Art Spiegelman Co-mix

Une revisite de l'oeuvre et de la personnalité multi-facettes d'Art Spiegelman.

Le hasard (?) des programmations fait que Paris nous offre en même temps les rétrospectives des deux dessinateurs les plus emblématiques des années 70-80 en Amérique: Robert Crumb (voir article dans cette rubrique) et Art Spiegelman. Une occasion rêvée de se replonger dans leur univers et aussi de les comparer.

Art Spiegelman vs Robert Crumb
Certes, dès 1971, Art Spiegelman intégre la scène des comix underground de San Francisco, aux côtés de Robert Crumb, Gilbert Shelton et d’autres, et collabore aux revues Short Order Comix et Arcade entre autres. Comme Crumb, il fonde plus tard (en 1980) sa propre revue Raw avec sa femme Françoise Mouly. Toujours comme Crumb, Art Spiegelman n'hésite pas à se mettre en scène et à parler de ses problèmes personnels, du suicide de sa mère et de la dépression nerveuse qui l'affectera. Art Spiegelman note : “La BD est parfaitement adaptée à l’autobiographie,  en ceci qu’il y a une intimité dans l’acte de lecture d’une BD qui me paraît plus forte que dans la lecture d’un livre.” Cela débouchera sur Maus, véritable somme élaborée dans la douleur de 1978 à 1991, premier « roman graphique » qui sera récompensé par le prix Pulitzer en 1992. Prouvant ainsi qu'on peut aborder un sujet aussi grave que la Shoah dans un style bande dessinée, avec des souris pour juifs et des chats pour nazis.« Démontrant ainsi que le métissage de mots et de dessins propre à la bande dessinée était un medium à part entière et non un sous-genre, et pouvait exprimer les introspections les plus intimes aussi bien que la littérature, les beaux-arts ou le cinéma. » souligne Benoît Mouchart, directeur artistique du Festival de la Bande dessinée d’Angoulême (dont Art Spiegelman était le Grand Prix en 2011) et co-organisateur de l'exposition.

Notons par contre qu' Art Spiegelman, dans ses autres oeuvres, se montre plus éclectique dans le style, va plus loin dans l'expérimentation graphique. C'est visible dans Raw, dans les dessins qu'Art Spiegelman fait pour la revue the New Yorker (dont sa femme Françoise Mouly est directrice artistique dans les années 90) ou dans les jaquettes des oeuvres complètes de Boris Vian pour l'éditeur allemand Zweitausendeins. C'est encore le cas dans ses oeuvres plus récentes, telles A l'ombre des tours mortes: bousculant les habitudes de lecture par une mise en page étonnante, Spiegelman revient sur la tragédie du 11 Septembre , y dit son amour pour New York et dénonce le terrorisme intellectuel des années Bush.

L'exposition  à la Bibliothèque Publique d'Information (BPI) du Centre Pompidou, jusqu'au 21 mai 2012, offre une vision globale de l'oeuvre d'Art Spiegelman: ses premiers travaux rémunérés pour le chewing-gums Topps (qui le feront vivre pendant ses années underground); la période underground des années 60-70 avec la revue Arcade et les histoires courtes réunies en 1977 dans Breakdowns, premier livre de l'auteur ; Maus bien sûr; le travail d'éditeur mené au sein de la revue RAW avec sa femme, Françoise Mouly ; la vision du 11 septembre et de ses suites, les années Bush ; ses travaux d'illustration pour le New Yorker ou les livres de Boris Vian.
Et en plus l'exposition est gratuite! Aucune excuse pour ne pas y aller si vous êtes dans la capitale...

Paul Schmitt, avril 2012