Arles in black

Une édition qui fait la part belle à la photo en  noir et blanc.

Un retour à l’ « âge d’or » de la photographie en quelque sorte. C’est ce à quoi nous convient ces Rencontres d’Arles 2013, jusqu’au 22 septembre 2013, avec ce thème du Noir & Blanc. De ses débuts au XIXème siècle jusque dans les années 80, la photographie « sérieuse » ne se concevait qu’en noir et blanc, la couleur apparue peu à peu au XXème siècle restant longtemps confinée aux photos d’amateur, portraits de famille ou souvenirs de vacances.

Il est vrai que le noir a un potentiel esthétique formidable, le peintre Matisse en disait déjà : « Le noir est une couleur en soi qui résume et consume toutes les  autres. » Et nombre de photographes comme ici Arno Rafael Minkkinen, Hiroshi Sugimoto ou Daido Moriyama en tirent parti, jouent avec les lignes des paysages ou des corps en des compositions très graphiques.

Les photographes de presse et photographes documentaires ont de leur côté utilisé la sobriété du noir et blanc pour aller au-delà de la simple reproduction, capter l’essence d’un moment,  aussi bien en portrait et scène intimiste qu’en représentation de la réalité sociale.

Les 50 et quelque expositions de ces Rencontres d’Arles 2013 témoignent de ces diverses sensibilités, juxtaposant à travers la ville rétrospectives de grands noms de la photographie comme le chiléen Sergio Larrain, et travaux de photographes émergents comme le sud-africain Pieter Hugo.

La couleur est aussi présente à Arles cette année, avec la photographe de mode Viviane Sassen ou encore Marion Gronier, lauréate de la Résidence au musée Nicéphore Niépce, avec des portraits a regard étrangement vide.

Et le Prix Découverte des Rencontres d’Arles 2013 va à Yasmine Eid-Sabbagh et Rozenn Quéré pour leur série Vies possibles et imaginaires, l’histoire de quatre femmes fortes et truculentes, exilées aux quatre coins du monde, quatre soeurs Palestino-libanaises qui ont traversé l’histoire du XXe siècle. Yasmine Eid-Sabbagh et Rozenn Quéré proposent ici une histoire entre documentaire et fiction, une  « relecture de la réalité teintée de tendresse et d’humour, qui s’inscrit dans un parti pris de proximité ». Une série qu’on peut retrouver en livre aux Editions Photosynthèses d’Arles.

Mais l’exposition qui fait le plus parler d’elle n’est pas à proprement parler photographique, mais autour de la photographie : l’artiste chilien Alfredo Jaar bouscule nos certitudes sur la vérité de l’image et les bonnes intentions de la presse. Son installation La politique des images,  à l’église des frères Prêcheurs, montre l’envers du décor, comment les images révèlent le point de vue de ceux qui les sélectionnent, les mettent en avant.

Soyons reconnaissant aux Rencontres d’Arles de dépasser le cadre d’une célébration annuelle et de poser des questions sur l’avenir de la photographie. Au-delà de la nostalgie, une esthétique de la photographie en noir & blanc est-elle toujours concevable à une époque où médias et écrans sont passés entièrement à la couleur et où les logiciels de retouche élargissent la palette des choix esthétiques en photographie ? Visiblement, la réponse est positive.

Paul Schmitt, juillet 2013