François Alaux, Hervé de Crécy et Ludovic Houplain réalisent un petit bijou d'animation

Imaginé et réalisé par Ludovic Houplain (H5), François Alaux et Hervé de Crécy, fabriqué par les équipes de Mikros Image, "Logorama" (voir le trailer en bas de page) a remporté le 7 mars 2010 l'Oscar du meilleur court-métrage d'animation. Les réalisateurs nous expliquent et nous montrent tout de ce petit bijou, "film de mecs" un poil subversif.

Logorama, c'est un court-métrage d'animation en 3D qui narre les aventures policières et assez violentes d'un clown maléfique, de Bibendum-policiers, de sales gosses, d'un zoo et d'un dinner typiquement US tout en... logos. Rien que des logos qui tous ensemble créent un monde, une vie. Notre vie ?
Pertinent, beau, efficace, le Logorama de François Alaux, Hervé de Crécy et Ludovic Houplain a naturellement remporté l'Oscar du meilleur court-métrage d'animation le 7 mars 2010 ! 

H5, Ludovic Houplain, Hervé de Crécy, François Alaux

Au commencement était le collectif H5. Une structure composée de graphistes, de réalisateurs qui exercent leurs talents dans la publicité ou pour des clips musicaux. Et dont le premier fait d'armes massivement relayé dans la presse en 1999 fut le clip de The Child d'Alex Gopher, qui dévoile un New York tout en typographie. Un petit film conçu par Ludovic Houplain et Antoine Bardou-Jacquet.

Au commencement étaient également Ludovic Houplain, co-fondateur de H5, Hervé de Crécy (arrivé en 1999) et François Alaux (qui a rejoint l'équipe en 2003) - ces deux derniers ayant quitté le collectif H5 en septembre dernier. Trois créatifs, graphistes, réalisateurs qui depuis des années travaillent pour et avec des marques, leurs contraintes, leurs envies, leurs besoins, leurs limitations.

Tous ces logos...

Au commencent était donc Logorama : film animé de 15 minutes dont la gestation a commencé en 2004 pour s'achever un peu plus de 4 ans après avec au compteur pas moins de 2500 logos utilisés, mis en volume, sans qu'aucune de leurs marques propriétaires n'ait été consultée. Un pied de nez gentiment politique à ce monde de consommation-reine, le célèbre No Logo de Naomi Klein venant forcément à l'esprit.

Un clip pour George Harrison

Mais ce n'est pas au Canada qu'a germé l'idée de Logorama. C'est à l'occasion d'un projet de clip pour l'ancien Beatles Sir George Harrison. "L'idée, c'était de mettre en scène une forêt de logos qui serait balayée à la fin par un tsunami", explique Hervé de Crécy. "La nature aurait alors repris ses droits sur la société de consommation", complète Ludovic Houplain. Hélas, la maison de disque craint à l'époque que l'utilisation de vrais logos soit ingérable juridiquement. Et puis George Harrison décède. Fin du projet. Mais l'idée reste dans les têtes du duo Houplain/Crécy, rejoint ensuite par François Alaux. Et quand l'envie d'un pied de nez à toutes ces contraintes avec lesquelles les créatifs doivent jongler refait surface, Logorama prend doucement vie.

Choisir les bons logos

Logorama, c'est un petit bijou graphique, animé en 3D et avec brio par les équipes de Mikros Image et travaillé avec passion par Ludovic Houplain, François Alaux et Hervé de Crécy (assistés de Quentin Brachet) pendant des années. Des années à chercher les bons logos, à la fois américains et français, internationaux. "Les plus importants sont des logos très connus. Mais nous avons aussi cherché des logos locaux pour initier un jeu entre ceux connus et ceux inconnus", explique François Alaux. "Il y avait aussi une question esthétique même si nous avons retenu certains logos pas terribles mais efficaces, comme celui de la XBox de Microsoft", complète Hervé de Crécy.

Chaque plan a été dessiné

"Il a fallu dessiner les logos sous tous leurs angles tout en restant dans l'esprit des marques", explique de son côté Ludovic Houplain.
"Mettre plein de logos ce n'est pas simple visuellement. Cela implique des choix graphiques", ajoute Hervé de Crécy. "Il fallait que l'esprit reste 2D. Donc, l'objectif était de créer de la 3D avec un rendu 2D. C'est plus compliqué que la 3D classique avec un logiciel qui calcule tout seul où placer les ombres et tout... Là chaque plan est dessiné."

Los Angeles : ville supermarché !

Le résultat c'est un Los Angeles tout en logos et plus vrai que nature, "un supermarché géant", précise Ludovic Houplain. Un supermarché pas si loin de la vérité de cette cité immense, parfaitement rectiligne et complètement phagocytée par les marques et leurs enseignes. "C'est flagrant quand on décolle de LAX (l'aéroport de Los Angeles - NDLR)", ajoute le réalisateur.

Pour la beauté de l'art

Evidemment, si les réalisateurs ont utilisé sans autorisation tous ces logos, ils ne comptent pas gagner de l'argent avec leur film, "si on fait de l'argent, les marques se retourneront contre nous", explique Ludovic Houplain. L'objectif, c'est simplement de rentrer dans leurs frais. Nicolas Schmerkin, leur producteur (Autour de Minuit) qui est allé chercher (et trouver !) des aides (CNC, Arcadi...), Mikros Image, Addict (leur société de production) et Canal + (qui a payé le son) sont sur la même ligne.

Les marques ne sont pas fâchées

Quant à savoir leurs réactions, Ludovic Houplain a une petite idée sur la question : "Il paraît que le patron de McDonald's France a vu le film et que ça l'a fait sourire. Par ailleurs, l'un de mes clients, une maison de haute couture parisienne, m'a demandé pourquoi je n'avais pas intégré son logo dans le film..."
Détail amusant, d'ailleurs, Logorama remporte des tas de prix dans des festivals. Des prix parrainés par des marques : Audi, Fnac et Kodak...

Léonor de Bailliencourt - 02/2010
(article édité le 8 mars 2010)