Métier Illustrateur

Comment devenir un illustrateur reconnu? Clod nous raconte son parcours atypique

Faut-il sortir d’une grande école graphique pour réussir dans un métier artistique ? Oui, le plus souvent, mais il y a des exceptions comme Clod. Récit avec l’intéressé d’un parcours atypique.

Son métier
Je suis illustrateur freelance de presse et publicité, après avoir fait de la BD. Je dessine à la main, scanne puis retouche dans Photoshop, colorise et fais des collages (beaucoup !)

Son parcours
J’ai 40 ans. Très jeune je recopiais des personnages de BD que j’aimais. Puis plus rien pendant plusieurs années, et j’ai recommencé vers 18 ans à créer des bandes dessinées.
 Mais j’ai d’abord travaillé 8 ans comme technicien en entreprise après avoir décroche un BTS en électrotechnique. En 2000, j’ai arrêté pour faire de la BD et j’ai créé trois albums parus chez Akileos : Le Procès (2006) d’après l’œuvre de Kafka, Double assassinat à la rue Morgue (2007) d’après Edgar Allan Poe, et un album en tant que scénariste (Le Testament du Docteur Weiss). En même temps, j’ai travaillé beaucoup de BD en collectifs, sur des sujets comme Gainsbourg, des poètes, etc . En 2008, j’ai arrêté complètement la BD; la BD est un travail à temps complet qui ne laisse pas de place à autre chose, et je voulais tenter ma chance aussi en illustration. . J’ai trouvé ce style "Néo-Rétro", inspiré de graphisme des années 50-60 tout en gardant un esprit contemporain. C’est devenu ma marque de fabrique, ce qui me distingue de mes confrères. Depuis, je fais beaucoup d’illustrations pour la presse et un peu – pas assez à mon goût - pour la publicité. Je travaille pour la presse magazine (Courrier Cadres, Ça m’intéresse, Que Choisir entre autres), la presse d’entreprise (mutuelles d’assurances, offices HLM ) et pour des agences de communication comme Proximity, Textuel, Creapress, etc.

Sa démarche artistique

L’avantage d’être autodidacte, c’est qu’on est toujours en recherche pour compenser le manque de formation. Pour nourrir mon style, j’observe autour de moi toutes les images qui me passent sous les yeux (étiquettes, emballage, pub dans le métro, livre, magazine…), et je regarde aussi bien sûr les illustrations et affiches des années 50 comme celles de Savignac.
Je fais des croquis qui sont surtout un travail de recherche graphique et non proprement dit des croquis pris sur le vif. Ce travail est pour moi l’occasion d’essayer des petites choses que je garde dans le coin de ma tête et que je n’ai pas le temps de développer dans un travail de commande, où on a de moins en moins de temps pour réaliser un dessin. Par exemple, comment styliser un arbre, une plante d’appartement chercher de nouvelles positions pour une femme assise … Ensuite je me sers de ces recherches dans mes travaux de commande (où on retrouve les plantes, les arbres…)
Pour les commandes, je fais une recherche d’idées avec des « totos » (personnages très mal dessinés), recherche de la composition idéale au croquis, esquisse au crayon sur papier. Pour les croquis, je pars d’une photo, d’une peinture, d’un paysage. Je me lance directement sur le sujet central du dessin (une personnage, une maison…) et je compose autour sans me préoccuper du résultat final du dessin.
J’utilise crayons à papier B, HB, 2B, feutre noir, crayons de couleur. Je dessine sur des carnets de croquis à feuille assez épaisse et à grain pour mes recherches graphiques, et des feuilles de papier épais à grain 160 g pour mes illustrations de commandes. Ce que j’aime dans les feuilles à grain c’est la texture que laisse le crayon sur la feuille.Phase finale : je repasse au feutre le crayonné, je scanne, puis colorise avec Photoshop.
Récemment, j’ai découvert la typographie, et j’intègre depuis peu dans mes dessins des visuels extérieurs : avion, immeuble, etc. Je fais de plus en plus de tels collages.

Comment gagner sa vie en tant qu’illustrateur
Je consacre 90% de mon temps aux travaux de commande, et garde 10% pour mes projets personnels comme cette exposition de fausses réclames chez un ami qui tient un restaurant. J’ai un agent, Comillus, qui me représente auprès des agences de pub, mais je démarche moi-même beaucoup pour trouver des clients. En tant que freelance, je suis inscrit à la Maison des Artistes. En gros, il y a trois types de tarifs dans ce métier. L’édition (la BD) paie peu, c’est difficile d’en vivre correctement si on n’est pas une star du métier. La presse rémunère entre 200-400€ le dessin, et  cela  peut monter jusqu’à 500-1000€ pour un travail d’illustration de dossier. Pour la communication, les tarifs sont plus variables.
Dans ce métier, le sérieux et la fiabilité - rendre un travail correspondant à la demande dans le délai  imparti –  sont des qualités importantes : il faut respecter le client.

L’exposition en cours
Le restaurant 2T3G rue Marcel Dassault à Boulogne-Billancourt  expose jusqu’à fin mars C’était mieux avant ? une série de fausses réclames: des produits technologiques de rêve promus dans le style 50’s de Clod, avec un billet d’humeur d’Anne Debrienne, conceptrice-rédactrice à l’ agence de publicité Direct One.

Propos recueillis par Paul Schmitt, mars 2011