Toy Story 3

Superbe ! Le meilleur film d’animation de l’année 2010, et peut-être le meilleur des Toy  Story. Bon, la fin est très (trop ?) sentimentale, mais pour le reste c’est un déluge de gags et de rebondissements ! Plus de gags, plus de personnages, plus de (vastes) décors, le tout au service d’une histoire et d’un scénario bien pensés : tout est excellent dans Toy Story 3.

A première vue, ce film parle de grandir : Andy est devenu un jeune homme et part à l’université. Ses jouets délaissés sont donnés à une crèche où une vie autrement rude les attend. Mais si on s’identifie aux  jouets, Toy Story 3 parle de vieillir : que faire quand les enfants ont grandi sinon se retrouver dans une maison de retraite (la crèche) qui devient vite une prison…  « Puisque les jouets sont vivants, explique John Lasseter, ils deviennent eux aussi des adultes avec des problèmes d’adultes. Tout le monde peut s’identifier à ces personnages, le public est capable d’établir un lien entre ce que vivent les personnages et ce qu’eux vivent dans leur propre vie.»

L’angoisse de la séparation, de ne plus être aimé, est un thème récurrent qui unifie les Toy Story depuis le premier film en 1995. Woody et tous les jouets sont totalement dévoués à leur enfant et ne redoutent qu’une chose : être abandonnés par lui. Et les méchants dans ces Toy Story sont ces jouets qui n’ont pas (ou plus) ce lien avec un enfant et ne pensent qu’à leur intérêt propre. Pour ce Toy Story 3, le réalisateur Lee Unkirch s’est inscrit dans la continuité des films précédents « pour qu’ils ne fassent qu’une seule et même grande histoire ».  En utilisant quand même les progrès des techniques 3D, y compris le relief, pour donner un nouveau souffle à la narration et multiplier les scènes d’action.

Design du film
Pour rester fidèle à la saga, Toy Story 3 reste dans un « réalisme stylisé », avec un look presque plastique caractéristique de l’image de synthèse des années 90, et avec une animation un peu mécanique très loin du « squash and stretch » traditionnel de l’animation. Parfait pour les jouets, mais peu crédible pour les personnages animaux et humains, et c’était clairement le point faible des Toy Story 1 et 2. Lee Unkirch a voulu ce coup-ci différencier les humains des jouets en en améliorant look et animation.
Pour le reste, le style visuel reste volontairement proche des premiers films, « un dessin animé avec un style visuel un peu plus rond, plus plein », explique le chef décorateur Bob Pauley, créateur du personnage de Buzz dans le premier Toy Story. « Nous nous sommes concentrés sur les formes. Même si vous regardez de petites choses telles que les interrupteurs, ils sont un peu incurvés, un peu joufflus. Nous nous sommes efforcés de créer des formes qui soient agréables à l’oeil, en donnant plutôt l’impression qu’elles avaient été dessinées à la main. Les textures ne sont pas réelles, mais elles sont vraiment fidèles aux matériaux. Dès le départ, John Lasseter a insisté sur la nécessité de « l’exactitude des matériaux » dans la conception des jouets et des décors. »

Evidemment, Andy, l’enfant qui a maintenant 17ans, est le personnage qui évolue le plus dans ce film. John Lasseter lui-même a ressorti ses photos de famille pour aider l’équipe du film à faire d’Andy un adolescent. La chambre d’Andy, décor essentiel dans les deux premiers Toy Story, a également évolué. Bob Pauley, chef décorateur  : « Dans le premier opus, il y avait des nuages sur les murs. Dans le second, ils étaient recouverts d’étoiles. Mais dans Toy Story 3, des posters et autres éléments appartenant au monde des adultes recouvrent et éclipsent toutes ces étoiles. Il y a un panneau en liège avec des coupons pour Pizza Planet et des informations sur son camp au Western Cowboy Ranch. Nous avons essayé de définir sa personnalité à travers le désordre de sa chambre. »».
Pixar, qui possède son « pipeline » logiciel propriétaire  en sus du logiciel Maya, a utilisé à plein les progrès techniques pour ce film. Les environnements extérieurs sont démultipliés (crèche, incinérateur), avec des scènes de foules (la crèche avec enfants le jour ou jouets le soir). La mise en lumière est superbe, l’ombrage et les textures plus sophistiqués grâce aux progrès de Renderman, logiciel de rendu développé et commercialisé par Pixar depuis bientôt quinze ans. Le "subsurface scattering", la diffusion de lumière sous la peau, fait même son apparition chez Gros Bébé pour rendre son aspect celluloïd plus réaliste.

