Un conte de Michel Ocelot mêlant 2D et 3D.

Pour son nouveau long métrage, Michel Ocelot se met à la 3D avec le studio MacGuff Ligne, et réussit à garder sa « patte », ce style haut en couleurs qui est devenu sa marque de fabrique. Au résultat, un conte moral droit dans la lignée de Kirikou et un film superbe. Retour sur la genèse de cette oeuvre avec les principaux protagonistes.

Michel Ocelot est un conteur qui aime l'Afrique et les couleurs vives et saturées, c'est bien connu. Cette fois, il délaisse l'Afrique noire pour nous offrir une visite dans un Maghreb onirique et majestueux à la fois, au temps de sa splendeur dans un Moyen-Age de rêve . L'histoire est simple : le blond Azur et le brun Asmar sont élevés en frères de lait par Jénane, la mère d'Asmar, jusqu'à ce que le père d'Azur renvoie sans ménagements Jénane dans son Maghreb natal où elle réussit cependant à faire fortune. Devenu grand, Azur part à leur recherche. Les deux frères, maintenant rivaux, se mettent en quête de la légendaire fée des Djins; ils sauront retrouver à temps leur complicité pour gagner leur pari.
On le voit, la dimension morale reste incontournable chez Michel Ocelot. Après le succès de Kirikou et la Sorcière, le producteur Christophe Rossignon et sa société Nord-Ouest production ont réussi cette fois à boucler un montage financier de 10 millions d'euros, deux fois plus que pour Kirikou. Ce qui lui a permis de faire son film entièrement en France avec le studio MacGuff Ligne de Jacques Bled qui signe ainsi son premier long métrage d'animation. Mac Guff est plutôt connu pour ses effets visuels en 3D, notamment pour les « docufictions » de France 3, L'Odyssée de l'espèce et L'Odyssée de la vie (voir article dans cette même rubrique). Ici, Mac Guff a su s'adapter aux exigences du réalisateur avec un mélange de 3D (les personnages) et de 2D (les décors). Les principaux protagonistes du film nous en expliquent la genèse.

Sur l'esthétique du film et le choix de la 3D :


Michel Ocelot, réalisateur :
Faire un long métrage en dessin animé, c’est consacrer six ans de sa vie à un sujet. Il y a d’abord la conception : trouver son sujet et l’écrire. Quand j’ai défini un désir précis, cela va très vite. Pour Azur et Asmar, à partir du moment où j’ai envisagé les relations France-Maghreb, j’ai pensé à des frères de lait, aux positions très tranchées – un riche, un pauvre – puis j’ai imaginé d’échanger les rôles en cours d’histoire. J’ai écrit le premier état du scénario en deux semaines. Ensuite, il faut se consacrer à un énorme travail de documentation et de dessin. Nous nous appliquons à être exacts, historiquement, géographiquement. Ce qui ne m’empêche pas de prendre des libertés par ailleurs, d’autant plus qu’il n’y a pas d’images du Maghreb entre l’époque antique et le XVIème siècle, pour cause d’interdits religieux. Parallèlement, j’élabore tout le film sous la forme d’une bande dessinée, un storyboard, ou scénarimage, qui définit tout ce qui se passera à l’écran. Cela me prend un an. Le plus tôt possible au cours de cet établissement, j’invite des collaborateurs à participer à la mise en place de l’animation. Les 1300 plans du film sont définis chacun dans un dossier où l’on trouve le cadrage de l’image, les principales positions des personnages dans l’image, l’esquisse des décors, l’indication des dialogues et les mouvements de caméra. Ce travail, avec une équipe réduite, a duré deux ans. Viennent ensuite la création des décors, puis la mise forme numérique des personnages, et l’animation proprement dite, qui a pris un an et demi. Et on termine par la post-production, quelques mois...

Au début, j'ai surtout des images dans la tête, et je pensais faire du dessin animé traditionnel avec un peu de 3D. Et puis j'ai voulu changer, me renouveler, aller plus vite et j'ai choisi de passer à la technique 3D avec le studio Mac Guff.

Christophe Rossignon, producteur :
Certains de nos interlocuteurs étaient surpris d’apprendre que Michel allait passer à la 3D. Ils se demandaient comment il allait utiliser ce nouvel outil, s’il n’allait pas y perdre un peu son âme. Ça a plus inquiété que rassuré, mais Michel est un véritable artiste. Il a su se servir à merveille de cette technique. Il a su créer un style particulier avec la 3D, qui n’appartient qu’à lui, et qui fonctionne dès les premières images.

