Shepard Fairey Obey

Street artist, auteur de l’affiche Hope pour Obama, Shepard Fairey expose ses affiches à Paris.

Shepard Fairey, vous connaissez forcément. Son affiche Hope pour la campagne de Barack Obama en 2008 a fait le tour du monde. Cette affiche, entrée depuis au musée US National Portrait Gallery, l’a définitivement installé comme un des artistes contemporains les plus en vue. Mais ce n’était pas là son premier coup médiatique.

Né en 1970, Shepard Fairey est encore étudiant à la Rhode Island School of Design quand il réalise en 1989 un sticker en reprenant d’un magazine une image de mauvaise qualité représentant le visage d'un catcheur français, André Roussinof, connu sous le nom d'Andre the Giant. Par dérision, il attribue à ce personnage patibulaire un "posse" (une bande de copains dans le milieu du skate), sous-titrant le pochoir de la mention "Andre has a posse". De cette plaisanterie naît un véritable phénomène : le sticker est repris, copié et affiché un peu partout dans les rues aux USA.

Shepard Fairey devient instantanément une star du « Street art »  et place dans son Manifeste écrit en 1990 son travail sous le signe de la philosophie de Heidegger : « La phénoménologie vise avant tout à réveiller le sens du questionnement sur notre environnement. Mes affiches essaient de stimuler la curiosité et d'amener les gens à mettre en question à la fois l'affiche et leur relation avec ce qui les entoure (…). L'affiche n'a pas de sens en soi, mais elle existe uniquement pour pousser les gens à réagir, à la contempler et à lui chercher une signification. »

Au milieu des années 90, Shepard Fairey choisit le slogan Obey (« Obéis ! ») comme signature et marque de fabrique après avoir vu le film de science fiction politique They live (Invasion de Los Angeles en français) de John Carpenter, film où le héros découvre grâce à des lunettes spéciales que le monde apparent n’est qu’une mise en condition, un asservissement des humains par une minorité d’extraterrestres qui dirige la Terre. Shepard Fairey continue sa carrière depuis lors en alternant un travail de graphiste et illustrateur (pochettes de CDs, etc) et street art engagé (avec des affiches anti-Bush en 2004 par exemple).

Contrairement aux graffiti, les affiches et stickers Obey de Shepard Fairey multiplient les références historiques et culturelles dans leur iconographie : constructivisme soviétique, imagerie révolutionnaire ou islamique y sont recyclés. A travers un patient travail de collecte il prépare une base de collage très élaborée et déjà pleine de référence et de sens. Par la suite, l'artiste utilise les pochoirs et la peinture pour revenir sur les grands collages. La sérigraphie est sa technique de production privilégiée, susciter l’interrogation son credo.

Un artiste controversé
Son affichage sauvage dans les rues lui vaut d’être arrêté plusieurs fois (en 2009 encore) pour dégradation de propriété ; inversement, ses critiques le qualifient d’hypocrite pour à la fois réaliser des travaux commerciaux, être présent dans les galeries et musées les plus prestigieux et prétendre rester un street artist. Sa technique d’appropriation des images des autres, sans autorisation ni crédit donné, à la façon d’un Richard Prince, pose aussi question, surtout que lui-même ne tolère pas qu’on reprenne ses visuels et n’hésite pas à attaquer en justice les contrevenants…

Malgré sa célébrité, Shepard Fairey n’échappe pas aux controverses, il est même emblématique des débats et sensibilités contradictoires qui parcourent l’art contemporain. A voir jusqu’au 18 juin 2011  à la galerie Magda Danysz à Paris.

Clémentine Gaspard, mai 2011