Gerhard Richter

Panorama sur l’œuvre d’une figure majeure de la peinture contemporaine.

Le plus frappant chez Gerhard Richter, c’est cette diversité de styles. En 50 ans, il a touché à peu près à tout : portraits, paysages, vanités, sujets d’actualité, tout ce que sa soif de création a pu appréhender. En variant aussi les approches, de la neutralité de ses « photo-peintures » au romantisme qui empreint ses grandes toiles. Même en abstraction, il a conçu à la fois des œuvres géométriques, et des toiles où le geste et la matière sont prédominants. Une liberté, une indépendance revendiquée par Gerhard Richter : «Je n’obéis à aucune intention, à aucun système, à aucune tendance ; je n’ai ni programme, ni style, ni prétention. J’aime l’incertitude, l’infini et l’insécurité permanente.»

En ce sens, Gerhard Richter est un enfant de son époque. Né à Dresde en 1932, il a connu  les traumatismes de la guerre, les rigueurs de l’Allemagne de l’Est qu’il a fini par fuir en 1961, les doutes existentialistes de l’Allemagne de l’Ouest des années 70 et 80, la maturation des esprits après la réunification.
 Son parcours artistique oscille entre classicisme assumé – mais revisité – et une attitude plus instinctive, où il « laisse venir les choses au lieu de créer », en introduisant la notion de hasard chère à Marcel Duchamp dans ses œuvres. Autre caractéristique de Gerhard Richter : le temps. Plutôt que de réagir à chaud, il traite plusieurs années plus tard de sujets d’actualité comme la bande à Baader ou le 11 Septembre. Et ses toiles se répondent souvent, en paires ou séries réalisées à plusieurs années d’intervalle  (voir ici les portraits de sa fille Betty). Un jeu de miroir central dans la pensée de Gerhard Richter qui a d’ailleurs réalisé plusieurs sculptures sur ce thème du verre et du miroir : « C’est la seule image dont l’aspect change constamment. Et peut-être l’indice qui montre que chaque image est un miroir. ».

 Révélé au début des années 1960 par ses « photos-peintures », réalisées à partir de photographies, Gerhard Richter passe, dans les années 1970, à un type d’abstraction où coexistent des grilles colorées, une abstraction gestuelle et des monochromes. Dans les années 1980, il réinterprète de manière inédite les genres de l’histoire de l’art : portrait, peinture d’histoire, paysage. Il explore au même moment un nouveau type de tableaux abstraits aux couleurs acides, où les formes gestuelles et géométriques s’entremêlent. Depuis les années 1990, Gerhard Richter continue à peindre des toiles abstraites à l’aide d’une grande planche en bois et d’un racloir métallique qui étale la peinture encore fraîche et lui donne un aspect fluide aux multiples nuances. Une fois qu’il a appliqué plusieurs couches de matière, Richter les racle en larges mouvements verticaux ou horizontaux. Des jeux de superpositions créent des effets de matière insolites, la couleur s’accroche à la toile au gré du hasard. Ce voile de peinture ainsi étalé cache partiellement la surface sous-jacente et laisse apparaître seulement certains détails de la toile. Souvent, dans un second temps, l’artiste gratte et arrache des bouts de toile dans un processus permanent de construction et de déconstruction.

L’exposition Panorama, au Centre Pompidou jusqu’au 24 septembre 2012, suit ce parcours chronologique. En regroupant les œuvres en 10 salles thématiques. Avec en complément une exposition de dessins et  esquisses de Gerhard Richter au Louvre.  De quoi révéler, au sens premier du terme, une œuvre aussi vaste que diverse.

Clémentine Gaspard, juin 2012