Marcel Imsand

Autodidacte, le suisse Marcel Imsand est néanmoins devenu un maître du portrait en noir et blanc.

Et pas seulement du portrait ajouterons-nous : ses paysages impressionnent par la rigueur de leur composition et leur puissance d’évocation. Peut-être parce que Marcel Imsand s’investit plus dans ces paysages de son enfance, y projette son parcours hors norme de fils du peuple.

Fils d’un ouvrier socialiste et d’une couturière habitant Broc, un petit village de Gruyère en Suisse romande, Marcel Imsand  entre dans la vie professionnelle à quinze ans en 1944 comme livreur de pain à Lausanne. Puis, après un début d’apprentissage de pâtissier à Vevey, il s’oriente finalement vers la mécanique de précision et part pour Neuchâtel. C’est là qu’il découvrira la photographie dont il ne fera son métier que quinze ans plus tard: en 1964, Marcel Imsand démissionne de son poste de chef d’atelier dans une usine de moteurs de camions pour s’adonner entièrement à la photographie, un pari fou pour un jeune père de famille. Très rapidement, osant s’aventurer dans les coulisses du Théâtre de Beaulieu, il réussit à tirer le portrait de grands artistes de passage (Rubinstein, Brassens, Brel, Barbara, Béjart…).  Il décroche un contrat avec La Feuille d’Avis de Lausanne pour publier chaque jour un instantané, devient le photographe officiel du Grand Théâtre de Genève.

En février 1982, Marcel Imsand expose à Lausanne les tirages de Paul et Clémence. Série photographique marquante, il y dévoile une profonde amitié tissée durant douze ans avec deux personnes âgées qui vivent retirées dans une ferme vaudoise, aux Dailles. Il continue dans cette veine tout au long des années 1980 et 1990, avec en particulier sa série sur Luigi le berger qui lui vaut une renommée internationale.  On y découvre une sensibilité qui va bien au-delà de sa maîtrise du portrait de célébrité. Marcel Imsand a l’art de décrire un monde rural en voie de disparition avec tendresse et respect de l’intimité plutôt que voyeurisme.

Se liant d’amitié avec le mécène suisse Léonard Gianadda, lui-même photographe amateur, Marcel Imsand devient un familier de la Fondation Pierre Gianadda à partir de 1986. Il en croque avec son Leica les moments forts des vernissages et des concerts, fixe pour la postérité les artistes qui défilent à Martigny et, surtout, capte une atmosphère, une ambiance. L’amitié entre eux se renforce, au point que Marcel Imsand fait don de ses meilleures photos à la Fondation : la série originale des photographies de Luigi le berger, les originaux des reportages effectués durant trois décennies sur leur ami commun, Maurice Béjart. Au total, plus de 500 photographies, qui font l’objet d’une exposition rétrospective jusqu’au 3 mars 2013.

Clémentine Gaspard, janvier 2013