Les Contes de la Nuit
Michel Ocelot revient avec des Contes au graphisme toujours aussi éclatant.
Michel Ocelot n'est pas seulement un conteur d'histoires et un illustrateur hors pair, c'est aussi un réalisateur qui aime innover. Après Azur et Asmar où les personnages étaient en 3D dans des décors 2D, le voilà qui revient à l'animation 2D avec ces Contes de la Nuit, mais en animant des personnages en ombre chinoise devant ses décors chatoyants, le tout rendu en relief stéréoscopique par les soins du studio Mac Guff Ligne! Le procédé a l'intérêt de donner une identité graphique forte à un film découpé en six histoires courtes se déroulant aux quatre coins du monde. Laissons Michel Ocelot nous détailler ses intentions et son travail:
Six « Contes de la Nuit » très variés
« J’aime le monde des histoires et j’en ai beaucoup à raconter. Toutes les filiations m’intéressent, tous les paysages, tous les arts, et bien sûr toutes les époques. J’aime l’Histoire. Le conte est mon langage. Je commence toujours par l’intérieur – le sentiment, même si je suis parfois d’abord inspiré par l’extérieur – la beauté graphique. L’histoire doit m’accrocher.
L’amitié, l’amour et la mort sont des thèmes fondamentaux. La mort est très rarement représentée dans les dessins animés – à la rigueur,de loin pour les méchants, mais pas pour les gentils. Dans une des histoires, Le garçon qui ne mentait jamais, amener la mort était intéressant. L’ami se sacrifie pour lui. La notion de sacrifice est intéressante aussi, mais ici le sacrifice est excessif ! »
Le relief stéréoscopique
« Utiliser la mise en relief, c’était essayer un nouveau jouet. Paradoxalement, cette technique dernier cri me renvoie à l’image telle que je la faisais lorsque je n’avais pas d’argent. J’ai toujours fait des petites choses en relief, des découpages,des collages. Cette avancée technologique m’a permis de retrouver un certain enchantement de mes débuts qui avait disparu. Cet enchantement tenait aux papiers découpés. Quand je tournais ces modestes films, penché sous la caméra, une fois que j’avais éteint la lampe du dessus et allumé la lumière par dessous du contre-jour, je tombais tout simplement dans le conte de fées. Les petits pantins étaient indépendants du décor, et le décor était en plusieurs niveaux pour la commodité de la manipulation. Cela avait un charme extraordinaire.
Et j’observe que ce charme opère de nouveau avec cette nouvelle version en cinéma stéréoscopique, Tant que ce côté magique subsiste, il est intéressant d’utiliser cette technique. »
Le choix des ombres chinoises pour les personnages
« Il est vrai que raconter une histoire en silhouettes noires, est quelquefois un défi. On n’a pas l’aide de la couleur, de la délimitation de tel membre qui se trouve perdu dans le noir, on a un espace très limité, même avec le relief. C’est une sorte d’ascèse.
Il y a quelque chose de l’art égyptien dans cette technique. En simplifiant à l’extrême, en ne retenant que la courbe la plus pure, les Égyptiens ont saisi la beauté maximum. Le torse est plus beau et lisible de face, les jambes, les fesses et la tête, de profil. C’est dans cet esprit que j’aime la silhouette noire. Quoi qu’on fasse, c’est un signe très fort qui produit une impression extrême sur la rétine. Le rien et le clair. »
Et comme d'habitude, Michel Ocelot a fabriqué son film entièrement en France, avec son équipe d'animation propre, plus l'aide de ses complices habituels de Mac Guff pour les effets visuels et la mise en relief. Au total, Les Contes de la Nuit enchanteront les petits et se regardent avec plaisir, même s'ils n'ont pas le niveau d'un Kirikou. Et justement, Michel Ocelot s'est déjà remis au travail sur le prochain Kirikou qui devrait sortir en 2012...
Paul Schmitt, juillet 2011