Jacques Bled, PDG de Mac Guff Ligne :
J'ai tout de suite été séduit par la beauté du scénario. Et après quelques discussions, j’ai pu mieux cerner les souhaits de Michel ; il avait besoin de se sentir à l’aise, en confiance, et de travailler dans un seul endroit si possible à Paris pendant toute la production de son film. Ensuite, nous avons estimé le temps de travail nécessaire pour valider la faisabilité du film dans ces conditions.
La 3D n'est qu'un outil et nous ne sommes que des passeurs de technologie Que Michel utilise le dessin animé, le papier découpé, les silhouettes ou la 3D, le résultat final est une oeuvre qui n’appartient qu’à lui, un vrai film d’auteur. Michel nous a transmis son goût de la précision et de la simplicité poétique, qui va à l’opposé de l’utilisation traditionnelle et historique de la 3D, qui a souvent été très démonstrative et spectaculaire. Le travail de Michel allait vers l’épure, vers la simplicité et il était important de lui proposer à la fois des outils et des gens qui puissent lui permettre d’aller dans cette direction.
Sur un long métrage, il faut trouver un mode de fabrication pertinent, autonome et efficace, pour livrer les 1300 plans d’animation dans les délais prévus, en obtenant la qualité souhaitée. L’important, c’est de bien analyser les choses au démarrage. Nous avons produit vite, cad en 18 mois, mais il y avait déjà deux ans de travail par Michel! L’équipe a été constituée autour de quelques personnes qui étaient responsables d’un domaine précis, qu’il s’agisse de l’animation, du rendu, de l’éclairage, etc... Chacune de ces personnes dialoguait avec Michel et transmettait ses indications au reste de l’équipe.
Nous avons donc adapté certains de nos logiciels 3D, et notre département de recherche et de développement a créé des outils d’animation, d’éclairages et de textures spécifiques pour le film. Ceci, principalement pour optimiser la rapidité de la fabrication et pour répondre aux demandes spécifiques de Michel dans le domaine des textures de visages, des broderies et des bijoux. Nous avons optimisé l’utilisation de nos logiciels pour leur permettre de s’adapter à sa vision. Au total, ce film représente plus de 10 000 journées de travail pour 40 animateurs! Et nous avons accepté de mettre une partie de notre travail en part de coproduction.

Sur les personnages, leurs vêtements et bijoux :

Michel Ocelot :
Il y avait une centaine de personnages bien visibles, plus deux cents figurants à établir. Je dessine les principaux modèles d’animation, c’est à dire chaque personnage de face, trois-quarts, profil, trois-quarts dos, dos, plus quelques expressions et attitudes principales. Pour les personnages secondaires, je me fais aider.
Azur et Asmar ne s’appuie sur aucun conte. La fée des Djins est de mon invention, le Lion écarlate aux griffes bleues aussi. Sa crinière est faite en 3D, de façon non réaliste. Et les costumes n'ont pas d'ombre pour faire ressortir l'aplat de couleur, tandis que les bijoux sont hyperréalistes pour en « avoir plein les yeux »! Pour les Djins, ma part d’invention est de les figurer précisément, figuration absente des images traditionnelles. Le Saïmourh, lui, est un oiseau mythique de contes persans. Il peut avoir d’autre noms, tel l’oiseau roc, comme vous le disiez. Le thème de l’oiseau énorme, qui peut transporter les gens, mais aussi les manger, revient souvent dans les contes. Celui que nous montrons sort directement de miniatures persanes. Il a été mis au point par Anne-Lise Koehler, la grande artiste qui a dirigé les décors. L’autre personne qui est là depuis le début, pour m’assister sur les personnages et les layouts, est Eric Serre, mon assistant-réalisateur.

