
"En étant un peu élitiste, on imagine volontiers qu'il y a une grande différence entre le niveau artistique auquel on accède dans une école comme l'Ensad et celui des pratiques artistiques amateurs. En fait, il s'agit simplement d'une différence savante car il y a une continuité. C'est parce qu'il y a des millions de photos réalisées chaque jour dans le monde entier, qu'il y a une photographie artistique. C'est parce qu'il y a des gens qui chantent en gardant les moutons, que l'opéra existe.
Les codes et les techniques populaires ont toujours été interrogés par les artistes. Rimbaud a repris des comptines ou des textes de publicité de son époque pour ensuite jouer avec les hémistiches. Parfois, c'est plus visible comme dans le pop-art ou l'école de Nice. Cette continuité entre culture populaire et culture savante me parait importante.
La révolution culturelle de Mao se basait sur l'idée que pour redémarrer à zéro, il faut se débarrasser de tous les intellectuels, de tous les détenteurs des anciennes formes afin d'en créer de nouvelles. Eh ! bien, cela ne marche pas comme ça. Les inventeurs du be-bop connaissaient par cœur tous les standards, et d'un seul coup, cela leur permettait de jouer dans les septièmes diminuées. Ils inventent une nouvelle forme parce qu'ils maîtrisent les anciennes. De même pour les impressionnistes qui avaient hérité de Manet et de Velázquez."