Roger Excoffon graphiste

Affichiste autant que typographe, Roger Excoffon a influencé durablement le paysage graphique français.

Nous vous avions parlé fin 2010 des créations typographiques de  Roger Excoffon, à la sortie du livre Roger Excoffon et la fonderie Olive (Yspilon) de Sandra Chamaret et Julien Gineste (voir notre galerie ici). Le musée de l’imprimerie de Lyon nous donne l’occasion de revenir plus longuement sur Roger Excoffon et en particulier sur ses talents d’affichiste.

Né à Marseille, dans une famille de minotiers et de juristes, Roger Excoffon(1910-1983) étudie le droit à Aix-en-Provence et « monte » à Paris à l’âge de 19 ans pour suivre une voie artistique. Après une courte période comme dessinateur dans une agence de publicité parisienne, en 1940, il prend en 1945 la tête de l’antenne parisienne de la fonderie Olive, dirigée à Marseille par Marcel Olive, son beau-frère. Il en deviendra le directeur artistique et y créera nombre de polices emblématiques de l’époque : Chambord, Banco (1951), Vendôme (1952), Mistral (1953), Choc, etc.

A partir du milieu des années 50, Roger Excoffon aborde l’autre versant de son art en dessinant logos et affiches publicitaires. En 1956, Excoffon crée sa propre agence, U&O (Urbi et Orbi). En 1958, avec José Mendoza, il propose aux dirigeants d’Air France le nouveau logo de  l’entreprise, qui restera inchangé pendant cinquante ans. De 1960 à 1970, U&O puis Excoffon Conseil, créé en 1971, réaliseront les affiches d’Air France, Jet Tours, Bally, Larousse, Dior, Renault, Dunlop, Rivoire et Carret, Campari, Reynolds, SNCF, Caisse d’Épargne, Fluocaril, Sandoz, Loterie nationale, Prix d’Amérique…Les jeux olympiques de 1968 bénéficieront également de la « patte » d’Excoffon, de même que l’emprunt d’État et la déclaration de revenus de 1973. S’y ajouteront d’autres créations dont plusieurs timbres et l’affiche du film La prisonnière de Henri-Georges Clouzot (1969)…Roger Excoffon expose en France et à l’étranger et remporte de très nombreux prix et distinctions : grand prix de la Publicité  pour la campagne d’Air France (1962), Médaille d’Or Martini (1965), lauréat de la première Biennale internationale de l’affiche de Varsovie (1966), Oscar de l’emballage (1969)…

Roger Excoffon développe dans ses affiches son sens du geste, hérité sans nul doute de la pratique calligraphique, en parfait accord avec ses créations typographiques. Il prend ainsi le contrepied du design graphique allemand et suisse depuis les années 30, dominé par les considérations fonctionnalistes et la construction géométrique. L’opposition entre ses polices et la Futura par exemple est manifeste. « Excoffon a joué un rôle prééminent dans le graphisme  français, explique Tony Simões Relvas, graphiste et commissaire de l’exposition, avec cette importance donnée au geste spontané, à la main de l’artiste, qui essaie de déjouer le caractère mécanique du plomb et la rigueur de la machine. » Un geste similaire à celui du peintre Georges Mathieu, par exemple, qui "inventa" l'Abstraction lyrique au début des années 50 et réalisa lui aussi pour Air France des affiches restées célèbres.

On retrouve cette même sensibilité, cette même  « main » dans ses affiches, dont l’écureuil en mouvement de la Caisse d’Epargne est peut-être la plus emblématique. Osons un parallèle : Roger Excoffon s’affranchit de la rigueur géométrique héritée du modernisme des années 30 comme les peintres abstraits français dans les années 50 inventent l’ « abstraction lyrique » en se libérant de l’abstraction géométrique façon Mondrian et De Stijl. Son style deviendra ainsi emblématique de son époque, les « trente glorieuses », années de dynamisme économique mais aussi artistique en France.

La rétrospective au musée de l’imprimerie de Lyon, jusqu’au 19 février 2012, rassemble documents et créations grâce en particulier au fonds conservé par Martine Rosaz-Excoffon fille de Roger Excoffon, et Robert Rosaz son gendre. Et en bonus  dans l'expo comme dans son catalogue (aux Editions 205): les contributions sous forme d'affiches de huit acteurs du monde graphique (deValence, Change is Good, Antoine+ Manuel, etc.) en hommage à Roger Excoffon !

Clémentine Gaspard, janvier 2012

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