L'Amérique rêve son paradis polynésien

Un style pop américain inspiré de la culture polynésienne.

Dans la productive et encore puritaine Amérique des années 50, la demande de loisirs et d’évasion grandit exponentiellement avec le niveau de vie. Films et romans du début du siècle, mais aussi les campagnes du Pacifique pendant la 2ème Guerre ont familiarisé le public avec les images des mers du Sud. Les îles du Pacifique apparaissent comme un paradis perdu, un endroit où on vit sans contrainte et où les femmes sont belles et accueillantes. L’aventure de Thor Heyerdahl, anthropologue norvégien qui traverse le Pacifique sur son radeau Kon Tiki en 1947 pour prouver que les Polynésiens étaient originaires d’Amérique du Sud, enflamme encore plus les esprits. Ce fantasme des mers du Sud débouche alors sur un style de décoration, une esthétique qu’on appellera Kon Tiki ou tout simplement Tiki, et qui perdurera jusque dans les années 70.

Tiki est un mot polynésien qui désigne la représentation d’un dieu. Le mot est récupéré pour désigner cette pop culture qui décline cette imagerie fantasmée des mers du Sud. Dans toute l’Amérique s’ouvrent des bars et restaurants à l’ambiance polynésienne, dont le fameux Don the Beachcomber à Hollywwod. Palmiers, huttes et faux décors font florès dans ces établissements où on boit des cocktails plutôt que du whisky ou de la bière. Le  « Tiki » devient un style à part entière et influence l’architecture, y compris d’immeubles d’habitation, et le design d’objets usuels tels que mobilier ou ustensiles. Le design en est certes kitsch, mais tranche justement avec le modernisme de l’époque: Dyonisos plutôt qu'Apollon, la jouissance plutôt que l'élégance.

Le musée du quai Branly s’offre une excursion estivale, jusqu’au 28 septembre 2014, en dehors de son domaine de prédilection (les arts premiers) pour nous montrer ce Tiki pop dérivé de la culture polynésienne à travers quelque 450 objets et images de l’époque. Une exposition sympathique à déguster, mais hélas sans cocktails : les reconstitutions de bar Tiki n’y sont pas opérationnelles…

Clémentine Gaspard, juillet 2014