Andrée Putman

La « grande dame du design français » a su conjuguer originalité, simplicité et sophistication.

Pour beaucoup à travers le monde, elle est tout simplement le symbole du bon goût à la française. Architecte et designer de métier, elle a aussi été pianiste émérite dans sa jeunesse, rédactrice pour des revues d’art et a tenu salon pour des artistes dans les années 50-60.
Andrée Putman, née Aynard à Paris en 1925, grandit dans une famille artiste et  bourgeoise à la fois : son père est banquier, sa mère pianiste. Elle-même décrochera un prix au conservatoire avant de sacrifier la musique à son goût de la peinture et de l’architecture. Et dès son adolescence, elle sait s’affirmer face à son milieu : « Depuis l’enfance, mon besoin de liberté et ma capacité à dire « non » étaient les principaux traits de mon caractère. Ainsi, quand j’ai eu 15 ans, j’ai décidé de vider ma chambre de tous les objets que je trouvais trop marqués de signes du passé, de signes du statut social et de l’arrogance d’un milieu qui m’étouffait. Moi, je voulais un lit en fer, une chaise contemporaine et une affiche de la galerie qui exposait Miro. Avec ce vide, vide de ma chambre, j’ai rejeté les diktats du bon goût, de l’élitisme et de la bourgeoisie éclairée. »

L’ambassadrice du style
Epouse de l’éditeur et critique d’art  Jacques Putman, elle fréquente nombre d’artistes comme l’écrivain Samuel Beckett, l’artiste plasticienne Nikki de Saint Phalle ou le peintre Bram Van Velde, et va progressivement révéler son propre talent.
En 1968, elle rejoint l’agence Mafia fondée par Denise Fayolle et Maïmé Arnodin, qui donne le ton en matière de création visuelle et de communication. Le trio lance « le style Prisu » : des meubles de designers, en plastique ou en couleur, vendus sur catalogue. Grâce à elle et à son mari Jacques Putman, éditeur d’art, Prisunic propose également une collection de lithographies signées d’artistes connus pour la somme modique de 100 F (15 euros), à raison d’une par mois. «Le beau au prix du laid», selon la devise de Denise Fayolle.
En 1978, Andrée Putman s’engage, à 53 ans, dans une véritable carrière en son nom. Avec l’agence Ecart, qui se lit « trace » à l’envers, elle édite des meubles, des sièges et des luminaires d’architectes et de créateurs des années 1920 et 1930. Ecart redécouvre en particulier Eileen Gray, Irlandaise installée à Paris dès les années 1920, amie de Le Corbusier, alors âgée, recluse et oubliée : Andrée Putman fait fabriquer la chaise transat en cuir et bois, de 1927, et le miroir Satellite. Elle participe à l’effervescence mondaine et créative des années 80, multiplie les aller-retours entre Paris et New York.
En 1984, son redesign de l’hôtel Morgans à New York la rend mondialement célèbre et impose le damier blanc et noir comme sa marque de fabrique. En privilégiant des matériaux bon marché comme le grès, elle réalise là un décor total, à la fois simple et sophistiqué, qui fera école. Elle aménagera par la suite plusieurs autres hôtels, dont le Pershing Hall près des Champs Elysées à Paris (célèbre pour son mur de verdure) et en 2007 à Hong Kong un hôtel de trente et unes suites qui porte son nom : « The Putman ». Andrée Putman apporte sa touche de distinction et d’harmonie dans les espaces les plus variés par la soustraction des détails inutiles : magasins (Guerlain, Azzedine Alaïa), bureaux et sièges sociaux (Arte à paris, Total à la Défense) et  aussi résidences privées (Jean-Paul Goude, Karl Lagerfeld et même BHL pour sa maison à Tanger au Maroc).
Elle édite également ses propres créations mobilières, que ce soit le bureau du ministre de la culture Jack Lang en 1985, ou sous sa propre griffe, Préparation meublée, à partir de 2003.Et en 2008, elle signe le piano demi-queue Voie lactée, créé pour Pleyel avec Stephen Paulello, et orné d’une constellation à l’intérieur du couvercle.

Rester à la pointe de l’élégance, sans tomber dans le luxe  voyant ou la mode éphémère, témoigne de sa capacité rare à gérer les contraires : « J’aime les oppositions entre le simple et le précieux. Je suis toujours attirée par l’insolite. Au fond j’ai toujours cherché à réconcilier les matériaux pauvres et riches. C’est une idée anti-ghetto et anticonformiste sur l’aménagement de l’espace, sur la lumière et sur l’élégance dans le détail ; parfois l’humour s’y glisse. »

À l’Hôtel de Ville de Paris jusqu’au 26 février 2011 , l’exposition est présentée dans un espace dépouillé, en référence au travail d’Andrée Putman, et évoque sa jeunesse,  sa formation musicale et les années passées à définir un style, fondé sur les classiques de la modernité et à la recherche de l’intemporel.

Clémentine Gaspard, décembre 2010

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