Cuba Grafica

100 ans d’affiches cubaines, en 300 illustrations et avec les meilleurs spécialistes du pays.

Bel ouvrage, superbement illustré et documenté, Cuba Grafica nous ouvre la porte d’un monde largement inconnu : le graphisme cubain. On y découvre que le graphisme cubain brille bien au-delà des années 1960 et 1970, âge d’or de l’affiche politique et culturelle.

En première partie, Cuba Grafica explore les débuts de l’affiche dans la première moitié du XXème siècle, avec les styles Art nouveau du début des années 1900 puis Arts décos des années 30, et une lente évolution marquée par l’influence américaine. Le style cubain en tant que tel émerge avec l’arrivée de la sérigraphie dans les années 1940. Cette technique d’impression manuelle ne quittera plus l’île, jusqu’à devenir un savoir-faire et une tradition nationale revendiqués.

La deuxième partie nous plonge dans l’effervescence des années 60, après la victoire de la Révolution castriste, où il s’agit de mobiliser les Cubains pour résister à l’embargo américain et continuer le combat internationaliste. Cette imagerie liée à Fidel Castro et au Che perdure jusqu’à aujourd’hui, à la fois dans notre mémoire collective et sur les murs des villes cubaines. Une période féconde où s’épanouit l’essence de l’affiche cubaine comme le résume le graphiste Alfredo Rostgaard : des coloris audacieux, libres et sans préjugé, des formes graphiques directes et les contraintes liées à l’impression en sérigraphie, avec un choix de couleurs restreint et des aplats et contours bien délimités.

La montée de la bureaucratie dans les années 80 puis la crise économique des années 90 après l’effondrement du bloc soviétique mettent un terme à cette période féconde. Les graphistes s’exilent pour la plupart, et une nouvelle génération formée dans une nouvelle école, l’ISDI (Instituto Superior de Diseño Industrial) prend peu à peu sa place. Cette nouvelle génération fait l’objet de la troisième partie de Cuba Grafica. Faute de commanditaires, elle pratique souvent l’affiche comme un mode d’expression personnelle plutôt que comme moyen de communication, et rompt avec les codes du passé en donnant une large place à la photographie et aux jeux typographiques en plus de l’illustration. Et ces jeunes graphistes, souvent regroupés en collectifs, cherchent bien sûr à s’ouvrir sur le monde et les nouvelles technologies en dépit des restrictions matérielles sur place à Cuba. Nouvelle époque, mais aussi nouvelle richesse artistique.

Régis Léger, jeune graphiste engagé, est allé sur place étudier à l’ISDI en 2010 après les Gobelins et l’école Estienne à Paris pour mieux découvrir ce contexte artistique et politique qui le fascinait. Et il y a mûri ce projet de livre collectif sur l’affiche cubaine. Cuba Grafica donne ainsi la parole aux Cubains eux-mêmes, graphistes et professeurs pour mieux mettre en contexte les 300 photos et reproductions d‘affiches de ce superbe livre, didactique et agréable à lire de surcroît. Un must pour toute bibliothèque d’amateur de graphisme !

Paul Schmitt, octobre 2013

 

Cuba Grafica
sous la direction de Régis Léger
Éditions L’Echappée, Collection Action graphique
Format 20 x 26 cm | 256 pages
34 euros