Eric Serre, assistant réalisateur et superviseur layout :
La préparation du film a duré deux ans et demi au cours desquels Michel avait déjà esquissé les personnages principaux. La première équipe réduite était composée de 6 à 8 dessinateurs confirmés, ce qui est très peu pour un film d’animation. J’ai travaillé sur les personnages secondaires : le maître d’équitation, le maître de danse, le précepteur, le cocher, les personnages de foules du Maghreb, les méchants, les marchands et les soldats. Tous les personnages étaient validés par Michel, comme chaque étape de la fabrication. Et nous fournissions pourtant le même «matériau de base» aux infographistes que celui que l’on donne aux animateurs 2D : des dessins qui représentent les personnages sous tous les angles. C’est au moment de la transposition en 3D qu’il faut surveiller la manière dont le personnage va être adapté. Le graphisme a été conçu pour simplifier la fabrication 3D et l’animation. Les vêtements, par exemple, sont représentés en aplat, sans ombre et sans plis apparent. De plus, chaque personnage est construit en fonction de son utilisation dans le film afin d’utiliser judicieusement le temps de fabrication. Un personnage principal possède une grande latitude de mouvements, tandis que la « mécanique » d’un figurant est simplifiée.
Anne-Lise, qui est aussi une sculptrice animalière renommée, s’est chargée de dessiner les animaux en plus de son travail de chef déco .

Anne-Lise Lourdelet-Koehler, création des décors :
J’ai dessiné l’oiseau Saïmourh en m’inspirant de sa représentation sur plusieurs miniatures persanes. J’ai rendu sa silhouette plus élancée, pour rendre le mouvement de son vol plus spectaculaire. J’ai accentué le contraste entre la tête et le corps. J’aimais l’idée d’un oiseau merveilleux doté d’une tête inquiétante. J’ai allongé la traîne des plumes et la longueur des ailes. Le Saïmourh a la tête d’un serpentaire, le cou et la traîne d’un paon, des ailes d’hirondelle, et des pattes d’épervier.


Jacques Bled :
Il y a 12 personnages principaux, plus les figurants et les animaux. Les dessins scannés servent de référence à la modélisation avec Maya et nos outils propriétaires. Le challenge était de respecter le dessin épuré et simple de Michel, de raccorder le modèle au dessin.
Dans le détail, nous avons fait 5 modèles d'homme, 4 modèles de femme et 3 modèles d'enfant déclinés en 200 figurants; pour cela, nous avons créé une banque de données avec vêtements, etc. Les vêtements ont été rendus en global illumination pour leur donner un aspect soft, tandis que nous avons utilisé le raytracing pour obtenir des bijoux très réalistes.

Michel Ocelot :
Pour les vêtements, on ne dispose d’aucun document maghrébo-andalou, à part des exceptions qu’on compte sur les doigts de la main. On y voit des sultans vêtus du costume traditionnel connu, burnous et turban. Rien ne semble avoir bougé. Les habits traditionnels féminins d’aujourd’hui évoquent encore ceux du temps des romains : ce sont des tissus drapés et retenus par des fibules. J’ai utilisé ces vêtements, avec une abondance de bijoux berbères. Les costumes des deux héros, en revanche, devaient avoir une allure féerique. Je les ai pris dans la civilisation persane, plus exactement l’époque séfévide, au XVIème siècle (Damas, Bagdad, l’Iran, avaient continué l’art des images). C’est une tricherie quant à l’époque, puisque l’histoire se passe au Moyen-Age.

Sur les décors :

Michel Ocelot : Je les voulais en 2D, car je n'aime pas les caméras en 3D qui bougent trop. J'aime qu'on voie que ce n'est pas réel. Pour ma documentation, j'utilise beaucoup de livres, j'ai un vrai plaisir à me plonger dans des livres d'images, mais Internet aussi est une source précieuse. Je suis volontairement allé dans les trois pays du Maghreb avant de mettre au point l’histoire, avec un appareil photo ! Et j’ai en effet trouvé des idées sur place. Je me sers aussi des grandes mosquées d’Istanbul pour le final. Leur architecture d’ailleurs est inspirée de Sainte-Sophie, lieu de culte chrétien, tout se tient, et cela va avec le message du film. On reconnaîtra aussi des monuments de l’Andalousie, des pays du Maghreb, des éléments de toute la côte sud et est de la Méditerranée. Je tenais à ce que l’on se rende compte que les décors étaient faits à partir d’éléments réels. Je voulais dire aux gens : «Ces endroits merveilleux existent : allez les voir !». Voilà pour l’Orient.
Je me suis servi d’autre part de grandes sources européennes graphiques : ceux qu’on appelle absurdement «primitifs» flamands. Il n’y a pas moins primitif que ces hyper-civilisés à l’habi­leté diabolique. Van Eyck (l’Agneau Mystique) figurait à côté des miniaturistes séfévides, Jean Fouquet et les Frères de Limbourg (les Très Riches Heures du Duc de Berry) également. Changeant totalement d’époque, j’ai également emprunté des procédés graphiques aux affichistes de l’entre deux guerres, que j’apprécie beaucoup.
Les plantes sont stylisées mais exactes, et d'avant 1492, en éliminant les plantes importées depuis comme les figuiers de Barbarie, pourtant magnifiques.
Eric Serre :
Les décors sont d’abord dessinés au trait sur du papier, puis scannés, peints et finalisés sur Photoshop. Nous avons réalisé aussi des accessoires 3D pour figurer les objets que les personnages touchent et prennent en main : des verres, des aliments, des armes. Mais nous leur avons donné un aspect identique à celui des décors 2D peints. C’était très important qu’il n’y ait aucune rupture dans l’environnement visuel du film.