Style visuel et relief 3D
Entre progrès dans l’utilisation des caméras virtuelles et arrivée du relief, le langage filmique a aussi évolué. Les plans en caméra portée sont ainsi beaucoup plus nombreux que dans les précédents Toy Story. La profondeur de champ est gérée maintenant avec les caméras virtuelles, ce qui n'était pas le cas pour les deux premiers Toy Story. D'où une façon de filmer moins statique, plus semblable à celle des films live.
Les scènes d’action, nombreuses dans ce film, ont été conçues pour le relief 3D. Mais Toy Story est un monde vu du point de vue des jouets, où les objets du quotidien tels que les tables, les chaises et les voitures sont bien plus grands que dans la réalité. Bob Whitehill, superviseur de la stéréoscopie, a donc dû adapter la séparation de la caméra entre l’oeil gauche et l’oeil droit pour créer le relief : dans le monde des jouets, cette distance interaxiale est faible car basée sur la taille de Woody. La séparation des caméras a ainsi été réglée à 1 cm dans Toy Story 3 au lieu des 6 cm habituels comme dans le précédent  Là-haut par exemple

Les jouets et l’animation
Pour Toy Story 3, il a fallu respecter le design, l’aspect et le caractère des personnages  en les recréant avec les technologies actuelles. Les anciens personnages comme Woody, Buzz, etc. ont  bénéficié de nouveaux modèles. Mais comme les modèles actuels  sont plus sophistiqués que les modèles de l’époque, avec beaucoup plus de contrôles et de possibilités d’animation, les superviseurs d’animation ont dû veiller tout au long de la production à la cohérence  avec  les deux premiers Toy Story. « Une certaine simplicité chez les personnages jouait beaucoup dans le charme des deux premiers Toy Story », explique Bobby Podesta, superviseur d’animation. « Cela venait en partie de la manière dont les modèles étaient construits informatiquement et articulés, avec très peu de contrôleurs d’animation, et en partie du style de l’animation. Il a fallu faire beaucoup de recherches pour comprendre pourquoi les animateurs d’origine avaient fait telle ou telle chose, pourquoi les personnages se comportaient d’une certaine manière à l’époque. Nous avons mélangé ce travail d’autrefois avec cette technologie d’aujourd’hui. »

Pour les quatorze nouveaux jouets, l’équipe a eu plus de liberté pour définir à chacun sa personnalité et son langage corporel spécifique.
« Barbie et Ken ont des caractéristiques de poupée, ils ont des jambes articulées », explique Bobby Podesta, Superviseur d'animation.« Quand Barbie pleure, ses mains couvrent son visage dans cette posture maladroite qui pourrait paraître bizarre, mais qui correspond exactement à ce qu’une Barbie ferait. C’est la même chose quand Ken montre à Barbie sa maison de rêve et qu’il fait des gestes avec ses doigts qu’il ne peut pas écarter. »
Le personnage de l’ours Lotso, la première peluche ayant un rôle important dans un film Pixar, a représenté le défi majeur pour l’équipe technique et les animateurs. Pixar a fait fabriquer de véritables peluches pour Lotso à partir des dessins pour  étudier la manière dont le tissu se comprimait, les mouvements des plis et la façon dont l’ensemble du corps se tordait. Ils ont même fait des recherches sur la nature du matériau et  cherché comment ce jouet en particulier bougeait et se comportait. Les animateurs en charge de la modélisation et de l’articulation du personnage, ont dû comprendre où se trouveraient les rembourrages, comment ils réagiraient dans le mouvement pour que Lotso se comporte comme une peluche. Leur travail a consisté à créer un personnage qui devait en gros être dépourvu de structure interne ou d’os. Ils y sont parvenus en introduisant des plis dans la texture quand le personnage bougeait.

Soulignons enfin la créativité de Pixar pour le comique burlesque et les nombreux gags de ce Toy Story 3. Ken  faisant un défilé de mode pour Barbie vaut déjà la séance, mais Buzz mérite vraiment une mention spéciale : réinitialisé (« reset »), Buzz passe en version latino, en dansant le flamenco avec un charme macho auquel la cowgirl Jessie ne reste pas insensible… Le film d’animation de l’année, répétons-nous, à ne pas manquer !

Paul Schmitt, juillet 2010

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