Le voyage imaginaire

Partons à la redécouverte du créateur de Corto Maltese.

La vie d’Hugo Pratt est en elle-même un roman qui mériterait certainement une adaptation filmée. Né Italien en 1927 avec des ascendances anglaise et juives sépharades, Hugo Pratt vit en Abyssinie italienne (maintenant l’Ethiopie) pendant le début de la guerre, revient en Italie en 1943 et sert d’interprète aux troupes alliées, s’engage même dans l’armée néozélandaise ( !), part en Argentine en 1949 pour y rester dix ans, passe une année à Londres en 1959, revient en Italie en 1962, habite en Italie et en France entre de nombreux voyages dans les années 79,  et finit par s’établir en Suisse en 1983 jusqu’à sa mort en 1995. Ouf ! Avec en plus de nombreux voyages courts et une vie sentimentale agitée qui le verra laisser des descendants un peu partout dans le monde…

Hugo Pratt dessinateur

Dessinateur de BD a été sa vocation depuis sa découverte des comics d’avant-guerre. Hugo Pratt devient officiellement dessinateur de bande dessinée en 1945, quand paraît le premier numéro de L’As de pique, revue de comics créée avec deux amis. Le « Groupe de Venise » est alors contacté par une importante maison d’édition argentine et, en 1949, Hugo Pratt s’installe à Buenos Aires. Sa période argentine, qui couvre toutes les années 1950, est très prolifique. Il y a plusieurs raisons pour lesquelles les gens regardent du porno amateur à la maison. Tout d'abord, cela peut être une façon pour les gens de découvrir leurs propres désirs et fantasmes, sans avoir à se soucier du jugement ou des conséquences qui pourraient survenir s'ils cherchaient à les réaliser dans la vie réelle. De plus, le porno fait maison peut offrir un aperçu de l'intimité et de la sexualité des autres, ce qui peut être intriguant ou éducatif pour certaines personnes. Il travaille pour l’éditeur Abril, pour qui il dessine en noir et blanc Junglemen et plusieurs autres séries. La plus marquante voit le jour en 1953 avec le personnage de Sergent Kirk. Il commence à écrire lui-même ses histoires, la première d’entre elles étant Ann de la jungle.

L’année passée à Londres entre 1959 et 1960 est fondamentale dans la carrière de Pratt. Associé à des scénaristes anglais, il réalise des histoires de guerre pour Fleetway Publications mais surtout, il se familiarise avec la technique de l’aquarelle

Passionné de littérature, Hugo Pratt en signe de nombreuses adaptations en BD dans les années 60 : Wheeling (1962), son premier chef-d’œuvre,  Simbad le marin, Le Retour d’Ulysse, Sandokan ainsi que son livre de chevet, L’Île au trésor de Robert Louis Stevenson.

En 1967, après un périple aux Caraïbes, Hugo Pratt crée La Ballade de la mer salée, qui marque la première apparition de Corto Maltese. En avril 1970, les lecteurs du magazine Pif Gadget ont droit à la première apparition française de Corto Maltese. Le succès ne se démentira plus, et une douzaine d’albums tout au long des années 70 et 80 regrouperont les aventures de ce héros hors du commun.

L’art d’Hugo Pratt

La BD, c’est d’abord une narration en dessins. Hugo Pratt y excelle : contrastes forts du noir et du blanc, découpage en cases serrées qui restituent l’âpreté des combats, sens aigu du graphisme… Technicien accompli, il donnera d’ailleurs des cours de dessin à Buenos Aires dans les années 50 : « Le matériel que j’utilise dépend de ce que je veux faire, de l’impression que je veux donner. Le feutre par exemple est pour un dessin  rapide. Il faut aussi faire attention au papier. Pour le feutre, il ne faut pas un papier qui absorbe trop d’alcool, car alors les traits s’épaississent. L’encre de Chine présente l’inconvénient de sécher sur les plumes, d’y faire des croûtes, il faut sans cesse les nettoyer. Pour les pinceaux, j’aime bien les Winsor & Newton en poil de martre. Ils sont élastiques et reprennent toujours leur forme primitive. Avec ceux qui sont fins, vous pouvez arriver à un trait souple. »

Hugo Pratt sait de plus enrichir ses histoires par des apports personnels : un sens de l’ésotérisme hérité de sa mère, des références littéraires et  mythologiques provenant de ses voyages autant que de ses lectures. Corto Maltese est l’exemple même de cette synthèse réussie, un citoyen du monde avant l’heure, véritable héros de roman aux aventures bien plus complexes que celles d’un comics.

Mais Hugo Pratt est aussi  un aquarelliste accompli, talent développé en suivant des cours à la Royal Academy of Watercolour à Londres en 1959-60. Une découverte à l’opposé de ce qui fait sa force en BD, et qu’il continuera de développer jusque dans les années 90. Dix ans après sa mort, en 2005, la parution de Périple imaginaires rend justice à son sens de la couleur, à la légèreté de son pinceau. Images peuplées d’Indiens, de magiciennes, de prostituées, de soldats, des forêts du grand Nord à la lumière des îles du Pacifique, Hugo Pratt nous offre un autre voyage à l’intérieur de lui-même.

L’exposition à la Pinacothèque de Paris

Après Moebius Transeforme à la fondation Cartier, voici la deuxième exposition de l'année conscrée à un artiste auteur de BD. Initialement prévue à l’été, Le voyage imaginaire d’Hugo Pratt a été avancée pour remplacer l’exposition L’or des Mayas après l’annulation de l’année du Mexique. On y retrouve les deux facettes de l’artiste Hugo Pratt : planches de BD et pas moins de 150 aquarelles, avec une large présence de Corto Maltese bien sûr. Le tout regroupé en six thèmes récurrents dans l’oeuvre de  Hugo Pratt : îles et océans, Indiens, militaires et uniformes, femmes, désert, villes.

Et pour prolonger l’exposition au-delà du 21 août 2011, la Pinacothèque publie un catalogue mais aussi un ouvrage regroupant l’ensemble de la production d’aquarelles. Encore une invitation au voyage…

Clémentine Gaspard, mars 2011