Paul Jacoulet artiste voyageur en Micronésie

Les portraits surprenants de beauté d’habitants de Micronésie par un artiste aussi japonais que français.

Reconnu au Japon, Paul Jacoulet est inconnu en France. Pas étonnant : bien que né à Paris en 1896, il a suivi ses parents au Japon dès 1899 et lui est resté fidèle jusqu’à sa mort en 1960, ne faisant que de brèves incursions en France ou même hors d’Asie. Paul Jacoulet participe ainsi des deux cultures, ayant  eu des précepteurs japonais et ayant étudié  l’ukiyo-e, l’art de l’estampe japonaise. Il en devient même un maître, en  renouvelant la tradition avec des lignes sobres et des couleurs vives. Et il en fait son métier, fondant son « Institut de gravure Jacoulet » (Jacoulet Hanga Kenkyu-jo) en 1933. Il continuera son travail jusqu’à sa mort, seulement interrompu de 1942 à 1945 par la guerre.

La Micronésie, terme popularisé par l’explorateur français Dumont d’Urville en 1832, désigne un ensemble d’îles du Pacifique situées au sud du Japon et à l’est des Philippines, comprenant les îles Mariannes, Carolines et Marshall. Entre les deux guerres, elles sont presque toutes sous administration japonaise. Le mode de vie traditionnel (tatouages, parures, etc.) y est encore présent malgré l’afflux d’immigrants japonais. Paul Jacoulet découvre la Micronésie en 1929 et parcourt la région dans les années qui suivent. Admirateur de la nature, de la lumière et des cultures locales, Paul Jacoulet ramène de ses voyages nombre d’aquarelles et de dessins, portraits essentiellement,  qu’il fait graver et imprimer ensuite par ses collaborateurs.

Ces aquarelles et estampes, en compagnie d’autres réalisées lors de voyages en Corée ou au Japon même,  forment le fonds de l’exposition au musée du quai Branly à Paris, jusqu’au 19 mai 2013. La sensibilité de Paul Jacoulet reste façonnée par sa culture japonaise, mais ses racines françaises lui donnent une liberté de regard sur ses sujets, notamment les nus, qui contraste avec la tradition de l’estampe japonaise. Ses séries micronésiennes magnifient la diversité des espèces naturelles et des sociétés rencontrées, rendant sensible la lumière si intense de ces îles du Pacifique. La représentation des corps tatoués, des nus, à la fois sensible et intime, traduit l’émerveillement de Paul Jacoulet. Une vision poétique et humaniste, empreinte de douceur et de beauté.

Clémentine Gaspard, avril 2013