Art et technologies numériques

Pour sa huitième édition, le Festival @rt Outsiders nous plonge dans l'univers énigmatique des nanotechnologies, à travers la thématique des Territoires invisibles. Radiographies, sismogrammes, atomes et molécules invitent le visiteur à l'expérimentation artistique et à la poésie scientifique, au cœur de la Maison Européenne de la Photographie.

 

Question de point de vue

A l’image de l’anatomie autrefois, l’art dépend aujourd’hui de divers paramètres issus des sciences les plus insolites. Territoires Invisibles est l’occasion de toutes les tentatives en matière de transpositions technologiques et artistiques. A cet effet, pourquoi ne peut regarder une œuvre d’art à travers un microscope ou dans le creux de sa main ? FLW (1996) repousse ainsi les limites du visible de l’œuvre d’art, en procédant à une réduction insolite. Grâce aux techniques de gravure sur silicium, Ken Goldberg et Karl Bohringer ont reproduit une maquette architecturale créée par Frank Lloyd Wright, à l’échelle microscopique. A l’inverse, l’œuvre de Charles et Ray Eames, Power of Ten, propose une immersion ascensionnelle digne de la NASA, où l’espace s’étend à travers un travelling arrière, à partir d’une scène de pique-nique pour terminer en orbite, procédé aujourd’hui employé par le logiciel Google Earth. Gros plan et infini se côtoient dans cette exposition, où les repères originels n’existent plus. Femmes transparentes, de Rodolphe Gombergh interroge le déplacement du corps face à un autre. Selon le positionnement du visiteur, les entrailles d’une femme s'ouvrent ou se ferment au regard, par le biais de radiographies, holographies et vidéos.

Une technologie autonome

Pendant que la démesure et le macroscopique échappent à la perception, les intelligences artificielles progressent en silence. Christa Sommerer et Laurent Mignonneau propose une sculpture invisible au spectateur-acteur. Nano-scape (2002), soit un dispositif magnétique et physique, permet de réaliser une œuvre d’art par la simple attraction d’aimants, ou plutôt d’atomes... L’un entoure le doigt de celui qui s’apprête à créer, l’autre, inscrit dans la table à sculpture, interagit avec lui. " Je ne fais pas une œuvre, je fais un environnement dans lequel le spectateur peut créer quelque chose ", explique L. Mignonneau, artiste.
Plus loin, des molécules naissent de matrices sonores dans les vidéos-performances de Semiconductor, où une bande son engendre la création de molécules cristallines aux formes et couleurs spontanées. 
Des correspondances technologiques s’établissent dans Earth Moves(2006) :des ondes acoustiques colonisent un paysage, y faisant onduler et vibrer avec poésie les immeubles ou les réserves naturelles.

 

Sensation et conditionnel

Microgramme(s), l’installation interactive de Thierry Coduys, illustre la fusion de l’aléatoire informatique et d’une lecture intimiste. Projetés sur un sol noir, les poèmes de Robert Walser jaillissent lettre par lettre, pour terminer leur chute dans la paume du visiteur, invité à s’intercaler entre la projection et le support. Soumis aux variations du passage des mains, le développement de la sculpture s’inverse dans une chorégraphie littéraire des plus élégantes.

Cartésiens et poètes tomberont cette fois d’accord, grâce à cette exposition qui réunit des paramètres qui, le plus souvent, s’ignorent conjointement. Une équipe de médiateurs se tient cependant à la disposition du visiteur, afin de combler d’éventuelles lacunes de physique.

 

Agathe Hoffmann - Septembre 2007

Jusqu'au 30 septembre.
Maison Européenne de la Photographie, 5, rue de Fourcy, Paris 4ème.
Ouvert tous les jours de 11 heures à 20 heures, sauf les lundis, mardis et jours fériés.