La ville étrangère

La 4e édition de la biennale photographique Urbi & Orbi, qui prend ses quartiers à Charleville-Mézières, Sedan et Vrigne aux Bois, explore la relation complexe que l'homme entretient avec la ville.

Née de la main de l'homme, la ville lui semble parfois étrange, voire étrangère. Qu'il arpente sa cité ou une mégapole lointaine, le voyageur se sent parfois exclu des codes et des rythmes de la ville.

Et c'est cette distance, entre fascination et sentiment de non-appartenance, qui est au coeur des travaux présentés par les 24 artistes choisis par le Biennale.

Jeunes ou internationalement reconnus, ces photographes, plasticiens et artistes multimédia exposent leurs créations, comme autant d'interrogations urbaines réparties entre plusieurs thématiques.

La ville de l'étranger

Fascinante, mystérieuse et parfois déroutante, c'est "l'ailleurs" dans sa première acception. Elle engendre une rupture, physique, mentale ou affective, avec ce qui lie chacun à son univers urbain quotidien.
C'est dans ce cadre que s'inscrit la réflexion visuelle de Jean-Christophe Bréchet. Transplanté à Tokyo, dans cet "ailleurs" si familier et pourtant si radicalement éloigné de nos référents occidentaux, le photographe signe une série qui témoigne de sa fascination pour l'énergie vitale tokyoïte.
Avec Jirí Hanke, c'est le photographe qui emmène le spectateur chez lui, dans sa ville tchèque, dans son quotidien banal et pourtant "étranger"...
Plus loin encore, Hu Yang nous emmène à Shanghai, en Chine. Sa ville, terreau de tous les déséquilibres entre nouvelle bourgeoisie et précarisation totale.

La ville étrangère à celui qui y vit

Thématique brûlante : comment peut-on être exclu de sa propre ville ? SDF, immigrés sans-papiers, tous arpentent des cités qui ne veulent pas d'eux, ne leur inventent pas de place.
Elsa Laurent photographie ainsi des sans-abris endormis dans leurs couvertures. Traités comme des objets, des sculptures esthétiques, ses sujets disent plus violemment encore la mise à distance de ces hommes et ces femmes, nos prochains.
André Mérian s'intéresse, lui, aux zones péri-urbaines, bâtardes, mal définies, mal conçues, pas reconnues et pourtant partie intégrantes de ces villes que nous avons construits à notre image. Ces zones sans consistances, trop vastes, créent un sentiment de malaise.
Déjà célèbre, l'Allemand Robert F. Hammerstiel a photographié une "ville modèle", idéal imaginé clé en main au profit de classes moyennes de plus en plus définies par leur consumérisme effréné. Ces maisons-témoins sont les écrins parfaits de vies déjà formatées.
Claire Rado, quant à elle, a interrogé des coréens de Paris sur ce qui leur manque de leur ville d'origine mais aussi sur ce qui leur manque de Paris quand ils retournent chez eux. Mais justement, nous interroge-t-elle : où est leur "chez eux" ?

La ville étrange

Bizarreries de ses habitants ou de ce qu'elle suscite en eux, la ville peut aussi se révéler étrange. Ainsi, Pablo Hare et Philippe Gruenberg investissent des appartements de Lima (capitale du Pérou) au coeur desquels ils projettent le spectacle de la rue, brouillant les codes et les limites spatiales.
Catherine Balet, elle, photographie les looks créatifs des adolescents dont les stratégies vestimentaires dévoilent leur appartenance à l'une de ces mini-sociétés néo-tribales européennes.

La ville investie

A Sedan, ville abimée par la récession économique, des expositions s'affichent dans l'emblématique rue de l'Horloge en pleine réhabilitation. On pourra ainsi découvrir installés dans une superette désaffectée les gigantesques panneaux publicitaires vides capturés par Sung hee Lee. Les superbes vues nocturnes désenchantées et vides de Luc Boegly seront, quant à elles, exposées sur des "sucettes Decaux" jalonnant un parcours urbain.

Et bien d'autres clichés, encore, à découvrir dans ce petit périmètre ardennais.

Léonor de Bailliencourt - Juin 2008
Jusqu'au 5 juillet 2008.
Différents lieux d'exposition à Charleville-Mézières, Sedan et Vrigne aux Bois (08).
Toutes les infos sur http://www.urbi-orbi.com/.