très haut débit (solution Open Source LUSTRE, cluster de stockage réseau)
- Hexaglobe (75) : vidéo sur Internet
- EPITA (94) : L’École pour l’Informatique et les Techniques Avancées
- eArtSup (75) : coordination franco-californienne sur les aspects ergonomiques
- EISTI (95) : École Internationale des Sciences du Traitement de l’Information. Modélisation des systèmes d’information
- Centrale Paris (92) : logiciel VidéoLAN et calcul haute performance
- Les Gobelins (75) : L’École de l’Image (Chambre de Commerce de Paris). Animation 3D
- Le CITU (75) : fédération de laboratoires initiée par les Universités Paris I et Paris VIII. Création des médias émergents
- Télécom Paris Tech (75) : Ecole nationale, membre du l’Institut Télécom (GET). Réseaux virtuels dynamiques à très haute vitesse
- DSC Lab de San Francisco State University. Partenaire américain associé dans la continuité de la coopération des Digital Sister Cities entre Paris et San Francisco.