DAU, l'Union Soviétique revisitée

DAU est un « projet unique, protéiforme et chimérique » (dixit son créateur le réalisateur russe Ilya Khrzanovsky)  qui fait le buzz en ce début 2019! Certains comme les journalistes du Monde semblent fascinés par l’entreprise, tandis que d’autres (les journalistes du Figaro entre autres) décrient une réalité ennuyeuse loin des prétentions affichées… et du prix à payer (75€ pour 24h pour le pass le plus courant).

De quoi s’agit-il? A partir d’un projet de long métrage sur le physicien soviétique Lev Landau (d’où le nom DAU) et son institut de recherches à Kharkov (maintenant en Ukraine), Ilya Khrzanovsky et son sponsor l’oligarque Sergeï Adoniev passent de 2009 à 2011 à une reconstitution sur place d’un institut de recherche au temps de Staline. Avec plusieurs centaines de participants volontaires qui auraient ainsi vécu une expérience hors du temps pendant 3 ans tout en étant filmés. En résultent 700 heures de pellicule et 13 longs métrages qui sont la matière première de ce « spectacle total  » qui est maintenant présenté en première mondiale à Paris jusqu’au 17 février 2019 aux théâtres de la Vile et du Châtelet.

Nous avons tenté l’expérience: le « visa » (oui, c’est le nom du ticket) validé place du Châtelet, on pénètre dans le Théâtre de la Ville en travaux, sombre comme une caverne. Fond musical un rien angoissant, décors et objets d’art soviétiques (courtesy des collections du Centre Pompidou) vous mettent en condition pour vous immerger dans un long métrage dans une cabine privée au sous-sol ou dans la grande salle du théâtre réduite à sa coque en béton. On croise ça et là des mannequins en cire très réalistes habillés comme en 1953. Entre deux vidéos le 1er étage propose  des rencontres privées avec des psychologues (ou un chamane) pour leur raconter vos émotions (certains films alignent paraît-il des scènes de torture et de sexe très crues), ainsi qu’un bar façon cantine soviétique : alors, borchtch ou café imbuvable dans un gobelet en aluminium? Et ce monde d’illusions est ouvert 24 heures sur 24, invite à s’incruster dans la durée.

Une fois pris dans l’ambiance, on a l’impression de comprendre cette ambiance soviétique filmée où bonhomie alterne avec brutalité (celle du KGB qui fait irruption dans l’Institut pour embarquer ses victimes), langue de bois (toasts au camarade Staline et à l’avènement du communisme) avec franchise (les protagonistes à huis clos) ou courage (le directeur de l’Institut refusant d’espionner ses collaborateurs).

Beaucoup sont restés dubitatifs. Et les ratés de l’organisation n’arrangent rien. Premier week-end (25 janvier) fermé. Salles fermées, projections décalées. Et le Théâtre du Châtelet, deuxième moitié de DAU, n’ouvrira que ce samedi 2 février 2019: il nous faudra écrire à indo@dau.com pour leur demander une prolongation du visa. Tout cela laisse Ilya Khrzanovsky de marbre: « C’est l’Union soviétique! » ironise-t-il.

Paul Schmitt, février 2019