Anne-Lise Lourdelet-Koehler :
Chaque décor est un cas particulier. Il m’est arrivé de finaliser des décors qui avaient été esquissés par d’autres dessinateurs, ou de n’en faire que l’ébauche. Certains ont été remaniés plusieurs fois et par plusieurs personnes, chaque étape apportant des améliorations utiles. J’ai réalisé ce que l’on appelle des «pochades» pour les décors principaux ou pour les plus complexes. Il s’agit d’une mise en couleurs rapide des décors et des personnages. Cette première étape permet de définir les ambiances et d’évaluer les difficultés qui attendent le décorateur couleur. Le décor doit servir le récit et le propos du film, comme un acteur. Il doit être juste, ne pas «en faire trop», ni trop peu ! La couleur et les détails de l’image définissent l’ambiance, le moment où se déroule l’action, l’espace réel ou magique dans lequel elle se situe. Nous nous sommes toujours inspirés d’architectures existantes, que nous avons retravaillées. La structure du jardin de Jénane, par exemple, évoque celle des jardins et de la cour de l’Alhambra. Mais la forme des arches et la couleur du toit ne sont pas les mêmes.
J’ai d’abord peint la maison de la nourrice et l’intérieur du manoir d’Azur en France, pour définir l’image de la partie française. J’ai également mis en place le décor de la palmeraie au Maghreb puis j’ai esquissé les principales ambiances colorées du film. Pendant la phase de mise en couleur des décors, j’ai réparti le travail entre nous en tenant compte des désirs et des talents spécifiques de chacun.

Sur le layout :

Eric Serre :
En 3D, le processus de réalisation d’un layout est le même que celui d’un dessin animé. L’ animation est préparée sous la forme de quelques poses-clé des personnages, dessinées sur feuilles perforées. On définit aussi la mise en scène, le cadrage du plan et sa durée. Les décors sont dessinés eux aussi sur feuilles perforées. Nous décomposons le décor en plusieurs couches, pour pouvoir simuler des effets de multiplane (plusieurs « profondeurs » d’éléments de décor), de lumière, de déplacement de personnages. Ensuite, la mise en couleur des décors est exécutée sur palette graphique. L ‘animation 3D se cale sur cette mise en place.
Au final, on réunit le décor final et l’ animation pour vérifier que tout fonctionne. Ce travail a été répété sur chaque plan du film. Pour vous donner un exemple précis, imaginons un travelling latéral dans lequel on voit des palmiers au premier plan, des personnages au second plan, et d’autres palmiers à l’arrière-plan, sur plusieurs niveaux. On trouve la description précise de l’action du plan dans la petite esquisse du storyboard de Michel. On sait comme cela que le personnage marche et que la camera le suit en travelling latéral. Ensuite, j’isole les différents niveaux sur différentes feuilles perforées. Elles sont faites d’un papier blanc très fin. On peut superposer plusieurs feuilles sur une table lumineuse pour voir tous les dessins en transparence. Donc, pour revenir aux éléments du premier plan, chaque élément qui va se déplacer indépendamment des autres pendant le travelling est dessiné sur une feuille séparée. Disons par exemple un niveau de troncs de palmiers, puis un niveau de feuillages, puis d’autres troncs. Ensuite, il y aura une feuille vierge qui représentera le niveau sur lequel les personnages vont se déplacer, puis les différentes feuilles qui correspondent aux arbres de l’arrière-plan.
Tous les plans ont été prévus sous forme de dessins, avec des mises en place des décors, des arbres et des architectures qui tenaient compte des positions des personnages. Nous savions en quel nombre de niveaux différents le décor était conçu, les couleurs, les motifs, etc... On voit très vite à quels endroits il vaut mieux « faire simple » et ne prévoir qu’un mur de torchis et une ombre, par exemple. A l’inverse, les personnages en aplat se détachent très facilement sur un fond très travaillé. Les peintres des miniatures persanes procédaient ainsi.
De manière générale, la règle esthétique a été de placer une silhouette claire sur un fond foncé. Nous avons essayé d’éviter les perspectives «véristes», proches de la prise de vue réelle, ce qui fait que nous n’utilisons presque jamais de plongées ou de contre-plongées. Ce parti-pris découle de l’écriture de Michel, et de la volonté de servir le récit. Aucun effet n’est jamais gratuit ! L’espace des décors s’appuie sur des lignes fortes de structures verticales et horizontales. Généralement, nous commençons d’abord par créer le grand décor principal de la scène, puis nous recadrons dedans en précisant les détails utiles à la narration.

