Métal Hurlant A Suivre

Le parcours parallèle de deux revues de BD légendaires.

Métal Hurlant et (A Suivre) marquent la troisième génération des revues de bande dessinée en France : en quelque sorte l’âge adulte de la BD après les revues classiques (Mickey, Tintin, Spirou) ciblées enfants et la génération soixante-huitarde initiée avec Pilote et poursuivie avec L’Echo des Savanes de Gotlib, Fluide Glacial, etc.

Métal Hurlant
, créé en 1975 par Jean-Pierre Dionnet, Jean « Moebius » Giraud, Bernard Farkas et Philippe Druillet, a un contenu très science-fiction et rock. C’est un délire graphique, une explosion visuelle : « Un mouvement artistique qui n’a pas de ligne, ni claire, ni crade, qui est de l’ordre du chaos » selon Jean-Pierre Dionnet, son cofondateur et rédacteur en chef. Métal Hurlant accueille nombre de grands auteurs de l’époque (Enki Bilal, Franck Margerin, Schuiten et Peeters, etc.) et est un bouillonnement ininterrompu d’images, d’idées, d’envies. Une soif de liberté et d’émancipation à l’œuvre…

(A suivre) naît en 1978 et affiche des ambitions différentes: une exigence du récit et du noir et blanc. Didier Platteau et Louis Gérard créent cette revue pour relancer Casterman, maison traditionnelle connue pour Tintin (Hergé), Alix et Lefranc (Jacques Martin) et seule structure d’édition à ne pas avoir « sa » revue à l’époque (le journal de Tintin étant publié par les éditions du Lombard). Cela se traduira par des histoires superbement dessinées qui sont au service d’un récit fort et bien construit. « Un dessinateur de bande dessinée n’était plus uniquement un ouvrier qui travaillait derrière ses héros, c’était devenu un auteur, avec des thématiques et un langage spécifique » résume François Boucq. Le terme de « roman dessiné », inventé par son rédacteur en chef Jean-Paul Mougin, annonce le « roman graphique » qui triomphe aujourd’hui. Jacques Tardi, Ted Benoît, Bourgeon, Benoît Sokal entre autres en explorent les différentes facettes avec des univers historiques, policiers ou légendaires.

Les deux revues sont complémentaires et partagent même nombre de traits communs. Le graphiste et DA Étienne Robial crée la charte graphique des deux magazines, avant de créer celle de Canal+. Nombre d’artistes (Moebius, François Schuiten, Hugo Pratt, Jacques de Loustal, Ted Benoit, Jacques Tardi) passent d’une revue à l’autre. Et  leur contenu est pour tous deux adulte, mais sans connotation sexuelle ouverte, même si la sexualité est partie intégrante de la vie et, à ce titre, y est donc abordée. Emblématiques des années 80, Métal Hurlant et (A Suivre) s’arrêteront respectivement en 1987 (avec une tentative de renaissance avortée dans les années 2000) et 1997. Ensemble, elles auront été  le support principal de la BD francophone et ont même exercé leur influence au-delà, jusque dans le monde du cinéma : l’imagerie de Blade Runner, d’Alien ou de Mad Max leur doit beaucoup.

La Cité internationale de la bande dessinée et de l’image s’empare de ce moment-clef de l’histoire de la bande dessinée francophone et en retrace le parcours pour son exposition d’été : un bouillonnement culturel à retrouver en planches et en images à Angoulême jusqu’au 26 octobre 2014.

Clémentine Gaspard, juillet 2014