Eduard Ovcacek

Déconstruire et reconstruire lettres et caractères pour mieux en exprimer la poésie.

On l’imaginerait graphiste, Eduard Ovčáček se veut artiste à part entière. Né en 1933, il s’est formé à l'Académie des Beaux-Arts de Bratislava, puis à l’École supérieure des arts appliqués de Prague au début des années 60. Expérimentant des techniques d’estampe et de photogravure, il pratique un art abstrait loin du réalisme socialiste en vogue dans les milieux officiels, et entretient des relations avec les membres du mouvement Lettrisme en France Sa prise de position en 1968 pour les « réformateurs «  du système lui valent de perdre son poste à l'université. Quelques années plus tard, dans le contexte oppressif de la Normalisation tchécoslovaque, Eduard Ovčáček  sera signataire de la Charte 77 aux côtés d'autres artistes, intellectuels et dissidents, dont le dramaturge et futur président de la République tchèque Václav Havel. Evidemment réhabilité depuis la chute du Mur, il enseigne à la Faculté des Arts de l'Université d'Ostrava tout en poursuivant ses recherches artistiques.

La typographie et les caractères mobiles d'imprimerie jouent un rôle particulièrement important dans le travail d’Eduard Ovčáček, depuis ses premières réalisations jusqu'à ses oeuvres les plus récentes. Déconstruire puis reconstruire signes, lettres et chiffres est une constante chez lui. Une manière de souligner l’incompréhension, la confusion, voire certaines formes de manipulation qui passent par le langage. Et aussi de les dépasser pour arriver à une « poésie concrète » du langage. Eduard Ovčáček explore ainsi toutes les potentialités plastiques et expressives de la typographie, expérimentant de multiples techniques d’estampes (collagraphie, eau-forte, monotype, sérigraphie) jusqu’à l’impression numérique.

Reconnu en Tchéquie, Allemagne et toute l’Europe Centrale, Eduard Ovčáček reste largement inconnu en France, n’y avait même jamais exposé. Le Musée de l’Imprimerie de Lyon remédie à cela en montrant une sélection d’œuvres où prédominent bien sûr les estampes. Des « contes typographiques » qui poussent l’écriture dans ses derniers retranchements, à voir jusqu’au 16 mars 2014.

Clémentine Gaspard, novembre 2013