Roy Lichtenstein Black & White

Une plongée dans la genèse du pop art de Roy Lichtenstein.

La BD est le 8ème art, comme chacun sait. Mais il revient à Roy Lichtenstein d’avoir introduit la BD comme mode d’expression dans l’art contemporain. Recycler des thèmes et objets de la culture populaire, pour mieux questionner et dénoncer les fondements de la société, donne naissance au début des années 60 au pop art. Roy Lichtenstein, peintre et dessinateur,  en est un des grands maîtres, au côté d’Andy Warhol qui utilisera quant à lui le medium photographique.

1961 est pour Roy Lichtenstein une année de réorientation radicale. Agé de  38 ans, exposant à New York depuis 1951, il est alors connu pour ses peintures inspirées par le cubisme et l’expressionisme abstrait. En 1961, influencé par les premiers happenings (performances artistiques mêlant les genres et faisant participer le public) d’Allan Kaprow et George Segal, Roy Lichtenstein invente un nouveau langage pictural qui va chercher ses sujets dans la culture de masse, particulièrement  la publicité et la BD, en leur empruntant au passage leurs techniques graphiques.

Les premiers dessins (1961) s’appuient sur un dessin faussement réaliste, montrant un seul objet sur fonds vide : un avion, une tasse de café, un sofa. Ou encore une main ou un pied agissant avec un objet, comme dans Foot medication. Les personnages, comme dans Man with coat, sont simples et stylisés, dépouillés de cette aura qu’ont les personnages de BD. Dès 1962, Roy Lichtenstein complexifie ses compositions. Une publicité des magasins Sears Roebuck pour des baskets lui inspire Keds : se référant à l’art abstrait, Roy Lichtenstein met en avant les motifs géométriques de la semelle. Bratatat est un dessin se référant directement à l’univers de la BD d’aviation, avec un soin particulier apporté à l’équipement du pilote.

Autres emprunts à l’univers de la BD : les bulles où s’expriment les personnages (elles disparaîtront en 1964) et surtout les points de trame que les éditeurs de BD avaient développés dans les années 50 avec l’arrivée de l’impression offset. Ce point de trame sert à rendre les couleurs secondaires en mixant points de différentes tailles et couleurs, ainsi que les dégradés d’ombre en faisant varier la taille de points noirs dans la zone voulue. Roy Lichtenstein n’a pas imité ces points en les dessinant à la main, il a utilisé plusieurs techniques en les perfectionnant si bien qu’on a l’impression de points générés mécaniquement. Un renversement de perspective typique du pop art : l’œuvre originale fait semblant d’être une oeuvre de série, une reproduction, pour mieux brouiller les pistes…

Après la rétrospective à Milan en 2010 dont nous vous avions rendu compte dans cette rubrique, cette exposition, exceptionnelle, met l’accent sur cette période 1961-1968 cruciale pour l’artiste et pour l’évolution de son art au travers de 60 dessins noir et blanc et 17 peintures en provenance de musées et collections du monde entier. Ces dessins ne sont pas des esquisses ou des brouillons, ce sont des œuvres d’art autonomes au même titre que les peintures, seuls le support (papier ou toile) et la technique (crayon ou acrylique) les différencient.

L’exposition comprend aussi Nok !! Nok !!, une porte marquée de cette onomatopée qui est un élément rescapé d’une installation de Roy Lichtentein de 1967 : il avait alors conçu une pièce, A room, dont il a transformé les murs et composants en dessins avec des bandes noires. Une installation qui reprenait d’ailleurs en 3  dimensions, dans le monde réel,  certains de ses dessins antérieurs tels Knock Knock de 1961.

A voir, pour les chanceux qui trouveront l’occasion d’aller jusque là, au musée Albertina de Vienne jusqu’au 15 mai 2011.

Clémentine Gaspard, février 2011


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