Macbeth

Performance d’acteurs, photographie et utilisation de la couleur : une superbe adaptation filmique du chef d’oeuvre de Shakespeare

Avec Michael Fassbender  dans le rôle-titre  et Marion Cotillard en Lady Macbeth, cette nouvelle adaptation d’une des pièces les plus connues et les plus sombres de Shakespeare est l’un des films les plus attendus de l’année. Les critiques eux-mêmes lui ont réservé un excellent accueil au Festival de Cannes. Pourtant,  le réalisateur australien Justin Kurzel est loin d’être connu, ayant réalisé son premier long métrage Les Crimes de Snowtown en 2011 seulement.

Macbeth aux mains de Justin Kurzel s’écarte notablement des versions précédentes, accentuant le caractère sombre et violent de la pièce, en éliminant les dialogues plus légers et les caractères secondaires comme le portier ivrogne et en insistant graphiquement sur le sang versé dans les batailles comme dans les meurtres.

Face au challenge, Justin Kurzel s’est entouré d’une équipe aguerrie, dont le directeur de la photographie Adam Arkapaw (Snowtown, True Detective) et Adam Glasman du studio londonien Goldcrest Post pour l’étalonnage. Adam Glasman a œuvré entre autres sur Cold Mountain, Les Misérables, Casino Royale et World War Z.

L’approche retenue pour l’étalonnage des lumières de ce Macbeth est très originale, témoigne Adam Glasman : « Normalement, mon travail d’étalonneur consiste à homogénéiser les lumières pour que les plans soient raccord, mais dans Macbeth nous avons volontairement introduit des ruptures entre certains plans. Par exemple, la scène de bataille du début est dans les bleus, mais quand on y voit les sorcières, la tonalité générale devient jaune. C’est évidemment intentionnel, cette rupture signifie que ces plans sont une vision, une hallucination  de Macbeth plutôt que la réalité »

« De même, la bataille finale, très stylisée, baigne dans un brouillard rouge comme si Macbeth était déjà en enfer. Nous avons littéralement poussé le rouge aussi loin que nous permettait l’espace colorimétrique. Cependant, l’idée n’était pas d’applique un rouge uniforme, mais d’en avoir un rouge dans les ombres qui évoluait vers du jaune  en pleine lumière, ce qui nous a posé des problèmes de cohérence. On pourrait penser qu’il suffit de copier-coller le rouge d’un plan à l’autre, mais quand vous regardez la séquence entière, les désaccords vous sautent aux yeux ».

Pour parfaire la séquence, Glasman a profité de l'ensemble de la panoplie d'outils qu'offre l'outil d'étalonnage Da Vinci Resolve. « On a utilisé beaucoup de vignettes pour ajouter du relief, et à certains endroits du film, on a ré-haussé les visages avec des masques qu'on a trackés », explique-t-il. « J'ai aussi opéré beaucoup de defocusing (floutage)  sur des éléments d'avant-plan à l'aide de masques trackés et rotoscopés afin d'accentuer le détail dans l'arrière-plan que forme l'alignement des arbres (scène de la bataille), et dans une moindre mesure, j'ai aussi procédé à de la réduction de bruit numérique pour les plans plus ambitieux, en particulier pour les plans au ralenti filmé avec la caméra Phantom ». Rappelons que les plans au ralenti demandent plus de lumière que les autres car plus il y a d'images capturées par seconde, plus on accélère la vitesse d'obturation. Cela demande donc souvent d'augmenter l'ISO du capteur, ou de ré-hausser l'exposition en post, d'où l'apparition de bruit numérique.

« J’aime beaucoup cette scène de bataille finale pour son audace. J’aime aussi la scène de banquet à laquelle nous avons donné une atmosphère de poussière dorée. C’est la scène ou Macbeth voit Banquo alors qu’il l’a tué, il hallucine à nouveau. Nous l’avons tournée dans la cathédrale d’Ely en Angleterre, et la photographie d’Adam Arkapaw est superbe. »

Et pour tous ceux désireux de l’imiter, Adam Glasman a juste un conseil : s’exercer et persévérer. « Je fais ce travail depuis si longtemps, je n’ai plus besoin de réfléchir longuement avant d’agir, j’y vais direct, et c’est d’autant plus agréable pour les clients. Et pour arriver là, un seul moyen : la pratique, d’où découle l’expérience ».

Traduction et adaptation Wilhelm Kuhn, novembre 2015