Etonnez-moi!

Le photographe de célébrités qui ne se prenait pas au sérieux.

« Dans le Faust de Goethe, Dr Faust s’écrie "Deux âmes - hélas - vivent en mon sein". Cette remarque s’applique tout à fait à moi. Pour mon travail sérieux, je m’efforce d’atteindre l’essence même des choses et des objectifs qui sont peut-être impossibles à réaliser. D’un autre côté, je suis très attiré par toute forme d’humour, et cet aspect puéril de mon caractère m’amène à toutes sortes de comportements frivoles » avoue Philippe Halsman. Et cet humour, tout en excentricité et sans trash (époque oblige), fait l’originalité  de Philippe Halsman et lui garde toute sa modernité.

Né en Lituanie, photographe à Paris à partir de 1931, Philippe Halsman (1906-1979) fuit le nazisme en 1940 et se réfugie à New York. Il y travaille pour de nombreux magazines américains dont Life qui l’entraînera à la rencontre des célébrités du siècle – Marilyn Monroe, Rita Hayworth, Duke Ellington, Hitchcock, Richard Nixon, Salvador Dali pour n’en citer que quelques-unes – et dont il réalisera 101 couvertures. Maître de l’approche directe, il expérimente un large panel de techniques pour capturer l’essence de ses sujets et exprimer leur individualité. En gardant à l’esprit cette injonction de Serge de Diaghilev au jeune Cocteau: « Etonnez-moi ! ».

Salvador Dali fera aussi de Philippe Halsman un de ses complices en excentricités tout au long d’une collaboration qui durera des décennies. Leurs idées imposent un travail de post-production laborieux pour arriver à des images telles que le portrait de Mona Lisa, les conflits intérieurs, le surréalisme ou l’essence de Dalí : travail sur le tirage ou le négatif (découpage, agrandissement, déformation, surimpression), montage puis nouvelle prise de vue pour obtenir un négatif de l’image finale.

Mais son coup de maître reste la « jumpology », ou l’art de photographier les célébrités en train de sauter sur place. Une manière de les faire sortir de leur posture, de révéler leur personnalité derrière la façade : Marylin Monroe plutôt joueuse, Richard Nixon toujours coincé et méfiant, le duc et la duchesse de Windsor amusés mais dignes.

"Philippe Halsman, Etonnez-moi !" récapitule au musée de l’Elysée à Lausanne en mai 2014, et maintenant au Jeu de Paume à Paris jusqu'au 24 janvier 2016, l’ensemble de la carrière de Philippe Halsman, des années parisiennes au succès newyorkais entre 1940 et 1970. Plus de 300 photos et documents qui mettent en exergue le talent mais aussi l’esprit facétieux d’un photographe hors normes.

Clémentine Gaspard, mars 2014, mise à jour octobre 2015