Sur l'animation :

Jacques Bled :
L’animation était divisée en quatre équipes, qui avaient un certain nombre de plans d’animation à fabriquer, et qui étaient placées sous la responsabilité d’un animateur superviseur. L'animation de personnages a été faite traditionnellement, sur nos outils propriétaires, avec poses-clés, etc., sans capture de mouvements, pour respecter l'univers de Michel Ocelot. L'animation 2D intervient pour étoffes et vêtements qui sont en 2D alors que le personnage est en 3D. Ces derniers bougent aussi sur un plancher virtuel, par exemple devant une table peinte 2D : c'est le grand challenge du film d'assembler les deux dans une caméra 3D... Pour les effets tels que poussière, apparitons et disparitions, etc. nous avons classiquement utilisé des effets de particules.

Michel Ocelot :
Les animateurs travaillent sur la voix de l'acteur, mais sans le voir. Le film est bilingue français-arabe, et je n'utilise pas de vedettes : ce sont des béquilles pathétiques pour faire venir les gens, ce n'est pas mon style...

Eric Serre :
L’animation définie par Michel Ocelot est stylisée, différente des standards 3D habituels. Chaque plan nécessite plusieurs retouches pour arriver à l’ émotion juste. L’ animation des vêtements représente une étape délicate et difficile, car les plis et le poids du tissu sont très difficile à rendre avec un squelette 3D. Bizarrement, ce ne sont pas les scènes d’action qui sont les plus dures à réaliser, parce que les changements de plans très rapides ne laissent que peu de temps pour analyser la composition de l’image. Ce sont surtout les scènes de dialogues, de sentiments humains réalistes qui sont délicates à concevoir. Je pense notamment à la scène de la mère qui accueille Azur dans le jardin de son palais. Là, comme on n’est plus en dessin animé, il arrive que dans l’animation d’un personnage, une bouche ne soit pas aussi jolie qu’elle devrait l’être. C’est à ce moment-là qu’il faut intervenir et corriger. Dans cette scène-là, nous avions en moyenne trois à quatre corrections d’expressions de personnages à réaliser par plan. Il fallait veiller aussi à ce que les positions des mains soient jolies.

Et en conclusion :

Michel Ocelot :
L’animation «française» est la troisième du monde en quantité, mais elle se fait ailleurs qu’en France, parce que c’est meilleur marché. Mais si on compte vraiment tout, tout, la différence est-elle si importante que cela ? Que de dépenses annexes, que de retournages, que d’énergie gaspillée aux quatre coins du monde ! Et que c’est bête d’avoir tant de talents, jeunes et vieux, dans le pays, et de ne pas les faire travailler ! Et financièrement, n’est-il pas plus avantageux d’avoir un produit de qualité à vendre ? Car j’ai atteint avec Azur et Asmar une qualité formelle que je pouvais pas obtenir autrement. Nous y sommes arrivés : j’ai fait TOUT le film dans la ville où je vis. TOUS les artisans de l’oeuvre étaient ensemble, se comprenaient, s’entendaient et se donnaient à cette création, du début à la fin. Le film a été livré à la date prévue, dans l’harmonie. J'espère qu'on le sent-on à l’écran...