Faire cohabiter 3 DS Max, Maya et Motion Builder
Le français Marc Petit n'est pas forcément une star, même au Siggraph, mais il est probablement le meilleur expert au monde en logiciels 3D. Il a été successivement responsable du développement du logiciel Sotimage 3D, puis de Softimages XSI avant de prendre les mêmes responsabilités pour 3 DS Max auquel se rajoutent maintenant Maya et Motion Builder. Pour la première fois depuis que ce rachat est effectif, Marc nous livre sa vision sur le futur de ces produits.
Ingénieur télécom non pratiquant, Marc Petit est tombé rapidement dans la 3D. Tout d’abord en production chez le studio 3D ExMachina où il a eu la chance de travailler sur des projets phare de l’époque comme « Paris 1789 » puis passage chez TDI au sein de la R&D pour quelques années. Premier contact avec le Québec en 1991 quand Daniel Langlois le recrute pour aider l’implantation de Softimage 3D en Europe. Suite à l’acquisition par Microsoft, Marc prend la tète du département R&D de Softimage à Montréal en 1996 et mène a bien la migration de Softimage 3D de SGI vers Windows NT, ainsi que la conception et la livraison de Softimage XSI. Entre temps, Avid a racheté Softimage et en 2000, Marc décide qu'il veut aussi vivre l’expérience start-up Internet et contribue au développement d’une société de marketing interactif en ligne de produits pharmaceutiques à Montréal. Mais les sirènes de l’industrie sont plus fortes que l’espoir déçu de devenir millionnaire et en 2002, Marc rejoint Discreet où il prend en charge d’abord la division systèmes, ce qui mène à l’ouverture de l’architecture de flame, le portage sur Linux, l’entrée sur le segment de l’étalonnage numérique via Lustre et le repositionnement de toxik sur le marché du film. Ensuite en 2003, Autodesk lui confie également 3DS Max qu’il s’empresse de relocaliser à Montréal pour amener du sang neuf à l’équipe. Il lui devient alors clair que le succès passe par une meilleur intégration de Discreet dans Autodesk pour mieux exploiter les synergies sur le segment de la visualisation industrielle et accéder au trésor de guerre corporatif pour mener à bien l’acquisition d’Alias en octobre 2005. Ceci amène les deux chaînons manquants, Maya et Motionbuilder, à une gamme complète et le tient occupé depuis lors. Marc fait le point avec nous sur ce chantier qui, comme il l'explique plus bas, a toutes les chances de le tenir occupé quelques années encore
Pixelcreation : Comment Autodesk voit le positionnement de ses produits (Max, Maya et Motion Builder) entre eux et face à la concurrence sur le marché de la 3D?
Marc Petit : Nous avons une optique un peu différente, nous ne regardons pas le marché de la 3D en soi mais plutôt les différents segments du marché où nous sommes présents, le design conceptuel, la visualisation industrielle, la pub, la TV (séries animées ou pas, docufiction), le jeu et le film. Sur chacun de ces segments, la chaîne de fabrication est différente ainsi que les problèmes à résoudre. Nos produits 2D et 3D sont présents à des degrés divers sur chacun de ces segments et y rencontrent une concurrence intense, iy compris les nombreux développements internes de nos clients. Chacun de nos produits 3D a sa personnalité et des forces différentes et tous nos clients vont pouvoir maintenant bénéficier de plus d’interopérabilité entre eux et cela va leur permettre d’intégrer plus facilement un nouveau produit dans une chaîne existante.
Pixelcreation : Comment résoudre la contradiction actuelle de 2 positionnements prix différents : le haut de gamme Maya a une version Complete bien moins chère (2000 €) que le produit de "milieu de gamme " Max (4250 €)?
Marc Petit : Je ne suis pas sûr que cette distinction haut de gamme/milieu de gamme soit appropriée, Alias et Autodesk opéraient sur des modèles différents, il ne faut pas se concentrer uniquement sur le coût initial de la licence, si on regarde le coût de possession des produits sur deux ou trois ans incluant le support et les mises a jour, on s’aperçoit que l’analyse conduit à des résultats différents. Pour l’instant, les offres sont en adéquation avec les besoins de nos clients, les deux lignes de produits montrent des taux de croissance élevés et remarquablement similaires.
Pixelcreation : Evolution de la gamme : on garde tous les produits séparés (Motion Builder inclus) ou certains ont vocation à être intégrés à d'autres (Motion Builder à Maya)? On en supprime (Maya Complete)? On en fait converger à terme (Maya et Max)? On harmonise les interfaces ou les modules de gestion d'actifs (façon Bridge d'Adobe) entre les produits?
Marc Petit : Le principe qui nous guide dans ces décisions est avant tout de respecter les besoins et les investissements de nos clients. Ces investissements sont importants et de plusieurs nature, que ce soit la formation des usagers, les données elles-mêmes ou bien les outils de productions (mel, maxscript, plug-ins). Nous commençons par nous concentrer sur les échanges de données, avec un haut degré de fidélité mais un faible niveau d’abstraction (beaucoup de données pre-calculées, géométrie, matériaux, animation) car c’est ce qui est le plus utile en production pour des environnements hybrides 3DS Max/ Maya/ MotionBuilder. L’étape suivant sera d’échanger des métadonnées de plus haut niveau d’abstraction mais cela requiert d’aligner les algorithmes (les « solvers » comme disent les Chinois) à travers les produits, on peut ainsi imaginer petit à petit que les algorithmes de cinématique inverse, de dynamique ou même les bipèdes vont devenir similaires, permettant d’échanger seulement les paramètres et d’avoir de meilleurs échanges bidirectionnels entre les produits. Finalement, il est probablement possible de diminuer l’effort et le coût d’apprentissage pour passer d’un produit à l’autre en alignant certain concepts de l’interface usager sur des standards communs sans pour autant trahir leur personnalité respective. Tout cela représente déjà plusieurs années de travail et en plus nos clients ne comprendraient pas que cela se fasse aux dépends de l’évolution des fonctionnalités de leur produit préféré…
Pixelcreation : Comment Autodesk compte-t-il répartir ses efforts de développement entre les différents produits? Maya adopte-t-il le rythme de mise à jour de Max (nouvelle version tous les 16 mois ?)
Marc Petit : Il n’y a pas d’impératif fort pour changer le rythme de release des produits, nous allons livrer l’interopérabilité via des plug-ins FBX, nous prévoyons de les mettre à jour à un rythme très élevé. Il est certain que la grand-messe estivale de l’industrie 3D (ndlr : le Siggraph, qui se tient cette année à Boston fin juillet) verra encore cette année son lot d’annonces.
Pixelcreation : Quelles directions pour le développement de ces softs : features, etc. Des technologies de l'un à faire passer dans l'autre? Avec quel timing?
Marc Petit : Je considère que MotionBuilder est un produit très innovateur et il pourrait le devenir encore plus. Les structures de Motionbuilder, en particulier la timeline, nous permettent d’exprimer une histoire entière d’une façon très flexible et entièrement 3D avec un excellent support audio & vidéo et cela peut s’avérer un outil de conception très puissant pour toutes sortes de contenus TV, pub, film, séries et même jeux …