Epidémie de danse

Damien Tran et Marion Jdanoff, illustrateurs, designers et sérigraphistes français exilés à Berlin.

Après Re :Surgo!, voici l’occasion de découvrir un autre duo de designers épris de sérigraphie, et eux aussi établis à Berlin : Palefroi, studio et maison d’édition composée de Damien Tran et Marion Jdanoff.

Damien Tran et Marion Jdanoff s
e réunissent à Berlin en 2011 et découvrent qu’ils partagent la même énergie et pratique vers la sérigraphie et le dessin en général. En multipliant les projets ensemble, ils décident d’officialiser leur partenariat en 2013 en créant Palefroi, un projet créatif qui englobe l’ensemble de leurs pratiques, l’auto-édition de livres et d’imprimés particulièrement en sérigraphie, gravure, risographie... mais aussi l’organisation de concerts sporadiques.

"Notre travail artistique tourne essentiellement autour de l'auto-édition et de la sérigraphie, précise Marion Jdanoff. Actuellement, nous ne produisons que très peu d'originaux, exception faite de la série de dessins à deux que nous avons réalisé pour MyMonkey, dans le cadre d'Epidémie de danse.

Notre approche de la sérigraphie est devenue de plus en plus directe et manuelle avec le temps, délaissant l'ordinateur, nous produisons les films à l'atelier en dessinant, peignant sur transparent ou calque. Le seul résultat visible de ce travail sont donc nos livres et affiches. Cela ne relève pas vraiment d'un dogme, mais plus d'un plaisir, celui de ne pas savoir jusqu'à l'impression de la dernière couleur si nos choix ont été les bons. Se passer de la prévisualisation par ordinateur c'est se réserver des surprises, devoir explorer quantité de matière pour atteindre la texture voulue.

Nous faisons des aller retour entre nos travaux personnels respectifs et nos collaborations. Nos pratiques individuelles et collectives se nourrissent les unes des autres et s'entre influencent. Damien propose des images abstraites, où les recherches formelles  de textures, de traces, de gestes sont au centre. Pour ma part, je suis extrèmement figurative et attachée à une forme plus ou moins cachée de narration. Nous sommes donc  à l'opposé l'un de l'autre, et faire se rencontrer nos images sur un même bout de papier relève souvent de la confrontation vigoureuse. Grâce à ces incursions dans les territoires de l'autre, nous apprenons aussi à sortir de nos zones de confort. Damien a laissé tomber l'ordinateur pour le crayon et j'apprends à ne pas finir parfaitement tout mes dessins;, à laisser du blanc, à faire confiance au premier trait."

Voyageurs, Damien Tran et Marion Jdanoff exposent leurs créations à travers toute l’Europe, au gré des occasions et invitations. Palefroi ne pouvait donc manquer la deuxième édition du festival L’Enfer, dédié à la micro-édition, qui se tenait à Nancy en ce début septembre 2016 pour promouvoir « la magie d’ouvrages entièrement imprimés et faits à la main ». Et en prolongement, Palefroi s’établit à la galerie nancéenne MyMonkey jusqu’au 7 octobre 2016.

En plus d’une sélection de leurs travaux antérieurs, Palefroi se saisit de ce thème de l’enfer pour nous interpréter visuellement un phénomène étrange survenu plusieurs fois à la Renaissance en Allemagne, et en particulier à Strasbourg en 1518 : une épidémie de danse. Plusieurs centaines de gens se mettent à danser dans les rues, sans s’arrêter, des jours entiers jusqu’à l’épuisement, parfois jusqu'à la mort. Surnommée la danse de Saint Guy et attribuée à l’époque à la possession par le Diable, cette sarabande aurait eu pour cause l’empoisonnement à l’ergot de seigle, ou serait un cas d’hystérie collective due à la misère, annonciatrice des révoltes paysannes de 1525 et de la Réforme luthérienne.

Paul Schmitt, septembre 2016

PS : pour en savoir plus sur cette épidémie de danse, l’ouvrage de l’historien anglais John Waller, Les danseurs fous de Strasbourg, est paru cette année en version française aux Editions la Nuée Bleue.