Origine-Esprits du passé
Gin-Iro no kami no Agito
Ce premier long métrage du réputé studio japonais Gonzo (sortie en salles ce 28 juin 2006), écrit par le même auteur que « Nausicäa », s'inscrit dans cette lignée de contes dystopiques où l'Homme tente de survivre dans une terre ravagée par son inconscience. Entretien avec son réalisateur Keiichi Sugiyama.
Jugez par vous-mêmes de l'histoire: dans 300 ans, à la suite de nombreuses guerres et d'une manipulation génétique, la forêt a pris le pouvoir et maintient les humains survivants sous sa domination. Et ces derniers sont partagés en deux camps : les habitants de la Cité Neutre cherchent à cohabiter, tandis que ceux de la ville industrieuse et militariste de Ragna veulent leur revanche. L'arrivée de deux survivants du passé, Toola et Shunack, arrachés à leur hibernation, leur fournira cette occasion. Heureusement, Agito, garçon de la Cité Neutre et amoureux de la fragile Toola, saura utiliser les pouvoirs de la forêt pour déjouer les plans du haineux Shunack.
On retrouve ici une vision pessimiste de notre avenir qui n'est pas sans rappeler « Nausicäa » (rien d'étonnant à cela : Umanosuke Iida est l'auteur des deux histoires ainsi que de « Le château dans le ciel ») , « Appleseed » ou même « Final Fantasy: the spirits within ». Une humanité qui a forgé son propre malheur doit décider si elle veut recréer le passé ou s'inventer un nouvel avenir. Mais le cadre est ici écolo plutôt que « méca », ce qui nous vaut un des principaux attraits du film : des décors fouillés, somptueux, à base de paysages ou de ruines grandioses, avec des précipices vertigineux. Le côté mécanique n'est pas absent non plus : les machines de la ville de Ragna sont d'un rétrofuturisme superbe (le train double nous a en particulier fait penser à celui de « Syberia » de Benoît Sokal). Et on voit aussi Istok, l'arme de la revanche, une montagne qui marche très reminiscente du « Château dans le ciel » (du même auteur : Umanosuke Iida) ou encore du « Château ambulant » (conceptuellement, pas graphiquement). Le tout réalisé avec un mix de 2D (prédominante) et de 3D (engins et effets spéciaux). Nous avons profité du passage au festival d'Annecy 2006 (où « Origine » concourait en sélection long métrage) du réalisateur Keiichi Sugiyama pour nous entretenir avec lui.
Pixelcreation : Quels ont été pour vous les principaux défis artistiques et techniques sur ce film?
Keiichi Sugiyama: C'est mon premier long métrage en tant que réalisateur, les défis ont donc été nombreux... L'idée originale, qui n'est pas de moi, repose sur cette histoire d'amour entre un garçon et une fille. Lorsque je suis arrivé sur ce projet, cet aspect avait presque disparu et j'ai dû revenir au point de départ. J'ai beaucoup travaillé les images, en les contrastant au maximum, en y mettant les couleurs les plus vives possibles. Les décors aussi ont demandé beaucoup de travail. Et j'ai voulu utiliser le plus efficacement possible la musique pour exprimer les sentiments des personnages. Comme le storyboard a été dessiné à la main et numérisé après, j'ai inséré dans chaque plan la musique que je voulais, en choisissant chaque morceau. La musique transmet ce que je veux exprimer, j'espère que les spectateurs iront voir ce film dans des salles bien équipées pour le son comme pour l'image.
Pixelcreation : Comment avez-vous fabriqué ce film?
Keiichi Sugiyama: Trois studios japonais ont fait leurs première armes en long métrage avec ce projet: Gonzo, Media Factory et Shochiku. Il a fallu mettre en place outils et méthodes, ce qui explique aussi que cela ait pris tant de temps. Au cumul, plus de 1000 personnes sont intervenues sur ce film. Ici, les dessins originaux ont été faits à la main et scannés ensuite. Pour la 3D, nous avons utilisé selon les plans les logiciels Houdini, 3 DS Max, Lightwave et un peu Maya. En 2D, nous avons essayé plusieurs logiciels dont Toonz, mais j'ai préféré un logiciel japonais parce qu'il était bien connu des sous-traitants et parce qu'il offrait comme caractéristique d'effacer vite et bien les contours trop sombres des ombres sur les visages, pour les adoucir.
Pixelcreation : Votre histoire a un air de famille avec « Appleseed » par exemple. C'est volontaire?
Keiichi Sugiyama : Je ne suis pas conscient des similitudes avec d'autres films. Mais il faut dire que le Japon connait la paix depuis longtemps, et les artistes ne contestent plus rien. Nous avons même l'expression « idiot de la paix »... C'est pourquoi nous avons tendance à vouloir tout détruire pour reconstruire de zéro dans nos histoires. Et le côté vertical du film va avec les personnages: ceux -ci descendent d'abord moralement et physiquement et remontent quand ils sont des êtres meilleurs.
Pixelcreation : Sur quels projets travaillez-vous depuis la complétion d' »Origin »
Keiichi Sugiyama : Après 3 ans passés sur ce film, j'ai plutôt besoin de repos... Bon, j'ai quand même travaillé sur des séries TV, réalisé un clip en prise de vues réelles plus deux autres en chantier. J'aime le cinéma « live » aussi, et je voudrais continuer à travailler les deux : « live » et animation. J'ai aussi mes propres projets, mais cela sera une autre histoire..
Paul Schmitt- 06/2006
Sortie en salles : 28 juin 2006
Durée : 94 minutes
Réalisateur: Keiichi Sugiyama Production : Gonzo