Atelier Müesli

Un duo de graphistes aussi jeunes que prolifiques, issus de l’Ecole Estienne

Léa Chapon, 28 ans, née à Besançon, et Mytil Ducomet, 29 ans, né à Die (Drôme), fondent Müesli en 2008. Leur rencontre date de l'école Estienne, en BTS Communication Visuelle qu’ils complètent en 2004. Léa s'oriente vers un DSAA Création Typographique dont elle sort diplômée en 2006, après un stage Erasmus à l’école de La Cambre à Bruxelles. Mytil s'oriente de son côté vers un DSAA ATC (Arts et techniques de la communication) qu’il achève en 2005, avec un stage à l'ECAL à Lausanne. Ils poursuivent tout deux leurs cursus par un post-diplôme en Edition presse à l'Ensad Paris dont ils sortent respectivement en 2007 et 2006. Après avoir travaillé en free-lance dans quelques agences (dont Gédéon dans le domaine de l'habillage télé), Mytil cofonde et participe un an au collectif Chevalvert (avec Julie Rousset, Patrick Paleta et Stéphane Buellet). A la sortie de l'Ensad de Léa ils décident de monter l'atelier Müesli ensemble.

L’Atelier Müesli se présente comme un laboratoire de création graphique où l’on aime le fait main et les techniques artisanales bricolées. C’est une entité entière, sensible et protéiforme, qui associe à son langage original, une grande variété de projets, concours et commandes. Fonctionnant de façon complémentaire, partageant des valeurs fortes, le duo Müesli nous fait ici partager quelques unes de leurs intentions.

Vision du métier et activité
« L’Atelier Müesli travaille dans les champs du graphisme, de l’édition, de l’identité, de la signalétique et du web.  Attentifs à la conception globale du projet autant qu’à son exigence graphique et typographique, nous développons un vocabulaire basé à la fois sur une approche conceptuelle et une vision graphique originale. La démarche du studio s’enrichie d’un travail d’auto-production allant de la typographie à l’illustration en passant par la gravure ou encore la sérigraphie. L’atelier développe son activité autant dans le domaine institutionnel, culturel que privé.
Notre studio n’a que 4 ans, et nous ne sommes qu’au début d’un chemin. Pour autant, la vision de notre métier se précise et nous discernons de mieux en mieux comment nous positionner. Nous essayons de conjuguer une approche «fonctionnaliste» du graphiste, en somme «design is resolving a problem» à une approche libre et artistique. Les contraintes d’une commande, ses objectifs, sa posture vis-à-vis d’un public : nous questionnons ces données mais cherchons aussi à les intégrer dans une vision élargie qui les dépassent et convoque notre propre univers de référence. Dans un projet, nous assumons 2 postures qui sont souvent opposées (à notre avis à tort) : à la fois l'analyse des problématiques de communication, de ses enjeux, de son public et en même temps son ouverture vers une posture plus artistique. Comprendre les enjeux et ouvrir le projet. L'une est l'autre sont connectées.
Lorsqu'on est graphiste, l’opposition de ces 2 tendances peut être très limitative. Pour nous il s'agit de la dépasser: il n'y a pas d'un coté les créateurs, les auteurs et de l'autre les techniciens bien appliqués qui déclinent un système et développent une méthodologie… Le graphiste amène à son client une culture (créative, sociale, politique, artistique) spécifique et dédiée au projet, et c'est à ce niveau là que se situe sa plus grande qualité.

Le graphiste ne peut pas être vu uniquement comme fonctionnaliste puisque son champ d'application ne répond pas du tout à des critères fonctionnels mais à des critères humains, sociaux (la réception du public, la transmission d'une idée, d'une émotion…)… Parallèlement cela n'empêche pas que le métier comporte une multitude de règles (culture visuelle, codes graphiques, règles de mise en page par exemple), mais elles ne sont jamais uniques et universelles
Par ailleurs nous assumons une démarche d'auteur… Un auteur véhicule de idées, transporte le regard, ouvre des perspectives… Il n’ignore ni le public, ni les enjeux et les contraintes d’une commande. Et comment pourrions nous prétendre être objectif et distancés de notre création ?

Nous essayons donc de conjuguer ces visions sans les opposer mais en effectuant leur synthèse. À la base, nos deux formations étant très différentes, nos façons de penser le projet aussi, nous avons dû développer une attitude d'échange ne serais-ce que pour nous comprendre.

Nous développons des projets autoproduits au sein de l’atelier, pour lesquels nous nous impliquons à plusieurs niveaux. Ils représentent pour nous une ouverture du terrain de jeu : nous concevons le projet, le contenu, nous le mettons en forme, et nous l'imprimons (en sérigraphie à l'atelier). C'est une manière pour nous d'ouvrir les champs d'actions de notre métier. Même dans ces projets, nous jouons avec des contraintes qu'elles soient de l'ordre de la conception ou technique (technique d'impression). »

Processus et inspiration créative

« Notre méthodologie s'organise en fonction de chaque projet, cependant certaines récurrences sont apparues au cours du temps : Tout d'abord nous envisageons quasi-systématiquement la production d'image comme un système, il est très rare que nous concevions des images uniques, nous abordons souvent les choses comme la production d'une série, d'une collection. Concevoir des systèmes graphiques nous amène plutôt a imaginer les règles de jeux, des système de contraintes, délimiter un espace de fonctionnement et de création capable de générer de la cohérence visuelle à la fois modulable, ré-interprétable et illimité.»

 Organisation de l’Atelier Müesli
« Nous travaillons tour à tour en binôme et en autonomie sur les projets. La phase de création se passe toujours à deux puis le développement du projet est pris en charge par un de nous. Depuis peu nous faisons appel à un stagiaire. »

Influences
«  Elles sont multiples… Nous nous inspirons autant d'artistes contemporains que de la danse contemporaine ou encore de graphistes de tous les pays. Ce qui nous inspire c'est souvent une attitude, une posture conceptuelle. Notre attention se porte souvent sur l'art des années 60-70 : les prémices de la performance (Allan Kaprow), l'art minimal (Stella, Morris, Lewitt) et conceptuel (Beuys, Kosuth), la peinture des années 50 aussi (Hard edge), Fluxus. Mais aussi l'art populaire et traditionnel d'Amérique, d'Oceanie… La culture vernaculaire notamment en matière de typographie… »

A l’invitation de Plexus, collectif étudiant  de l’école Estienne organisant des rencontres avec leurs anciens, l’Atelier Müesli a été convié à exposer ses créations du 3 au 22 octobre 2011 dans le hall de l’école Estienne. Les deux graphistes en profitent pour proposent une invention originale en plus de leurs grandes campagnes de communication visuelle qui jalonnent l’exposition : une machine insolite conçue sur mesure pour l’événement. Une longue table en bois est dressée sur laquelle un dispositif à roulettes pour graphistes expérimentaux a été placé. C’est un laboratoire à affiches offert à toutes les phalanges créatives et curieuses. Les Müesli y ont décliné leur répertoire de formes en divers instruments à assembler, détourer, multiplier et innover, histoire de fabriquer des affiches à plusieurs mains. Les affiches saturées par les expérimentateurs seront placardées sur les boiseries alentours, comme ouverture aux travaux de l’Atelier Müesli.

Une façon bien dans le style de Mytil Ducomet et Léa Chapon de  mettre l’autoproduction au service du partage d’idées.

Paul Schmitt, octobre 2011