Drôle de grenier!

L'animation tchèque est de retour, avec un film d'animation en volume comme il se doit, dans un univers peuplé de jouets et objets des années 50. Une réussite.

La Tchéquie est une des terres traditionnelles de l'animation. Le théatre de marionettes qui occupait à la fin du XIXème siècle une place priviliégiée dans la culture nationale est bien sûr à l'origine de cet engouement pour le cinéma d'animation, avec des précurseurs tels que Jiri Trnka (1912-1969) ou Hermina Tyrlova (1900-1993). Avant d'être l'un des premiers à réaliser des films d'animation avec des personnages en volume, Jiri Trnka a d'ailleurs commencé sa carrière en concevant des décors et des personnages de théatres de marionnettes.
Plus tard, des artistes comme Karel Zeman, Bretislav Pojar ou Jan Svankmaier perpétuent la tradition de l'animation tchèque en la renouvelant grâce à la diversité de leurs styles. Une génération marquée par le printemps de Prague et qui combat la censure et les difficultés financières pour produire des films.Après la chute du régime en 1989, les difficultés économiques contraignent les animateurs tchèques à l'exil ou à la sous-traitance. Malgré ces obstacles, des réalisateurs continuent  tels Michaela Pvlatova, Pavel Koutsky et Jiri Barta. Ce dernier, après 20 ans (!) d'efforts, a réussi à fédérer des soutiens à la fois tchèques et slovaques pour réaliser ce Drôle de grenier! (en tchèque : Na pude!).

Synopsis : des jouets tout droits sortis d'une valise oubliée dans un  grenier partent secourir leur amie Madeleine. Cette adorable poupée a été capturée par La Tête, chef des forces du mal, qui veut la garder en son pouvoir.

Toute l'action se passe dans un grenier, monde clos qui devient un univers à lui seul, peuplé de jouets et objets des années cinquante. Un fer à repasser devient un radiateur, les pions d'un échiquier (appelés « la famille Kasparov »!)les passagers d'un train, un aspirateur un avion qui emporte les jouets au secours de la belle Madeleine enlevée. Et les flots (car il y a des inondations dans ce grenier) sont représentés par des voilages qui se plient et s'insinuent partout : un petit chef d'oeuvre d'animation à soi tout seul... « Nous avons voulu faire de ce grenier le royaume de notre imagination, un pays imaginaire où les jouets laissés pour compte deviennent des héros. » selon les mots de Jiri Barta. Un parti pris qui rappelle celui de Toy Story, mais qui débouche sur un film très différent, plus poétique et au design plus affirmé et plus chaud grâce à la magie des marionnettes. La conception du film a débuté en 2004, et les prises de vues ont duré plus d'un an de juin 2007 à septembre 2008. En tout 1175 plans, dont 498 retouchés numériquement ensuite pour les effets spéciaux et pour effacer les accessoires de tournage (câbles, etc.)

L'histoire est classique et satisfera les enfants, premier public auquel ce film est destiné. Mais ce sont les plus grands qui devraient être les plus sensibles à la nostalgie qui émane de ce  film. Un délire poétique, tout en douceur, comme on n'a plus beaucoup l'habitude d'en voir.

Paul Schmitt, décembre 2009