Walkyrie

Après ses X-Men (1 et 2) et Superman returns, le réalisateur Bryan Singer fait une croix sur le fantastique pour s’attaquer à une histoire vraie et des plus importantes : l’attentat de généraux allemands du troisième Reich contre leur Führer le 20 juillet 1944.

Déjà remarqué dans la séquence d’ouverture d'X-Men, l’intérêt du réalisateur Bryan Singer pour l’époque nazie se retrouve une nouvelle fois à l’honneur, pour raconter l’histoire vraie de quelques haut-officiers allemand décidés à mettre un terme à un régime auquel ils ont pourtant prêté serment. Fidèle aux productions hollywoodiennes traditionnelles, le scenario de Christopher McQuarrie et Nathan Alexander contient de nombreux personnages secondaires mais reste principalement axé sur le destin d’un brillant officier de l’armée allemande, le colonel Claus von Stauffenberg. Rapatrié en Allemagne après avoir été blessé en Tunisie, il entre en  résistance et se retrouve en première ligne dans la préparation du coup d’état du 20 juillet 1944 incluant la tentative d’assassinat contre Hitler. S’interrogeant depuis longtemps sur les conséquences de ses actions au service du plus grand totalitarisme de l’Histoire, il devient le fer de lance du coup d’état fomenté par les généraux félons, soucieux de sauver les dernières miettes d’honneur restant à l’Allemagne, et d’épargner à leur pays une fin de guerre des plus destructrices.

Thriller ou film à thème?
Avec Brian Singer derrière la caméra et Tom Cruise devant, on découvre sans surprises une œuvre aux allures classiques du thriller, au dépend d’une véritable réflexion sur le patriotisme, l’honneur de la nation ou encore le sens de la justice. Les thèmes opposant le patriotisme politique et l’esprit critique, la sécurité de sa famille et le devoir moral, ou encore l’Allemagne nazie et celle des résistants (qu’eux-mêmes appellent « l’Allemagne secrète ») font l’objet de quelques séquences avant de se retrouver noyées par un flot de suspense et d’action. Un choix tout à fait avoué par le réalisateur les scénaristes, Brian Singer qualifiant le film de « thriller historique » où l’idée de « rester fidèle à la vérité (…) tout en captivant le spectateur » lui permet de mêler sa passion pour l’histoire et son talent pour l’écran.
L’objectif est d’ailleurs atteint puisque le rythme du film est parfaitement maîtrisé : le montage alterne intelligemment les scènes se déroulant dans la « Tanière du loup » (le QG d’Hitler où la bombe doit être déposée) et celles se passant à Berlin, où les conspirateurs attendent interminablement la confirmation de la mort du Führer pour déclencher dans la capitale la fameuse opération Walkyrie visant à s’emparer du pouvoir.

Mais aussi une reconstitution historique léchée
Bryan Singer s'adonne par contre à son goût pour l'histoire avec une mise en scène impressionnante de l'époque nazie dans le film. Le travail de la costumière Joanna Johnston, dont on avait déjà pu admirer l’excellent travail dans le plus que célèbre Il faut sauver le soldat Ryan, y contribue largement. Brian Singer oblige, la photographie est toujours assurée par Newton Thomas Sigel, qui, pour dépeindre les rues berlinoises et la caserne du Führer, choisit des couleurs pâles et froides que seule la rougeur des drapeaux nazis parvient à percer. L’atmosphère rappelle d’ailleurs vaguement l’ambiance des classiques des années 40, à l’image des plans larges laissant entrevoir la silhouette des personnages se frayant un passage au milieu des décors ténébreux. A l’inverse, les séquences évoquant l’optimisme des conspirateurs ou les retrouvailles avec la famille sont baignées de couleurs plus chaudes (jaune et rouge foncé) sans toutefois être rassurantes.
La nervosité et l’angoisse des protagonistes en deuxième partie du film sont tout simplement exprimées par une caméra épaule, alors que la première partie repose plutôt sur des travellings à grues.

Quant aux décors, la production a eu la bonne idée de tourner sur les lieux où les faits se sont déroulés, et non uniquement en studio. Même si les bombardements et les combats dans Berlin en 1945 n’ont pas épargné beaucoup de ces bâtiments, le tournage a pu profiter de l’authenticité de l’ancien QG de la Luftwaffe (reconverti aujourd’hui en ministère des finances), d’une vaste structure d’époque à l’aéroport de Tempelhof, et du Messe Berlin. Quant aux séquences tournées en décors ni historiques ni naturels, leur tournage s’est principalement déroulé  aux célèbres studios Babelsberg de la capitale allemande. Ces dernières ont fait l’objet d’un travail minutieux et recherché puisqu’elles recréent fidèlement les intérieurs glaçants qu’avait imaginés Albert Speer, l’architecte du Führer.
Le film se démarque donc nettement des productions hollywoodiennes classiques, rarement enthousiastes à l’idée de tourner intégralement en pays non-anglophones, même si certains reprocheront à Brian Singer de ne pas être allé jusqu’au bout en tournant son film en anglais.

Willy Kuhn, janvier 2009