Paperman de Disney
Poétique, artistique, et révolutionnaire techniquement : ce court de Disney a tout pour plaire.
Pixar utilise depuis des années le court d’animation comme école créative et comme banc d’essai de ses futurs réalisateurs. Exemple : L’Homme orchestre/One man band (cliquez sur le nom pour voir l'article), réalisé en 2006 par Mark Andrews et Andy Jimenez, a conduit le premier à la réalisation de Rebelle/ Brave (sortie en salles le 1er août 2012). Disney Animation Pictures, entretemps devenue maison-mère de Pixar, a repris cette tradition en offrant à John Kahrs, directeur de l’animation sur Raiponce/Tangled, de réaliser Paperman, un court mêlant dessin 2D et animation 3D.
De passage à Paris après le festival d’Annecy, John Kahrs a présenté son film et un making-of complet au Forum des Images à l’initiative de l’ACM Siggraph France.
L’idée du film remonte à ses débuts d’animateur à New York. Que se passe-t-il si un couple est destiné l’un à l’autre ? Le destin intervient-il ? Puis travailler au côté de Glen Keane, lui-même directeur senior de l’animation sur Raiponce l’a inspiré. Glen Keane n’hésitait pas à dessiner sur les modèles 3d pour mieux montrer formes et mouvements aux animateurs. John Kahrs a décidé de revenir aux sources, à l’ADN de Disney : le dessin. Mettre le dessin au-dessus de la 3D, combiner le meilleur de la 2D et de la 3D : « un champ 2D de pixels bougeant sur les modèles 3D »
John Kahrs a alors réalisé un test en utilisant Meander, un outil de dessin vectoriel développé par Jackman. John Lasseter, patron de Disney Animation, a donné son feu vert à Paperman après avoir vu ce close-up test, et Paperman a ensuite été produit en une année par une petite équipe.
Le DA Jeff Truly a développé des esquisses en préproduction avec le look désiré pour Paperman : un style non photoréaliste, avec des bords épais et un grain photographique, à l’opposé donc du look Raiponce. Le choix du noir et blanc et des années 50 pour l’action accentuent la dimension poétique. La couche de lumière en-dessous du dessin est volontairement « flat », sans placer de luminaires supplémentaires, en ajoutant des contrastes pour les décors.
L’outil Meander, qui fera l’objet d’un « technical paper » au Siggraph 2012, tracke les éléments 3D issus de la modélisation et réalise les « in-betweens », les dessins intermédiaires entre deux « dessins clés » qu’on n’a besoin de faire que toutes les 50 images environ. Un gain de temps qui évite de faire du rotoscoping « à l’ancienne », cad image par image, incompatible avec les exigences de productivité actuelles. Autre gain de temps : le « rig » des modèles 3D, cad l’échafaudage de points de contrôle permettant de les animer, est simple car de toute façon le mouvement résultant sera redessiné par-dessus. La chevelure en particulier est stylisée et animée en dessins en éliminant la chevelure 3D après tracking. L’héroïne de Paperman a ainsi des mouvements de chevelure dans le vent directement inspirés de Pocahontas. L’automatisation dans ce processus est toute relative, souligne John Kahrs, Meander peinant parfois à séparer divers éléments ou à les tracker… Une version 2 est en préparation par son créateur pour améliorer le process.
L’image finale dans Paperman est donc un composite de plusieurs couches : la couche issue de la 3D, une couche de lumière, une couche de dessin et une couche de couleur peinte par-dessus les dessins. Paperman a été réalisé en relief, ce qui a donc nécessité de convertir les lignes du dessin en stéréoscopie (la 3D étant elle en relief d’entrée de jeu).
Paperman a entamé sa carrière avec une avant-première au festival d’Annecy 2012, et va sans nul doute ramasser prix et récompenses dans diverses autres manifestations dans l’année qui vient. Il sera enfin visible publiquement fin 2012 en ouverture de Les Mondes de Ralph, le prochain film d’animation de Disney (sortie : 5 décembre 2012).
A ne pas manquer dès qu’il sera disponible, cette histoire de retrouvailles sur fonds d’amour naissant entre deux employés newyorkais est un petit chef d’oeuvre de poésie et d’animation. A quand un long métrage avec cette qualité de rendu ?
Paul Schmitt, juin 2012
NB : actuellement, Disney ne nous autorise encore que quelques images issues de la préproduction, mais on se fera un plaisir de vous en montrer plus dès que possible !