Allez raconte!

Un film d’animation en Flash où le délire graphique est de mise… Avec deux vidéos (dont un making-of avec le réalisateur JC Roger) pour vous donner l’ambiance.

Après la BD de  Lewis Trondheim et José Parrondo et deux séries TV, voici Allez raconte ! le long métrage d’animation. Synopsis : Laurent raconte si bien les histoires que ses enfants décident de l’inscrire à un concours télévisé… de papas conteurs ! Les sujets tombent : l’imagination, le futur, la richesse de la langue française… Les papas conteurs s’emballent, c’est une avalanche de lutins, de machines à tuer les héros, de princesses, de dinosaures et d’extra-terrestres !

A l’heure de l’animation 3D relief, faire un long métrage tout en 2D avec Flash, cad tout en aplats et avec une animation minimaliste, et sans être trash comme South Park demandait de l’audace. Et tout cela à petit budget, moins de 3M€, et animé en Europe ! Pari gagné, Allez raconte ! se regarde avec plaisir, le délire de l’histoire/des histoires  et de leur graphisme semble séduire petits et grands, pas forcément pour les mêmes raisons : les clins d’œil sont nombreux, la satire de la TV et de ses émissions de variété très présente. Au tour de Jean –Christophe Roger, réalisateur du film comme des séries, de nous raconter son histoire :

Le parcours
J’ai étudié aux Arts déco pour devenir graphiste, mais comme j’ai toujours aimé le dessin et le travail en équipe, je me suis orienté vers l’animation plutôt que la pub. J’ai rejoint France Animation en 1984 comme assistant animateur puis animateur avant de rejoindre le studio Disney à Montreuil de 1987 à 1990. Mais chez Disney, on manque de liberté créative, j’ai préféré partir pour devenir réalisateur. J’ai d’abord fait des storyboards pour de séries japonaises ou américaines, puis j’ai rencontré Didier Brunner, patron du studio Les Armateurs, pour qui j’ai d’abord storyboardé. Je suis ensuite passé coréalisateur sur Lupo Albert (1996), une série franco-italienne inspirée d’une BD populaire en Italie. Et j’ai ensuite réalisé la série Belphégor pour France 2 et France3. J’ai réalisé plusieurs autres séries : Patates et Dragons (France3), La cuisine est un jeu d’enfant (les recettes de Raymond Oliver expliquées aux enfants sur France 5), puis les deux saisons de la série Allez raconte ! (M6, avec la voix de Dany Boon, de 2006 à 2008).

La genèse du projet
Au vu du succès de la sérié, Didier Brunner  m’a proposé d’en faire  un long métrage, et le challenge m’a paru d’autant plus intéressant que tout le monde m’a dit que cela ne marcherait pas…  Le film, comme la série, est l’éloge du moment où on raconte des histoires au bord du lit des enfants. Il a fallu deux ans de travail en partant de l’écriture du scénario en 2007 par Lewis Trondheim, scénario que j’ai développé ensuite.

Choix artistiques
La BD a un style minimaliste, mais varié. Nous avons travaillé avec José Parrondo, créateur de cet univers, pour varier les styles graphiques pour ne pas lasser les spectateurs, pour avoir des styles différents suivant les papas tout en restant cohérents. Un graphisme minimal donne  toute liberté à la créativité. Comme le dit José Parrondo, quand on ne représente que ce dont on a besoin, on réfléchit plus  à la mise en scène. La BD donne le concept, mais le film a son propre scénario, remanié avec les comédiens (Elie Semoun, etc.) presque jusqu’au montage : découpage, voix, musique. C’est un processus plus interactif qu’un film classique, c’st un film sur l’imagination et chaque personne sur ce projet doit apporter sa créativité. Quand Michael Gregorio est arrivé pour les chansons, cela a influencé l’histoire.

L’animation est un univers qui permet d’intégrer toutes sortes de graphisme. Par exemple, dans la série Belphégor, les séquences de rêve imitent la peintures à  la laque japonaises ou aussi l’enluminure moyenâgeuse  façon Riches heures du Duc de Berry. Dans Allez raconte! aussi nous avons cherché des graphismes intéressants à intégrer dans l’histoire.

Allez raconte ! la réalisation
Nous étions trois basés à Paris pour superviser le projet, plus José Parrondo en Belgique, et nous avons travaillé avec  les studios 2 Minutes à Angoulême et 352 au Luxembourg. L’équipe de 2 Minutes comptait moins de vingt personnes, dont 10 animateurs, 2 compositeurs et 2-3 décorateurs, a fait le gros de l’animation en Flash et aussi les séquences avec After Effects, par exemple les plans  où interviennent  gravures et peintures. Les plans du film dans la salle de spectacles ont également des mouvements de caméra gérés dans After Effects, avec un espace 3D et des figurines 2D. Le studio 352, qui a récemment travaillé sur le long métrage Panique au village, a fait avec une dizaine de personnes les séquences en 3D avec 3DS Max (les dinosaures), et aussi certaines en Flash. J’étais sur place avec les animateurs, cela fait gagner du temps, de ne pas faire trois essais pour un seul plan, et donc d’avancer plus rapidement ; c’est important quand on a un budget serré.

Le style d’animation Flash saccadé va bien aux personnages, 2 Minutes a une bonne expérience du logiciel et ils ont travaillé sur la série Allez raconte !, ils savaient comment animer les personnages.
Le trait est dessiné dans Flash avec l’outil pinceau (contrairement à la série qui utilise l’outil crayon) pour donner un aspect irrégulier au trait. Ce trait est ensuite passé dans After  Effects avec des filtres pour reproduire et accentuer les imperfections et  le granulé du  papier Canson. Les textures sont faites sous Photoshop et Illustrator. Les papiers texturés (ex : cahiers d’écolier) ont été scannés.  Tout cela pour obtenir un rendu plus enfantin, plus proche de la gouache. Et cela nécessite plus de travail en compositing.

Le prochain film
Je travaille sur un projet de long métrage avec un graphisme inspiré de la peinture chinoise. Je développe le scénario, les solutions techniques et le cadre du projet depuis un an. Le coproducteur chinois est OK, je cherche maintenant un producteur en France.

Paul Schmitt, octobre 2010