Premier meuble de Janine Abraham en 1953, elle était encore à Camondo lorsqu’elle apporte son dessin à Robert Vecchione de l’éditeur Meubles T.V. Rol raconte qu’elle lui vendit le dessin et, tellement heureuse alla dépenser l’argent avec ses copines en mangeant des glaces sur les Champs Elysées ! Voilà qui en dit long sur les contrats d’éditions en vigueur à l’époque… Personne ne sait aujourd’hui si ce meuble a été réalisé à 30 ou à 200 exemplaires mais peu importe car c’est aujourd’hui, un meuble rare. Rare aussi par sa proportion, car il est étonnamment haut sur pied pour l’époque et Prouvé mis à part, personne ne dessinait de meuble de ce style à cette époque. En revanche, par la suite, cette invention a été souvent copiée et réinterprétée.
Le bahut 102 est rehaussé pour que toute la vaisselle soit accessible sans mettre le genou à terre mais aussi pour amener au niveau des yeux, le bouquet, la lampe, la sculpture ou le tableau que l’on mettra au dessus. Le haut piètement en tube métallique le dégage volontairement du sol pour l’alléger et laisser passer le tout nouvel aspirateur du foyer. Il comprend un bar et des tiroirs positionnés pour que l’oeil accède immédiatement aux couverts ou au linge de table que l’on y a rangé. Et pourtant point de formes molles, tout est parfaitement proportionné et rigoureux. Comme dans ces meubles aussi le plus grand soin est accordé aux détails; pour alléger le volume Janine Abraham fait disparaître les portes en supprimant les entrées de serrure et en repoussant les poignées encastrées aux extrémités. Les trois portes sont coulissantes et celle du milieu disparaît sous les rayures verticales du placage de fil ; elle n’a pas de poignée mais une gorge tout le long de son chant qui permet de passer les doigts et de la déplacer d’un coté ou de l’autre. Enfin le volume général est souligné et modernisé par la ligne colorée des tiroirs grise pour la version orme, noire pour la version chêne blanchi.